Retour à l'index

Effet de boule de neige? (Suite)
Quels enfants et jeunes sont à risque?
Les facteurs qui «prémunissent» les enfants contre la criminalité plus tard dans la vie sont ceux qui contribuent à leur développement. Les perspectives pour un sain développement ne sont pas applicables à tous les enfants. Au lieu de cela, elles sont distribuées de façon disproportionnée sur la base de facteurs comme:

«Un très petit nombre d'enfants commettent un nombre disproportionné d'infractions criminelles, rappelle Doug McNally. Ces enfants sont déjà mal partis au moment de commencer l'école.»

M.Tremblay rapporte qu'à la maternelle trois facteurs dénotent un risque élevé de comportement anti-social à venir : l'hyperactivité, l'intrépidité et l'absence d'un sentiment d'entraide envers les autres. «Les garçons qui ont un score élevé dans chacun de ces comportements sont beaucoup plus susceptibles de devenir les plus délinquants.» Son étude a démontré qu'environ 60 p.100 des jeunes enfants ayant adopté de tels comportements deviennent des jeunes contrevenants.

Les experts croient que les enfants de familles dysfonctionnelles ou à faible revenu sont plus susceptibles d'avoir des démêlés avec la justice. Cependant, une nouvelle catégorie de jeunes contrevenants émerge. Doug McNally et d'autres font remarquer qu'une autre tendance se dégage : les infractions criminelles commises par les jeunes de la classe moyenne. «Même s'il n'existe aucune donnée à cet égard, je crains que ces infractions ne résultent des mêmes problèmes -- la négligence des parents. Cette situation peut être liée au fait que les deux parents travaillent ou qu'ils passent moins de temps avec leurs enfants.»

De l'autre côté du Canada, Joan Pennell pense à peu près la même chose. Elle estime que «la société n'a pas incité les jeunes à faire leur part pour assumer la responsabilité de leur vie. Nous ne leur fournissons pas le genre de possibilités qui leur permettraient de participer de façon responsable à la société. Les sombres perspectives d'emploi font que nos jeunes gens se sentent vraiment perdus.»

De plus en plus, les personnes préoccupées par la prévention du crime mettent l'accent sur la petite enfance. Selon Doug McNally, «Les enfants ont besoin de bien se développer pour être prêts, au moment de commencer l'école, à apprendre, à ne pas décrocher, à obtenir un diplôme et à mener une vie productive. La clé est de mettre l'accent sur les premières années de la vie. Je suis convaincu que nous laissons tomber beaucoup d'enfants.»

Claudette Bradshaw est directrice générale du programme «Bon départ» de Moncton et membre du Conseil. Elle travaille chaque jour auprès de familles à faible revenu ayant de jeunes enfants et elle est sensible aux signes avant-coureurs des troubles à venir. «Si l'enfant naît avec le syndrome de l'alcoolisme foetal, il en sera marqué sa vie durant. Si la mère ne mange pas bien et que l'enfant a un faible poids à la naissance, nous en connaissons les effets possibles sur le reste de sa vie.» Ces caractéristiques peuvent se manifester par des signes précurseurs du genre de comportement que Richard Tremblay a trouvé si préoccupant.

«Il faut rompre le cycle de quelque façon. Dans certaines familles, générations après générations ont eu des démêlés avec la justice, affirme Anne Sherman de l'Î.-P.-É. Nous devons nous occuper sérieusement des enfants maltraités ou négligés. Si nous ne protégeons pas les enfants, nous créons une génération de criminels en puissance.»

«Non seulement laissons-nous tomber les enfants, mais ils grandissent dans des milieux où on leur véhicule toutes sortes de messages sociaux, par exemple, que la personne la plus puissante a tous les droits; que si vous êtes grand et que vous parlez fort, vous obtenez ce que vous voulez; que la violence permet d'arriver à ses fins; que vous devriez prendre ce que vous voulez quand vous voulez.»

Les solutions axées sur la famille et la communauté envers les jeunes contrevenants
Malgré les revendications générales pour une justice sévère, certaines communautés assument la responsabilité de la criminalité chez les jeunes en inventant des méthodes communautaires pour s'occuper de ces jeunes en difficulté. Certaines idées, comme la conférence familiale, semblent prometteuses comme options de rechange à l'incarcération. Dans une telle conférence, un jeune contrevenant rencontre un groupe de membres de la famille et de la communauté pour discuter de son infraction, de son impact sur les victimes et des façons de remédier à son erreur. Cette idée, basée sur les traditions autochtones, est utilisée avec succès en Nouvelle-Zélande depuis plusieurs années.

