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Comprendre le comportement des enfants :

la clé d'un bon encadrement

par Alice Taylor

Que l'on soit un vétéran de la garde à l'enfance, une nouvelle diplômée oeuvrant dans le domaine, une étudiante en ÉPE ou un parent, le comportement des enfants demeure un sujet brûlant. Chaque jour, nous lisons, entendons ou constatons que la discipline se dégrade. Où que nous vivions, la violence contre les personnes et la propriété et le gaspillage du potentiel des jeunes gens autour de nous fait partie du décor. Comment en sommes-nous arrivés-là? Pourquoi certaines personnes apprennent-elles un comportement socialement acceptable et d'autres non? La réponse est très complexe.

La plupart d'entre nous avons des opinions bien arrêtées sur la façon de guider le comportement de nos enfants. Malheureusement, ces opinions mettent souvent l'accent sur l'élimination du comportement inacceptable et négligent d'aider suffisamment les enfants à apprendre de nouveaux comportements appropriés. Les personnes oeuvrant auprès des jeunes enfants ont une chance inouïe et l'immense responsabilité d'aider les enfants à apprendre à faire des choix comportementaux adéquats qui, par surcroît, amélioreront le respect de soi et l'autodiscipline.

Pour être efficaces, les règlements concernant la discipline chez les jeunes enfants doivent être en place avant d'être enfreints. Comme processus d'encadrement, la discipline peut comprendre deux composantes principales : l'encadrement direct et indirect. En ce qui concerne l'encadrement indirect, nous devons examiner l'organisation de l'environnement et faire en sorte qu'il encourage l'autonomie et habilite les enfants. En outre, nous devons tenir compte des gens -- les éducatrices - qui s'occupent des enfants et contribuent à leur apprentissage. L'encadrement direct, comme l'expression l'indique, intervient lorsque l'enfant enfreint une certaine règle ou dépasse les bornes.

Besoins psychologiques et encadrement indirect

Examinons nos besoins en tant qu'êtres humains. Nous pourrions concéder volontiers avoir des besoins physiques ou de survie, comme le besoin de respirer, de boire, de se nourrir, de se reposer, de se loger et d'être en sécurité. William Glasser, Ph. D., nous signale que nous avons aussi des besoins psychologiques : l'amour et le sentiment d'appartenance, le pouvoir et un sentiment d'importance, de liberté et de plaisir (Glasser, 1984). M. Glasser estime que l'on doit répondre à ces besoins tous les jours afin d'être des personnes vraiment heureuses et vivantes. Si nous lions la théorie de Glasser aux jeunes enfants à notre charge, il devient évident que les besoins psychologiques (selon sa définition) influent beaucoup sur le développement des enfants en plus d'avoir un lien direct avec leur comportement.

Les enfants ont besoin d'amour et, comme tout être humain, ils ont besoin de savoir qu'ils sont aimés, acceptés et chéris en tant qu'êtres uniques. Cela semble assez simple, mais un grand nombre d'enfants ayant besoin d'amour sont ceux qui en reçoivent le moins. Il nous est facile d'aimer et de prendre soin d'un enfant qui répond à notre vision de ce que devrait être un enfant (propre, soigné, coopératif, vif, autonome), mais qu'en est-il de ceux qui mettent constamment notre patience à l'épreuve -- ceux qui trouvent tellement de façons de nous provoquer que nous avons mal? Aimons-nous ces enfants de façon inconditionnelle quel que soit leur comportement à notre égard? Sommes-nous soulagées les jours où ils sont absents? Ces enfants sont-ils conscients du fait qu'ils sont si malcommodes à nos yeux? Vous pouvez être certaines que oui! Et, cela les encourage à persister dans leur mauvais comportement puisque une attention négative est mieux qu'aucune attention. Si nous voulons rejoindre tous les enfants, nous devons trouver des façons de leur dire que nous les aimons - quoiqu'il arrive. En outre, nous devons dénicher des manières de leur insuffler un sentiment d'appartenance -- quoiqu'il arrive.

