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Interventions auprès d'enfants ayant un comportement difficile et des besoins spéciaux

par Lynda Orr et Gerald Cavallaro

Un enfant qui affiche un comportement agressif et indiscipliné est source de préoccupation dans n'importe quel milieu de garde d'enfants, mais quand cet enfant a des besoins qui exigent des programmes spéciaux, l'administration de ces programmes parallèlement à la régulation des comportements difficiles peut représenter une véritable gageure pour une garderie dotée de ressources limitées. Même lorsque les parents et les organismes de garde à l'enfance s'entendent pour admettre qu'ils ont désespérément besoin de l'expertise de professionnels de la gestion et de la psychologie du comportement, les coûts sont souvent tellement élevés qu'ils ne peuvent les assumer.

Nous vous présentons ci-après la description d'un programme que nous avons élaboré pour les Services d'intégration pour jeunes enfants, un programme bilingue relevant des services de garde à l'enfance Andrew Fleck, financé par le ministère des Services sociaux et communautaires de l'Ontario. Ce programme vise à fournir un appui aux écoles maternelles accréditées, aux garderies et aux programmes de jour en milieu familial qui doivent offrir des services aux enfants de 6 semaines à 10 ans ayant des besoins spéciaux. Vous pourrez y glaner certaines idées applicables dans votre milieu. Dans le domaine de la gestion des comportements, la solution consiste à désamorcer les problèmes avant qu'ils ne prennent trop d'ampleur.

Notre programme permet de savoir où et quand déployer des efforts grâce à deux types d'évaluation : environnementale et fonctionnelle.

L'évaluation environnementale examine l'organisation et le contenu des programmes et précise les modes d'interaction entre le personnel et les enfants. La première question à se poser est la suivante : «Les membres du personnel accordent-ils plus d'attention à des comportements appropriés qu'à des comportements inadéquats?» Puis : «Les membres du personnel sont-ils cohérents dans leurs attentes par rapport à chacun des enfants et ces attentes sont-elles les mêmes pour tous?» Enfin : «Les membres du personnel adaptent-ils leurs directives au niveau de compréhension des enfants et sont-ils disposés à donner suite à ces directives, à faire respecter les limites et à imposer des sanctions raisonnables s'il y a lieu?» Pour chacune de ces questions, le consultant tente de renforcer la communication entre les pédagogues (pour établir une certaine cohérence) et entre le personnel et les enfants (pour améliorer la coopération). Finalement, le consultant évalue le contenu du programme pour s'assurer que celui-ci répond aux besoins et suscite l'intérêt de tous les enfants. Dans la négative, des ressources et de l'aide sont fournies. Le consultant examine en outre attentivement les périodes de transition entre les activités puisque c'est à ces moments-là que la plupart des incidents semblent se produire. Lorsque les transitions sont intelligemment structurées, les difficultés peuvent être surmontées. La stratégie la plus utile consiste, pour le personnel, à signaler aux enfants, à deux ou trois reprises, que l'activité en cours va être modifiée. On peut en outre faire des miracles en donnant à l'enfant qui a les problèmes de transition les plus aigus un rôle d'assistant.

Des séances de rétroaction et de formation du personnel au terme de l'évaluation environnementale suffit souvent à résoudre la majorité des problèmes de comportement. Lorsque ce n'est pas le cas, il est indispensable d'organiser des séances de consultation individuelles avec les enfants et d'entreprendre une évaluation fonctionnelle. L'évaluation fonctionnelle repose sur l'hypothèse que le comportement déviant est mis au service du but que poursuit l'enfant et qu'il a donc une fonction particulière. En d'autres termes, le comportement a pour fonction de permettre à l'enfant d'échapper à une activité qu'il déteste ou d'obtenir ce qu'il veut, tel que l'attention du personnel ou l'accès à une activité ou à un jouet favori. Dans la plupart des cas, le comportement compense pour une lacune liée aux besoins spéciaux de l'enfant. Par exemple, si un enfant n'a pas encore acquis la compétence de communication verbale qui lui permet d'obtenir un jouet ou les habiletés sociales requises pour en partager un avec d'autres enfants, la crise de colère peut lui apparaître comme le plus sûr moyen d'obtenir ce qu'il veut. L'enfant ne se dit pas forcément qu'un accès de colère est efficace, mais il se souvient que ce genre de crise a déjà produit, dans le passé, les résultats escomptés. De la même manière, un enfant pourra faire toute une scène pour éviter de s'asseoir tranquille pendant l'heure du cercle, parce qu'il trouve cette exigence trop grande pour lui.

Pour résoudre efficacement un problème de comportement, il faut évaluer sa fonction. Le fait de connaître la fonction conduit presque toujours, tout naturellement, à une solution satisfaisante. Il faut d'abord empêcher que le comportement perturbateur ne permette à l'enfant d'atteindre son but tout en lui enseignant le genre de comportement qui lui permettra de l'atteindre plus efficacement. Dans l'exemple ci-dessus, les membres du personnel enseigneront à l'enfant les mots qui lui permettront d'obtenir le jouet convoité et ils l'encourageront à les utiliser. En même temps, ils encourageront l'enfant à partager ses jouets en faisant appel à des techniques d'imitation et en lui donnant des instructions précises. Plus tard, lorsqu'une crise se produira, le personnel l'ignorera et réorientera l'enfant vers une nouvelle activité -- qui n'inclut pas la manipulation de ce jouet.

