Comment gérer le stress chez les enfants

Si vous êtes intervenante en services de garde, vous avez choisi l'une des carrières les plus stressantes. Par conséquent, il vous faut comprendre l'origine du stress, comment le réduire au minimum pour vous et les enfants à votre charge et la façon de gérer le stress qui surviendra inévitablement. J'espère que cet article vous fera connaître de nouvelles techniques de gestion du stress pour vous-même et pour les enfants. Je souhaite aussi que ces informations confirment l'efficacité des nombreuses techniques que vous utilisez déjà.

Avant d'aller plus loin, prenez deux minutes pour réfléchir aux techniques que vous connaissez pour réduire le stress et notez-les. Après avoir lu l'article, reprenez votre liste et ajoutez-y les nouvelles techniques apprises.

Les causes du stress

Les adultes comme les enfants expérimentent le stress pour plusieurs raisons qui peuvent être regroupées en quatre grandes catégories :

• Les stresseurs physiques sont causés par des facteurs comme la malnutrition, le manque de sommeil, les températures extrêmes, la maladie, le manque de lumière, la croissance accélérée, les pas de géants dans les capacités.
• Les changements dans la vie d'un enfant comme une nouvelle routine, une nouvelle intervenante en services de garde, un environnement inconnu, une perturbation dans la vie familiale ou le début d'un nouveau stade développemental peut aussi être stressant. Tout changement, si positif soit-il, entraîne du stress.
• Les sentiments positifs et négatifs peuvent être stressants. Il peut être tout aussi difficile de faire face à des sensations vives de joie ou d'excitation qu'à des sentiments de peur, de confusion ou de colère.
• Trop d'une même chose peut être stressant. Par exemple, une surabondance d'activités, de libertés, de stimulations, de structures, de défis et d'ennui peut être difficile à supporter pour un enfant.

Allen Mendler, dans son livre intitulé Smiling at Yourself (1990), signale certains des événements stressants que connaissent les enfants :

• Le stress, c'est quand votre frère ou votre soeur vous taquine en vous appellant des noms. Vous pouvez éprouver une sensation de colère.
• Le stress, c'est quand vous voulez absolument quelque chose et que votre maman ou papa refuse de vous l'acheter. Vous pouvez vous sentir mal aimé.
• Le stress, c'est quand vous ne pouvez trouver personne avec qui jouer ou parler. Vous pouvez vous sentir seul.

On peut aussi regrouper les stresseurs en trois catégories : stress chronique, stress de situation et stress en situation de crise :

• Chez certains enfants, le stress chronique résulte d'une situation familiale ou de garde difficile, y compris celle où l'on retrouve des mauvais traitements ou de la violence. Il peut aussi être causé par des attentes irréalistes, des traumatismes affectifs ou physiques ou encore des problèmes familiaux non résolus.
• Le stress de situation est présent pour un temps limité et peut être lié à une circonstance ou à un événement particulier (par ex., déménagement, divorce, naissance d'un frère ou d'une soeur, maladie, vacances ou anniversaires).
• Le stress en situation de crise est souvent résolu plus vite et peut être causé par un accident, une perte soudaine, un cauchemar, une maladie inattendue chez une intervenante en services de garde préférée, etc.

La compréhension des causes du stress peut nous aider à utiliser des techniques efficaces pour le réduire et nous permettre de traiter du vrai problème plutôt que de nous attaquer au comportement induit par le stress. Réfléchissez un instant à la façon dont vous agissez quand vous vous sentez stressée. Comment vous sentez-vous? Quel est le pire aspect du stress? Qu'est-ce qui en est le plus terrible? Qu'aimeriez-vous que les gens fassent ou ne fassent pas? Gardez ces questions et réponses en mémoire pendant que nous examinons les concepts généraux relatifs au stress.

L'expérience du stress

Les enfants vivent le stress différemment des adultes et le même enfant le vit de façon différente selon les circonstances. Certains enfants auront des problèmes physiques (par ex., maux de ventre, éruptions, maux de tête). Ma benjamine, elle, a des «crampes» quand elle est stressée. Quand je lui demande de me les décrire, elle me dit «qu'elles sont comme de petits pois flottants dans son ventre».

Certains enfants deviennent vraiment grognons (mon aînée). D'autres encore s'expriment dans des interactions agressives (par ex., cris, coups, objets lancés) tandis que d'autres deviennent introvertis (par ex., repli sur soi, esprit destructeur envers soi, leurs bricolages ou leurs constructions).

