L'Acadie et les guerres entre
la France et l'Angleterre
Le grand dérangementLe retour à la patrie

Chapitre 1:

L’expérience acadienne

L’histoire de l’Acadie précède celle du Québec. Les Français ont donné le nom d’Acadie au territoire qui comprend aujourd’hui la Nouvelle-Écosse, une partie du Nouveau-Brunswick, l’Île du Prince-Édouard et le Maine. «Les termes amérindiens quoddy (langue malécite), signifiant terre fertile, ou algatig (langue micmac), lieu de campement, ont sans doute inspiré Verrazano qui révèle avoir baptisé ce pays Arcadie en 1524 à cause de la beauté des arbres.»1

Le régime français en Acadie



C’est en 1604 que le Sieur de Monts, le baron de Poutrincourt et Samuel de Champlain viennent établir un poste de traite en Acadie. Le groupe d’hommes qui les accompagne construit des habitations sur l’île Sainte-Croix, dans la baie de Fundy. Poutrincourt a plus de chance que les autres membres de cette expédition, car à l’automne de 1604, de Mont le renvoie en France avec une cargaisonde fourrures.

Le premier hiver en Acadie est particulièrement difficile pour le groupe de Français: «Les vents mugirent dans la baie et à travers la lande déserte. La température tomba. Le gel bloqua la baie, empêchant les colons de se rendre sur le continent. À court d’eau douce et de bois de chauffage, ils se terrèrent dans leurs abris, en attendant le printemps. Un à un, la mort vint les prendre, par le scorbut et par le froid. Au printemps, il ne restait que la moitié des hommes.»2

N’ayant pas prévu un tel climat, les hommes ne se sont pas approvisionnés en viande pour l’hiver. «Au printemps, les Indiens Etchemins, qui campaient autour de la Baie de Passamquoddy, vinrent leur apporter de la viande fraîche, en échange d’outils de fer.»3 Le printemps suivant, des renforts arrivent de France. Champlain et de Monts décident de déménager de l’autre côté de la baie, à un endroit qu’ils appellent Port-Royal.


Port-Royal et la baie de Fundy.

Comme il va le faire à Québec quelques années plus tard, Champlain fait construire un fort qu’il appelle «L’habitation».

Parmi les premiers colons d'Acadie, il y a deux hommes qui exercent, pour la première fois en Amérique du Nord, des métiers anciens.

Voyant la nécessité pour la colonie d’être autosuffisante, Champlain et de Monts encouragent l’agriculture. Louis Hébert, un cousin germain du baron de Poutrincourt, est apothicaire (pharmacien). En 1606, de Poutrincourt fait semer les premières graines d'Acadie. «Dès le lendemain de l’arrivée, M. de Poutrincourt “fit cultiver un parc de terre pour y semer du blé et planter la vigne, à l’aide de l’apothicaire (Louis Hébert), homme qui outre l’expérience de son art, prend plaisir au labourage.»4 Louis Hébert devient ainsi le premier fermier d'Amérique du Nord.

Un autre colon qui est parmi les premiers arrivants d'Acadie est un avocat de Paris, Marc Lescarbot. En 1606, Champlain, de Poutrincourt et Louis Hébert quittent Port-Royal pour explorer le littoral. Durant leur absence, Lescarbot reste sur place comme chef de L’habitation, à Port-Royal. «Le 14 novembre, les explorateurs sont de retour à Port-Royal. Lescarbot leur réserve un accueil triomphal: les bâtisses sont décorées de guirlandes de verdure, qui en cachent la rusticité. Il fait même dresser un théâtre, qu’il nomme Théâtre de Neptune, où l’on représente quelques scènes.»5 Le Théâtre de Neptune devient ainsi le premier théâtre d'Amérique du Nord.

Cette même année, Samuel de Champlain crée l’Ordre du Bon-Temps à Port-Royal afin de maintenir le moral de ses hommes durant l’hiver. Tous les hommes qui mangent à la table de Poutrincourt deviennent, à tour de rôle, maître d’hôtel, c’est-à-dire responsable du repas. Les hommes prennent cette responsabilité au sérieux et la colonie mange bien cet hiver-là.

Malgré cela, quatre hommes meurent du scorbut et au cours de l’été 1607, on décide d’abandonner Port-Royal. «Le 11 août 1607, tous s’embarquaient pour la France et laissaient au chef indien de la région, du nom de Membertou, la garde du fort.»6 Ce n’est qu’en 1610 que des colons français reviennent en Acadie. Entre temps, Samuel de Champlain fonde la colonie de Québec sur la rive du fleuve Saint-Laurent.

C’est le baron de Poutrincourt qui obtient, en 1610, la permission du roi de France de revenir en Acadie pour relancer le projet de colonisation. Le baron encourage ses hommes à se lancer dans différentes entreprises plutôt que de se limiter à la traite de fourrures. Ainsi, il est reconnu comme le père du premier moulin à eau d'Amérique du Nord.

Il est peut-être bon que le baron de Poutrincourt ait encouragé les siens à être indépendants, car au cours des 150 années suivantes, les Acadiens deviendront des pions, passant constamment des mains des Anglais à celles des Français.

Même si la première colonie d'Acadie ne dure pas longtemps, plusieurs de ses entreprises aident à forger la culture acadienne, y compris l'oeuvre théâtrale de Marc Lescarbot.