Qu'est-ce qu'on appelle le «pouvoir»? Glasser définit le pouvoir comme une habilitation personnelle ou la confiance en soi. Le pouvoir concerne aussi la reconnaissance; les enfants doivent être reconnus, non pas pour ce qu'ils font, mais pour les êtres uniques qu'ils sont. Comme la reconnaissance est un besoin fondamental, ils l'obtiendront d'une manière ou d'une autre. Si vous ne reconnaissez pas Sam de façon positive, il le ressentira de façon négative. Si la seule reconnaissance qu'il connaisse est négative, il réagira continuellement en conséquence jusqu'à ce que vous lui démontriez une reconnaissance et un encouragement plus positifs. Souvent, nous reconnaissons les enfants en les félicitant. Considérez la possibilité de remplacer les éloges par l'encouragement et la reconnaissance, car ces derniers se font sans porter de jugement en plus de renforcer l'autonomie des enfants (et des adultes).

Les enfants ont besoin de liberté pour faire des choix -- de vrais choix. Certaines personnes estiment que le problème aujourd'hui c'est que les enfants ont trop de choix. Je ne parle pas d'une liberté et de choix sans bornes. Je parle de choix limités selon la compréhension des enfants. Faire un choix suppose une responsabilité. Ainsi, les enfants - mêmes les plus jeunes - doivent répondre de leurs choix.

Les enfants sont tout à fait capables de faire des choix (quelle couleur de pantalon porter, dans quelle aire de jeux ils désirent se rendre, comment peindre, dessiner ou construire). Ils doivent aussi être libres de décider, par exemple, où ils s'assoiront dans le cercle. Est-ce vraiment important que les enfants s'assoient tous comme des anges, les mains sur les genoux, regardant droit devant et sans dire un mot? Que voulons-nous exactement? Nous désirons que les enfants écoutent et participent aux activités. Nous voulons qu'ils respectent les droits des autres. Nous voulons aussi qu'ils respectent le fait que nous essayons de les aider à apprendre. C'est là que se situe le vrai débat -- et non pas que les enfants doivent s'asseoir comme des anges. Aidez-les à comprendre ces choses en leur expliquant leur importance pour vous.

Aidez-les à choisir un comportement approprié et dites-leur qu'ils doivent en rendre compte. Quand les enfants font partie du choix, ce dernier leur appartient et, par conséquent, ils sont plus susceptibles de le respecter. Voilà de vrais choix qu'il faut donner aux jeunes enfants si nous voulons qu'ils puissent en faire de bons sur des questions plus importantes plus tard dans la vie.

En plus, nous devons avoir du plaisir! Nombre d'entre nous avons été élevées dans des familles où le plaisir venait seulement après le travail. Cependant, Glasser soutient que le plaisir est un besoin fondamental auquel on doit répondre tous les jours pour se sentir heureux et comblé. Il est plutôt facile pour les adultes qui prennent soin des enfants et les éduquent de répondre à leur besoin de plaisir parce que la plupart d'entre eux savent instinctivement comment en avoir. Il nous incombe de respecter ce besoin et non de l'étouffer. Nous devons encourager les enfants à contribuer à la planification de leurs journées, à la façon dont ils aimeraient apprendre un concept. Ce faisant, nous répondrons à plusieurs de leurs besoins : plaisir, liberté, pouvoir, amour et sentiment d'appartenance.

Il importe de nous rappeler que notre définition du plaisir n'est pas nécessairement celle de l'enfant. Combien d'entre vous, tout comme moi, avez passé des heures à organiser une activité que vous estimiez amusante pour vous retrouver devant des enfants désintéressés et sans enthousiasme? Ce genre de situation se produit parce que nous avons agi sans prendre leur avis. Faites participer les enfants à la planification -- vous serez agréablement surprise de constater à quel point ils auront du plaisir.

Planifier et observer attentivement le milieu physique afin de répondre aux besoins toujours changeants des enfants peut éviter des déceptions mutuelles. Vérifiez rapidement votre milieu pour déterminer s'il répond ou non aux besoins des enfants à votre charge.