Le corps sait! Si nous apprenons à prêter attention à notre corps, nous pouvons tout découvrir sur notre propre stress. Nous pouvons repérer où il se trouve dans nos corps. Et, si nous pouvons nous concentrer sur où et comment il est emmagasiné, nous pouvons aller à la source. Ainsi, nous pouvons prendre des mesures pour réduire ce stress ou l'éliminer complètement. C'est une bonne idée que de faire régulièrement l'exercice qui suit avec les enfants. Vous pouvez l'appeler «un examen santé», «le thermomètre du stress» ou «le bilan corporel».

Exercice :
Fermez les yeux et relaxez-vous autant que possible. Voyagez mentalement sur tout votre corps et déterminez toutes les régions de stress. Vous les reconnaîtrez par une raideur musculaire et l'incapacité de votre corps à se relaxer dans une région particulière. Commencez par les orteils et remontez lentement les jambes, le dos, la poitrine et les épaules, jusqu'à votre visage et votre tête.

Si vous constatez des régions de stress, concentrez-y votre énergie pendant 20 secondes. Demandez-vous «Qu'est-ce que je ressens? D'où vient cette sensation? Que dois-je faire pour qu'elle disparaisse?»

Si vous découvrez que vous pouvez faire quelque chose (par exemple, étirements, mouvements de rotation du cou et des épaules), faites-le. Sinon, rappelez-vous de vous donner la permission et le temps de le faire plus tard.

Les réactions au stress sont innées. Nos corps nous transmettent le message que nous devons faire quelque chose différemment. Les enfants ayant cultivé des aptitudes pour combattre le stress sont capables de trouver des façons de se sentir mieux sans se faire mal ou faire mal aux autres. On peut enseigner les aptitudes en gestion du stress à un âge précoce. Comme toute autre aptitude, il faut du temps et de la pratique. Le stress est lié à un conflit. Il existe un ensemble d'aptitudes bien établis appelés capacité de résolution de conflit qui sont très utiles pour réduire le stress.

Exercice :
Prenez un moment pour vous demander qui vous a enseigné à gérer le stress? Vous vient-il à l'esprit une personne ou un groupe de personnes? Était-ce plutôt par un livre ou un cours? Si vous n'avez pas acquis un grand nombre d'aptitudes, demandez-vous «De quoi aurait l'air une personne qui gère efficacement le stress?» Puis, «Combien de fois est-ce que je pratique ma propre gestion du stress? Est-ce que je parle souvent aux enfants de la gestion du stress?»

Le stress s'accumule. L'état de «stress extrême» peut résulter de toute une série de petites choses qui, prises séparément, sont contrôlables. Reconnaître les causes du stress et exprimer nos sentiments à leur égard sont probablement les deux outils les plus puissants pour réduire le stress. Combien de fois vous êtes-vous sentie mieux après avoir exprimé votre colère ou votre frustration concernant un sujet donné à une bonne amie ou collègue? La plupart des gens (y compris les enfants) préfèrent avoir des sentiments d'harmonie et de calme que de sentir qu'ils ont perdu le contrôle. Le désir de réduire le stress et celui de créer l'harmonie ou le calme peut nous orienter vers un ensemble de solutions tout à fait différentes. Bien entendu, tout stress n'est pas mauvais. Un stress contrôlable peut nous pousser à l'action, nous motiver et nous inciter à continuer.

Façons d'atteindre le calme et l'harmonie

L'environnement

• Les couleurs -- Ne sous-estimez pas l'impact des couleurs sur l'humeur, les sentiments ou le niveau de stress. Pensez à comment le vert peut encourager une sensation de bien-être, un bleu doux, non éblouissant, peut calmer les nerfs tandis que le noir peut nous déprimer.

• La lumière -- Il est plus approprié d'avoir beaucoup de lumière naturelle plutôt que pas assez de lumière articifielle. La noirceur ou l'obscurité peut être déprimante.

• Le bruit -- Écoutez les bruits de votre garderie ou de votre domicile. Y a-t-il de grands bruits la plupart du temps? Organisez-vous des périodes calmes afin que les enfants expérimentent régulièrement la paix et la tranquillité tout au long de la journée? Il faut évaluer l'utilité et la valeur du bruit.