L'étude de cas suivante, extraite du programme Bon départ d'Ottawa, illustre la façon dont le programme fonctionne. Un conseiller des Services d'intégration pour jeunes enfants a adressé Mark, un jeune garçon de quatre ans ayant des difficultés de communication et de graves problèmes de comportement, à un spécialiste du comportement, dès que le nouveau programme est entré en vigueur. Mark se complaisait à l'époque dans des crises de colère (se jetant sur le sol en hurlant) et dans des actes de destruction et d'agression (en donnant des coups de poing et des coups de pied et en mordant) au cours desquelles il a blessé des membres du personnel et d'autres enfants. Il refusait constamment de se plier aux demandes du personnel et arrivait mal à faire les transitions. La garderie avait précisé que si son comportement ne s'améliorait pas, il devrait quitter l'établissement dans les six semaines. Il a été examiné entre-temps dans un établissement psychiatrique.

Le consultant a évalué l'environnement de la garderie et plusieurs changements y ont été apportés. Le niveau d'attention accordé aux comportements appropriés (renforcement) a été rehaussé. Le personnel a reçu une formation pour savoir quand et comment utiliser des techniques de renforcement et de dissuasion. Des séances de formation ont également été offertes afin de structurer les périodes de transition et de veiller à ce que le personnel affiche ses couleurs et s'en tienne à ses demandes et à ses instructions. L'amélioration de la communication entre les membres du personnel a été vivement encouragée à des fins d'uniformité. En raison des échéances et du niveau de stress dans la garderie, le ratio adultes-enfants a été augmenté. Enfin, on a tenu compte des activités et des objets préférés de Mark dans l'organisation du temps pour l'encourager à participer.

L'évaluation fonctionnelle a montré que les crises et les agressions se produisaient le plus souvent dans un contexte d'interaction sociale avec des pairs ou en réponse à des interdictions imposées par le personnel. Le comportement de Mark semblait être multifonctionnel. Il utilisait ses accès de colère et d'agressivité pour attirer l'attention du personnel, pour être autorisé à accéder aux objets et aux activités qu'il préférait et pour échapper aux activités qu'il trouvait trop exigeantes. Mark n'avait, à cette époque, pas encore acquis les habiletés langagières et sociales lui permettant d'amorcer des échanges avec ses pairs, et il éprouvait beaucoup de difficulté à se soumettre aux contraintes et aux limites de son milieu.

En vue d'empêcher que les comportements agressifs de Mark lui permettent d'atteindre ses objectifs, le personnel avait reçu l'ordre de l'éloigner en cas de crise. Cette mise en quarantaine se déroulait avec un minimum d'échanges verbaux et ne durait qu'un temps limité. Une fois le calme revenu, Mark était replacé dans son environnement, réorienté vers une activité positive et félicité lorsque se produisait une interaction sociale convenable.

Puisque Mark agissait parfois de manière agressive pour se soustraire à une situation, le personnel a convenu de lui permettre de suspendre ses activités après une courte période de participation. L'éducatrice devait ignorer tout comportement perturbateur et rendre l'activité plus intéressante pour les autres enfants pour les amener à oublier la présence de Mark. On mettait ensuite l'accent sur l'apprentissage, le jeu et l'imitation de modes d'interaction socialement appropriés. Les activités du cercle abordaient un thème qui favorisait l'usage du langage et le présentait comme le meilleur moyen d'amener les autres à coopérer.

Malgré les appréhensions initiales du personnel, la fréquence des colères et des comportements agressifs de Mark a baissé de façon notable au cours des six semaines, si bien qu'il a pu demeurer au sein du programme. Actuellement, il se comporte tellement bien qu'il n'est plus nécessaire de faire appel à du personnel d'appoint.

Lorsque la consultation a commencé, l'agressivité de Mark était telle qu'on était forcé de l'immobiliser trois ou quatre fois par jour. Après un an, les comportements agressifs se produisaient encore en moyenne une fois par jour, mais il n'était plus nécessaire de l'immobiliser. Maintenant, après deux ans, les agressions se produisent moins d'une fois par semaine. Mark interagit maintenant avec les autres enfants et il utilise le langage pour exprimer ses désirs, même s'il a encore besoin d'aide pour choisir les formules qui permettent d'amorcer un échange social. Le personnel le voit facilement quand Mark ne coopère pas et il peut désamorcer sa crise. Mark continue à lui montrer que s'il ne persévère pas, ses comportements agressifs reprendront de plus belle.

Nous espérons que les faits présentés ici offriront aux lecteurs des idées concrètes pour aborder les problèmes de comportement. Si vous voulez modifier un comportement, examinez d'abord l'environnement dans lequel il se produit et cernez-en ensuite la fonction. Examinez-le à la lumière des plus grosses lacunes de l'enfant. Le comportement peut compenser pour ces lacunes. Si c'est le cas, vous devrez enseigner ou renforcer cette habileté si vous voulez améliorer de façon significative le comportement en question.

Lynda Orr est spécialiste du comportement dans le cadre du Programme de gestion du comportement d'Ottawa-Carleton. Elle a travaillé pendant 12 ans avec des enfants et des adultes qui affichent des difficultés de comportement et un retard de développement. Gerald Cavallaro, un psychologue qui compte 15 ans d'expérience dans le domaine des retards de développement, travaille au Rideau Regional Centre de Smiths Falls, en Ontario. Il est actuellement consultant pour le Programme de gestion du comportement et la Société d'aide à l'enfance d'Ottawa-Carleton.

Ressources recommandées

A Practical Guide to Solving Preschool Behaviour Problems, par Eva Essa, Delmar Publishers, Albany, New York, 3e édition, 1995.

Pour les articles se rapportant aux besoins spéciaux, aller à la table des matières.

Cet article a paru dans Interaction (hiver 1997), publié par la Fédération canadienne des services de garde à l'enfance.

Affiché par la Fédération canadienne des services de garde à l'enfance, juillet 1997.


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