En l'espace d'environ cinq ans, le nombre de lits réservés aux jeunes incarcérés en Nouvelle-Zélande qui était de 3 000 a chuté à 72, surtout grâce à la conférence familiale, affirme Elaine Scott. Pour elle, les Canadiens et les Canadiennes doivent s'attendre à investir temps et efforts pour instaurer des dispositions judiciaires de rechange, car «nous ne pouvons pas nous permettre de continuer dans la même voie.»

L'éducation est un autre élément fondamental dans la prévention du crime, selon Anne Sherman. «La sensibilisation au système judiciaire devrait commencer dès la première année. La plupart des jeunes gens pensent que commettre une infraction n'aura pas de conséquence, que leur casier judicliaire sera détruit quand ils seront adultes et que tout cela n'est qu'une blague.» Elle ajoute qu'il est tout aussi important de sensibiliser la population adulte à la véritable nature de la criminalité chez les jeunes et aux solutions qui fonctionnent.

«Les gens pourront prendre des décisions plus éclairées quand ils auront plus d'information et connaîtront les faits», indique Barb Hill de la Société John Howard. «À l'heure actuelle, nous constatons que cette information ne rejoint pas la population.»

Cependant, la multiplication des conseils locaux de prévention du crime lui donne espoir. «Les gens commencent à dire qu'ils veulent quelque chose de différent. C'est l'esprit qui anime l'organisation d'une conférence à Kitchener intitulée «Alternative to Boot Camps : Community Solutions to Youth Violence.» Les organisateurs sont des personnes qui veulent parler de ce que leur communauté peut faire au lieu d'envoyer leurs jeunes en milieu carcéral.»

Profil d'un programme de prévention:

Les jeunes s'entraident
Le Ambassador Program met l'accent
sur l'école, les emplois -- et l'entraide entre les jeunes

Le Ambassador Program, au centre-ville de Toronto, est considéré comme un «programme de récupération» des jeunes de la rue.

Cependant, le programme fait plus que «récupérer» les enfants ayant abandonné les études et connu la toxicomanie; il leur permet de jouer un rôle actif pour dissuader d'autres jeunes de commettre les mêmes erreurs.

Le programme, créé en 1991, est offert par une coalition de huit organismes de services aux jeunes sous les auspices du Collège Frontière.

Il est fondé sur trois priorités : ramener les jeunes de la rue à l'école, leur offrir une expérience pratique en milieu de travail et leur permettre de s'appuyer sur leur experience de vie trouble pour améliorer la situation de leurs pairs.

Les jeunes inscrits au programme passent la matinée en classe et travaillent à leur rythme pour réussir des crédits de cours du secondaire. Ils obtiennent ces crédits additionnels en après-midi dans le cadre de stages pratiques dans divers milieux de travail.

Le reste de la communauté en retire des avantages non pas seulement parce qu'un petit nombre de jeunes abandonment les drogues et le crime (seize jeunes sont inscrits au programme en tout temps), mais aussi parce qu'on évite qu'un très grand nombre de jeunes «à haut risque» n'adoptent les mêmes modes de vie.

La composante «Speak Out» du programme répand les avantages au-delà des individus et dans la communauté. Les jeunes du programme Ambassador sont formés pour visiter les élèves du second cycle du primaire dans les quartiers «haut risque» et font des présentations aux élèves des 7e et 8e années au sujet de la vie dans la rue et de la toxicomanie en se basant sur leurs expériences personnelles. L'audience cible n'a pas été choisie au hasard : dans les écoles, on a remarqué que le groupe des 12 à 14 ans est le meilleur à cibler pour réduire les risques.

Selon Miria Ioannou, directrice de programme au collège, l'énorme demande pour ces présentations dans les écoles en démontre leur valeur et la nécessité d'avoir plus de projets d'éducation par des pairs.

Ioannou affirme que la rétroaction des jeunes inscrits au programme Ambassador a été «phénoménale73187;, car non seulement ils reçoivent de l'aide d'autres personnes pour la première fois de leur vie, mais c'est aussi la première fois qu'ils peuvent faire quelque chose pour les autres.

Des compressions alarmantes dans les programmes
Selon de nombreuses personnes, la plus grande menace à la prévention du crime est la vague de compressions aux programmes sociaux qui s'abat sur le Canada aujourd'hui.

Mme Pennell lance une mise en garde : les compressions dans d'autres domaines refoulent dans le système judiciaire un grand nombre de jeunes dont on aurait pu s'occuper autrement. On exhorte actuellement le système judiciaire à assurer aux jeunes les services fournis antérieurement par l'école et les organismes de services sociaux.