• La musique -- Certains genres de musique peuvent stimuler les enfants (par ex., les marches et la musique pour la danse peuvent les aider à se défouler). D'autres genres peuvent inspirer la pensée, les rêves ou des images (utiles pour aider les enfants à être en contact avec leurs sentiments). Vérifiez le langage imagé de la musique que vous utilisez. Encouragez la chaleur, l'amour, la nature, l'imagination légère, l'harmonie et la sécurité.
  
  Plus la qualité de la musique utilisée sera bonne, plus l'impact sera positif. Les enfants peuvent apprécier tout genre de musique instrumentale et de chansons pour adultes. Pour un bout de temps, une bande de Stan Rogers était la préférée de mes enfants, particulièrement le morceau The Apple Song. Aucun d'entre nous n'a jamais pu déchiffrer toutes les paroles, mais nous l'aimons et il nous fait rire. Si possible, investissez dans une bonne chaîne stéréo. Enregistrez des bandes qui conviennent aux enfants à votre charge. Laissez-les vous aider! Choisissez des chansons de différentes sources.

  Les odeurs -- Utilisez des huiles essentielles, des odeurs naturelles (par ex., branches de pin, fleurs sauvages) l'air frais, l'odeur du pain au sortir du four ou des épices familières.

  Les choses vivantes -- Les plantes et les animaux influent positivement sur les enfants et les adultes. Vous devez toutefois faire attention aux allergies et aux questions de sécurité. Le seul fait de placer une variété de plantes et de créatures vivantes dans une garderie diminue le stress. J'ai une amie qui travaille avec des enfants ayant des problèmes d'apprentissage et de comportement et qui jure qu'il n'y a pas un enfant bouleversé qui ne se calmera pas en tenant un hamster.

  Les images et les métaphores -- Fermez les yeux et visualisez votre garderie. C'est tôt le matin et vous êtes seule. Prenez une minute et installez-vous. Que voyez-vous sur les murs? Quelles images ou quels symboles s'y trouvent? Représentent-ils des valeurs et des objets familiers et amusants? Constituent-ils une représentation de l'harmonie pour différentes cultures? Y a-t-il des oeuvres d'art? De la poésie? Des sculptures?
  

  Et qu'en est-il de vous comme intervenante en services de garde? Parlez-vous en vous servant de métaphores calmes? Vos échanges et conversations avec les enfants se font-ils de façon positive et affectueuse? Les aidez-vous à se comprendre et à comprendre leurs sentiments en reflétant les tentatives qu'ils initient et les compétences qu'ils démontrent? Donnez-leur les mots dont ils ont besoin pour qu'ils tentent eux-mêmes de résoudre des problèmes et de faire preuve d'assurance (par ex., «Je gage que tu t'es sentie forte comme un ours quand tu as été capable d'enlever ce gros bâton de ton chemin!»)

  L'aménagement de la pièce -- L'aménagement des centres de jeux, du mobilier, des aires calmes, des aires pour changer de vêtements, faire sa toilette et manger doivent encourager les transitions paisibles et une utilisation facile. Plus les enfants peuvent en faire eux-mêmes et moins il y a une foule d'activités qui portent à confusion, plus les enfants pourront pratiquer le sens du contrôle et de l'autonomie et moins ces activités deviendront stressantes.

Le programme

Une bonne programmation pour enfants comprend les éléments clés suivants : composante développementale appropriée, variété, équilibre et respect des routines. Une composante appropriée signifie que les activités de la journée de l'enfant appuient leurs capacités et leurs besoins développementaux et leur offrent la chance d'élargir leur répertoire de compétences.

Vous pouvez évaluer la variété et l'équilibre à partir d'un certain nombre de cadres. J'aime me servir du Cercle d'influences, une idée que j'ai empruntée à la culture des Premières nations. Le Cercle d'influences est divisé en quatre domaines : physique, mental, spirituel et affectif. Une bonne programmation tient compte des besoins des enfants dans tous ces domaines. À mon avis, dans la culture occidentale, nous sommes plus aptes à mettre l'accent sur la croissance physique et mentale que sur le développement affectif et spirituel.

Demandez-vous un moment «Combien d'activités stimulantes je planifie pour la croissance spirituelle ou émotionnelle dans une journée normale?» Vous n'avez peut-être pas songé aux activités en ces termes. Certaines activités susceptibles d'encourager la croissance dans ces domaines comprennent : pratiquer le calme en méditant régulièrement à un moment précis (Popov); exprimer sa colère en criant dans un oreiller (Mendler); faire des travaux artistiques pour l'expression pure; respecter la nature; et, pratiquer l'exercice du «thermomètre du stress».