La manière dont nous prenons soin des enfants est cruciale à un encadrement efficace. Pour répondre à tous les besoins des enfants, il faut les aimer, les valoriser et leur permettre de faire des choix réels et significatifs. En outre, il faut planifier avec les enfants des activités et des programmes appropriés au plan développemental pour qu'ils s'amusent sans se blesser, blesser leurs camarades ou endommager les objets qui les entourent. Bref, l'encadrement indirect se produit bien avant qu'on y fasse une entorse. Il s'agit d'un engagement continu et quotidien envers le bien-être physique et psychologique des enfants. Cette démarche concerne ce que nous faisons et disons comme adultes, comment nous déterminons les attentes et la façon dont nous donnons des choix aux enfants et les en rendons responsables. Il s'agit aussi de la façon dont nous prenons soin des enfants, les aimons et les éduquons. Étant donné que les enfants comptent sur nous pour les aider à répondre à leurs besoins, il faut que nous le fassions de manière à ce qu'ils améliorent leur confiance en soi et leur image de soi.

Encadrement direct et communication

L'encadrement direct se produit quand les enfants dépassent les bornes - comme il arrive à tout enfant de temps à autre. En tant qu'adulte responsable d'enfants, nous devons les aider à comprendre leurs comportements inacceptables et à faire les meilleurs choix. L'encadrement direct comprend tous les éléments du processus de communication interpersonnelle. Nous savons que la discipline fait partie intégrante du développement. Nous travaillons assidûment à aider les enfants à développer une image d'eux-mêmes et un sentiment d'autonomie morale sains. À mesure que les enfants développent leur autodiscipline, ils sont bien placés pour devenir de petites personnes compétentes et sûres d'elles-mêmes. Il importe de signaler qu'il n'en sera pas ainsi si nous persistons à leur dire quoi faire. Il en sera ainsi uniquement si nous les aidons à tirer des leçons de leurs comportements inacceptables et à faire de nouveaux et meilleurs choix au besoin.

Il existe aujourd'hui un grand nombre de méthodes qui ont fait leur preuve.

Émulation

Ne sous-estimez pas le pouvoir de l'exemple, particulièrement si vous êtes importante pour l'enfant. Les enfants feront comme vous, vous devez donc «pratiquer ce que vous prêchez».

Réencadrement

Cette méthode est la plus fréquemment utilisée avec les très jeunes enfants. Cette technique peut être utilisée pour les questions concernant la sécurité en vous servant de mots et d'un encadrement fait en douceur et appropriée à la situation. Elle est particulièrement utile pour guider les tout-petits d'une aire à une autre en faisant semblant de jouer pour éviter les antagonismes.

Conséquences naturelles

On peut utiliser cette méthode quand il ne s'agit pas d'une question de sécurité. Les enfants peuvent apprendre beaucoup de choses en faisant l'expérience des conséquences naturelles.

Après avoir aidé l'enfant à comprendre les conséquences de certaines actions, il vous faut l'aider à choisir un comportement plus approprié afin d'avoir un meilleur résultat la prochaine fois.

Les messages basés sur le «je»

Ces messages sont efficaces quand il s'agit de votre problème et que vous désirez communiquer aux enfants comment leur comportement vous affecte. Un message basé sur le «je» comprend trois parties :

  1. Dites comment vous vous sentez
  2. Citez le comportement inacceptable
  3. Signalez son impact sur vous.

Résolution de problèmes

La résolution de problèmes est une importante dynamique de la vie que les jeunes enfants doivent apprendre. Nous faisons tous face à certains conflits dans notre vie quotidienne. La façon dont nous l'abordons détermine notre sentiment de contrôle sur notre vie en plus de contribuer considérablement à notre sensation de bien-être. Nous pouvons offrir un merveilleux cadeau aux enfants : un sentiment de bien-être!