Elle insiste sur le fait que la Nouvelle-Zélande a subi de sérieux revers malgré les succès de ces conférences familiales. Afin de diminuer le déficit, le gouvernement a sabré dans les programmes sociaux au cours des dernières années. «En Nouvelle-Zélande, le taux de suicide chez les jeunes est passé de très faible à l'un des plus élevés parmi les pays industrialisés.» Elle se préoccupe de l'effet qu'auront les réductions des transferts fédéraux pour les programmes sociaux sur les familles et les jeunes vulnérables.

Claudette Bradshaw croit que l'érosion des programmes sociaux aura un impact négatif sur le Canada. «Les gens se sentent en sécurité quand ils viennent au Canada parce qu'ils savent que nous prenons soin de notre population. Ce serait malheureux de perdre cette qualité.» Beaucoup de membres du Conseil national de prévention du crime et d'autres personnes préoccupées par la réforme du système judiciaire pour les jeunes estiment que le Canada se trouve à la croisée des chemins concernant la criminalité chez cette population. Ils appuient sans réserve les nouvelles mesures d'allégement du système judiciaire qui permettront aux familles et aux communautés de prendre en charge leurs enfants et leur jeunes. Au même moment de nombreuses personnes sont troublées par le démantèlement du réseau de soutien social du Canada et par le durcissement des attitudes du public -- et par les tendances concernant les dépenses.

Doug McNally attire l'attention sur le danger de vouloir privatiser l'éducation des enfants du pays. «Au Canada et aux États-Unis, nous semblons adopter l'attitude qu'élever des enfants est une affaire de famille. C'est vrai, mais l'État a aussi son rôle à jouer.»

Selon Claudette Bradshaw, «Comme pays, nous devons savoir que si nous ne payons pas pendant la petite enfance, nous paierons plus tard.»

Profil d'un programme de
prévention :
Bent Arrow
De jeunes autochtones retrouvent l'espoir

«Nous fournissons aux jeunes une solution de rechange à la criminalité.»

C'est ainsi que Shauna Seneca décrit aussi bien les objectifs que les réalisations du programme de la Bent Arrow Traditional Healing Society destiné aux jeunes autochtones d'Edmonton.

Le programme de 16 semaines est axé sur les jeunes citadins âgés de 16 à 24 ans -- un groupe à risque élevé pour ce qui est du crime en milieu urbain. Selon Seneca, qui (en collaboration avec son conjoint Brad) est directrice générale du programme, environ 60 p.100 des jeunes qui suivent le programme ont déjà eu des démêlés avec le système judiciaire. «Nos enfants qui ont commis des crimes croient qu'il n'existe pas d'autres options. Notre devoir est de les convaincre du contraire.»

L'approche qu'ils utilisent s'inspire largement de la culture et de la spiritualité autochtones traditionnelles. Seneca fait remarquer que «le programme accorde une grande importance au développement de l'estime de soi. Se mettre en rapport avec leur identité et leur spiritualité autochtones constitue une composante majeure de la démarche.» L'expérience pratique dans le «vrai» monde est aussi essentielle au programme.

Depuis sa création en 1992, Bent Arrow a forgé des liens impressionnants avec le milieu des affaires local. Les étudiants passent cinq semaines en stage pratique auprès d'employeurs qui acceptent de les engager s'ils répondent à leurs critères. Le taux élevé de succès, selon Seneca, tient au fait que Bent Arrow collabore étroitement avec les employeurs tout au long de la période d'essai de cinq semaines. «Nous formons les employeurs afin qu'ils sachent avec qui ils travaillent,» affirme Mme Seneca.

Cependant, les relations personnelles avec les étudiants sont au coeur du projet. Seneca soutient que «cette place ressemble (et à dessein) davantage à la famille élargie. Ces enfants ont besoin de gens pour s'occuper d'eux quoi qu'il arrive. Beaucoup d'entre eux n'ont jamais connu cela auparavant.»

Les résultats attestent de la sagesse de leur approche. Des 24 jeunes «à risque élevé» inscrits à leur plus récent programme, 18 ont reçu leur diplôme et 10 de ces derniers se sont dénichés un emploi, 4 sont retournés à l'école tandis que 4 autres cherchent activement un emploi.

«Nous fournissons des ressources, des compétences et du soutien pour les convaincre qu'ils n'ont pas besoin de retomber dans leurs vieilles habitudes.»

Que savons-nous de la criminalité chez les jeunes?

Quelles sont les tendances en matière de criminalité chez les jeunes?
Au Canada, le taux d'accusation chez les jeunes a baissé de 17 p.100 entre 1991 et 1994 (110 578 à 90 701). Les infractions contre les biens commises par cette catégorie de la population ont chuté de 24 p.100 (91 659 à 69 045) tandis que les actes criminels avec violence ont augmenté de 14 p.100 (18 919 à 21 656).