Nous savons que les enfants adorent la prévisibilité et la routine. Ils ont besoin d'assez de temps pour s'habiller, manger, dormir, jouer, parler, rêver et se relaxer. Ils ont besoin de savoir ce qui vient après et combien de temps il leur reste. Par exemple, avertir les enfants qu'il leur reste cinq minutes pour achever un bricolage peut leur permettre de mettre fin à l'activité.

On devrait aussi établir des routines pour la résolution de problèmes. Les enfants devraient savoir que chaque fois qu'ils vous demanderont de l'aide pour résoudre un conflit interpersonnel, vous les aiderez à le solutionner. Vous ne prendrez partie pour personne ni ne punirez, mais vous contribuerez plutôt à la médiation.

Après le début du stress

Les enfants continueront à connaître le stress malgré notre meilleure planification, l'attention consacrée aux besoins de nos enfants, une programmation minutieuse, un environnement bien structuré et respectueux des routines. Les deux approches suivantes sont utiles pour gérer le stress : «calmer le stress» et «se débarrasser du stress» .

Je recommande les stratégies qui suivent en mode «calmer le stress» :

• Activivés physiques -- exercices de détente, respiration profonde, danse lente sur une musique calme, repos en silence et activités artistiques apaisantes (par exemple, eau, sable);
• Activités mentales -- restructuration mentale ou monologue, affirmations, lire ou raconter des histoires (dans un lieu spécial);
• Activités spirituelles -- marches dans la nature, musique (particulièrement des pièces instrumentales combinées avec des sons émanant de la nature), exercices de détente et méditation;
• Activités affectives -- musique, activités artistiques comprenant la libre expression et réalisées sans parler (mieux avec de la musique) et la narration de contes.

Voici quelques stratégies pour le mode «se débarrasser du stress» :

• Activités physiques -- plus le stress est élevé, plus le mouvement est large (par exemple, danser, marcher, se rouler, faire de la gymnastique, trépigner, ramper, lancer des choses sans danger, frapper des choses sans danger ou faire des grimaces). D'autres bonnes stratégies pour «se débarrasser du stress» comprennent chanter (commencer à chanter aussi fort que possible et chanter graduellement moins fort) et psalmodier.
• Activités mentales -- exprimer des sentiments verbalement (crier est également bon, si les conditions le permettent), et imaginer des façons de résoudre des problèmes.
• Activités spirituelles -- prier, chanter et psalmodier.
• Activités affectives -- crier, rire, respirer et grogner. L'art constitue aussi un important outil pour soulager le stress (plus c'est extravagant, mieux c'est). Laissez les enfants déchirer des choses (comme de vieux catalogues, journaux ou morceaux de tissu), éclabousser de la peinture sur de larges surfaces (comme le mur ou le plancher), ou trépigner dans des bassins de peinture placées à l'extérieur. Choisissez d'abord des couleurs voyantes et prenez ensuite des couleurs plus douces. Baissez la musique à mesure que les enfants déchiffrent leurs sentiments. Orientez leur expérience.

Conclusion

Le stress est normal et on doit s'attendre à en vivre. Plus nos garderies seront meilleures, moins il y aura de stress. Nous devons apprendre et montrer aux enfants à venir à bout du stress avant qu'il ne se manifeste. Quand il est présent, nous devons fouiller dans notre sac de magie et sortir un tour qui, selon nous, marchera. Nous devons tirer des leçons de nos erreurs. Nous avons de grandes ressources à notre disposition. Les réactions au stress sont innées. Il faut en être reconnaissantes.

Pat Bragg est coordonnatrice du projet de formation en garde à l'enfance et du programme de développement de la petite enfance au Yukon College à Whitehorse.

Références

Treleaven, Lorrie (1990). A Special Place: Self-Esteem & Relaxation Techniques for Children Ages 5-10. Lordawn Enterprises. (Bande audio distribuée par Marvin Melnyk Associates, Queenston, Ontario).

Cet article a paru dans Interaction (été 1995), publié par la Fédération canadienne des services de garde à l'enfance.

Affiché par la Fédération canadienne des services de garde à l'enfance, aôut 1997.

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