Conflit

Glasser soutient que nous vivons des conflits (mineurs ou majeurs) dans notre vie parce que nous avons à l'esprit une vision de comment nous voulons que les choses se passent (notre monde idéal). Malheureusement, nous ne vivons pas dans un monde idéal et nous filtrons chaque situation à laquelle nous faisons face dans le vrai monde selon notre système de valeurs. Si c'est important pour nous, nous le comparons à notre vision du monde idéal. Si les deux perspectives vont bien ensemble, nous ressentons un plaisir. Si elles vont assez bien ensemble, nous pouvons ne rien ressentir ou éprouver une douleur légère (signe de frustration). Cependant, si les perspectives ne s'harmonisent pas, nous ressentons qu'il y a une erreur importante (douleur au creux du ventre, serrement de poitrine ou boule dans la gorge). Les réactions diffèrent selon les personnes.

Quand nous ressentons ce signal (positif ou négatif), nous devons réagir en choisissant un comportement qui peut être approprié ou non. Comme êtres humains, nous sommes guidés par nos visions du monde idéal afin de répondre à nos besoins d'amour et d'appartenance, de pouvoir, de liberté et de plaisir.

Notre tâche est d'aider les enfants à répondre à leurs besoins de façon appropriée. S'ils apprennent qu'il faut crier ou frapper pour donner libre cours à la frustration, cela deviendra leur réponse automatique à la frustration. Nous ne voulons pas que les enfants frappent et crient parce qu'ils sont frustrés. Nous devons les aider à apprendre d'autres réactions afin qu'ils choisissent plutôt ces nouveaux comportements.

À compter de trois ans, la plupart des enfants sont tout à fait capables de trouver des solutions à un grand nombre de situations de tous les jours.

Quand un enfant vous donne une réponse raisonnable, acceptez-la. Sinon, continuez à poser vos questions ouvertes. Explorez les options, à savoir ce qu'elle peut faire si un autre enfant ne se conforme pas à son désir d'avoir plus de blocs. Étant donné que l'appartenance est un important besoin humain, la plupart des enfants collaboreront s'ils estiment que la résolution d'un problème a répondu à un de leur besoin. Soyez certaine qu'avec votre aide les enfants trouveront des solutions convenables.

Apprentissage

Si on veut que les enfants se débarrassent de leurs comportements inacceptables, ils doivent en apprendre de nouveaux et meilleurs pour les remplacer. Autrement, ils continueront à faire de mauvais choix. Un encadrement adéquat implique l'apprentissage. Les enfants qui fréquentent des environnements où on répond à leurs besoins physiques et psychologiques sont moins susceptibles de mal se comporter. Il importe de se rappeler que tous les enfants font de mauvais choix de comportement à certains moments parce qu'ils apprennent à connaître leur monde et le rôle qu'ils doivent y jouer.

Il nous incombe de les aider à comprendre leurs mauvais choix, de leur donner l'occasion d'en faire des bons et d'apprendre des comportements plus appropriés. Ils n'apprendront pas l'autodiscipline ni ne développeront une bonne image d'eux-mêmes si les adultes qui les côtoient leur disent toujours quoi faire. Nous devons encourager et appuyer les enfants dans leur apprentissage d'un comportement convenable au plan social de la même façon que nous le faisons concernant leur apprentissage dans d'autres domaines de leur développement. Peut-être pourrons-nous alors vivre selon Child's Appeal de Mamie Gene Cole dont voici un extrait :

Les enfants sont le seul avenir de la race humaine. Formons-les convenablement.

Alice Taylor est directrice de programme/chargée de cour en éducation de la petite enfance au Holland College, Charlottetown, Î.-P.-É.

Références

Glasser, W. (1984). Control Theory. New York : Harper & Row.

Shipley, D. (1993). Empowering Children. Scarborough, Ontario : Nelson Canada.

Cet article a paru dans Interaction (automne 1996), publié par la Fédération canadienne des services de garde à l'enfance.

Affiché par la Fédération canadienne des services de garde à l'enfance, aôut 1997.


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