Quels facteurs sont liés à la criminalité chez les jeunes?
Selon le Conseil national de prévention du crime, 97 p.100 des enfants pris en charge en Ontario avaient été maltraités aux mains d'une personne en position d'autorité et en qui ils avaient confiance. Parmi les autres facteurs, le Conseil a cité la pauvreté chez les enfants, les mauvaises conditions de vie, le parentage incohérent et peu affectueux, le démantèlement de la famille, le racisme et d'autres formes de discrimination, les difficultés scolaires, les amis délinquants et la cohabitation avec des toxicomanes.

Quelle est la fréquence des actes criminels avec violence chez les jeunes?
La plupart des accusations portées contre les jeunes concernent des infractions contre les biens, comme les vols de moins de 1 000 $ ou les introductions par effraction. Environ une infraction sur cinq est violente. Le pourcentage des blessures graves ou l'utilisation d'une arme est moindre.

Comment la Loi sur les jeunes contrevenants a-t-elle influé sur la façon dont la police traite la criminalité chez les jeunes?
Le taux d'inculpation de jeunes contrevenants par la police a augmenté de 21 p.100 au cours des cinq années qui ont suivi l'entrée en vigueur de la Loi sur les jeunes contrevenants (LJC) en 1984. Durant cette période, le nombre de jeunes impliqués dans des activités criminelles est demeuré à peu près le même qu'au cours des cinq années précédentes.

Comment le traitement des jeunes en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants se compare-t-il à celui accordé aux criminels adultes?
Une étude comparative récente a démontré que la sentence moyenne imposée aux jeunes était de 22 p.100 plus longue que celle des adultes. En outre, à l'inverse des adultes, les jeunes contrevenants ne sont admissibles à la libération conditionnelle qu'après avoir purgé le tiers de leur peine.

L'incarcération décourage-t-elle la criminalité chez les jeunes?
Rien ne prouve qu'une incarcération prolongée dissuade les jeunes contrevenants de récidiver. Cependant, on constate de plus en plus que le genre de milieu social auquel retourne le jeune contrevenant influe sur ses chances de récidiver. Par exemple, le fait de placer un jeune contrevenant dans un milieu carcéral inapproprié (i.e. pour adultes) est susceptible de réduire ses possibilités de mener une vie normale.

Quelle proportion des jeunes incarcérés sont des contrevenants violents?
Plus des trois quarts des jeunes gens sont en détention pour des infractions non violentes, par exemple, les infractions contre les biens et certaines infractions comme le défaut de comparaître devant le tribunal. Le pourcentage des crimes avec violence «grave» parmi les jeunes est minime.

Quels sont les coûts liés à l'incarcération des jeunes?
En Ontario, il en coûte environ 237 $ par jour pour garder un jeune contrevenant de 16 ans en milieu fermé. La garde en milieu ouvert (supervision rigide dans la communauté, par exemple, dans les maisons de transition) coûte quelque 167 $ par jour, alors que la supervision communautaire est possible pour le sixième de ce prix.

Basé sur de l'information du Centre canadien de la statistique juridique, du Conseil national de prévention du crime, de la Revue canadienne de criminologie et de la Société John Howard.

Organismes nationaux de
prévention du crime

Association canadienne des Chefs de Police
l30 rue Albert, bureau 1710
Ottawa K1P 5G4
(613) 233-1106.

Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry,
251 rue Bank, bureau 600
Ottawa K2P 1X3.
(613) 238-2422.

Association canadienne de justice pénale
383 av. Parkdale
Ottawa K1Y 4R4
(613) 725-3715.

Conseil des églises pour la justice et la criminologie
507 rue Bank
Ottawa K2P 1Z5
(613) 563-1688.

Fédération canadienne des municipalités
24 rue Clarence
Ottawa K1N 5P3
(613) 241-5221.

Société John Howard
383 av. Parkdale
Ottawa K1Y 4R4
(613) 761-7678.

Associations nationales intéressées à la justice criminelle
383 av. Parkdale, bureau 308
Ottawa, K1Y 4R4
(613) 761-1032

Conseil national de prévention du crime
130 rue Albert
Ottawa KlA 0H8
(613) 941-0505.

Ish Theilheimer est rédacteur de Transition.
Murray Angus, rédacteur demeurant à Ottawa, travaille auprès d'organisations autochtones depuis 10 ans.


Cet article a paru dans Transition (mars 1996) publié par l'Institut Vanier de la famille.

Affiché par l' Institut Vanier de la famille, septembre 1996.


Home PageSchoolNetRetour au Menu