L’éducation en milieu minoritaire

Table ronde : la pédagogie de l’excellence dans les écoles acadiennes

Richard Guidry
Spécialiste des langues étrangères
au ministère de l’Éducation
LOUISIANE


Explorée en 1682 par le sieur de La Salle lors de sa descente du Mississippi, la Louisiane est passée aux mains des Espagnols en 1762, pour revenir aux Français en 1800, puis être vendue aux Américains en 1803. En 1812, la Louisiane devenait le 18e État des États-Unis. Lors de l’occupation de la Nouvelle-Orléans par les Nordistes en 1864, l’anglais fut proclamé la langue officielle de la Louisiane, ce qui mit en péril la survie de la langue française après presque deux siècles de présence dans cet État. Le coup fatal fut porté en 1916 par la loi interdisant l’usage de toute autre langue que l’anglais comme langue d’enseignement dans les écoles. Et en 1921, on interdisait spécifiquement, sous peine de réprimande, l’utilisation du français sur le terrain de l’école. Les petits Cadiens ont connu bien des misères pour s’intégrer à cette société répressive. Toutes les écoles y ont passé, même la plus ancienne des États-Unis, fondée par les Ursulines en 1727, à leur arrivée en Louisiane.

À l’instar du mouvement des Noirs pour l’obtention de droits civils, les Cadiens lancèrent un mouvement pour la réinsertion du français dans les écoles de la Louisiane. Entachée par une répression plus circonscrite que celle des Noirs, la contestation cadienne ne rassembla que des forces timides dont la mobilisation n’a pas eu l’ampleur de la lutte des Noirs.

Toutefois, en 1968, le gouvernement de la Louisiane a favorisé la création du Council for the Development of French in Louisiana (CODOFIL) et promulgué la loi 714. Cette nouvelle loi permet l’enseignement du français dans les écoles et a rétabli le français comme une des deux langues « officielles » de la Louisiane. L’enseignement du français comme langue seconde a commencé l’année suivante. Se sont ajoutés à cela, au début des années 1980, les programmes d’immersion (française et espagnole), surtout dans les quartiers bourgeois. L’élargissement des programmes de français à d’autres régions a dû attendre la fin de la décennie.

Actuellement, sur un total de 771 149 élèves de la pré-maternelle à la 12e année en Louisiane, 100 507 (13,03 p. 100) reçoivent l’enseignement du français comme langue étrangère et 1098 (0,42 p. 00) sont inscrits en immersion française. Le budget accordé à l’enseignement du français représente 0,4 p. 100 de tous les montants accordés à l’éducation et comprend toutes les dépenses d’infrastructure, de matériel, de transport, de salaires, etc. Aucun service n’est exclus aux élèves cadiens ou créoles; ils ont accès au matériel et aux services au même titre que les élèves anglo-américains. Si des parents demandent une nouvelle classe d’immersion, le conseil scolaire accédera à leur demande pour autant que cela ne coûte rien à la paroisse qui sera chargée de l’administrer.

Il ne faut toutefois pas se laisser enliser dans le pessimisme. Il existe une culture cadienne, créole et autochtone en Louisiane et plus en plus de Cadiens se rendent compte que les Américains leur ont volé ce trésor. Les jeunes parents voudront récupérer pour leurs enfants ce bijou volé. Le peuple cadien pourra éventuellement perdre son sentiment d’impuissance et lutter pour ses droits. Il faut que nous, enfants de l’Acadie, nous luttions ensemble pour faire renaître le patrimoine de ce segment important de la population acadienne. Nous sommes tous frères et sœurs et nous partageons un même patrimoine.