Toutefois, durant unelongue période au temps du grand dérangement, les Acadiens sont constamment chassés et harcelés par les Anglais et ils ne peuvent que rarement prendre le temps de bâtir une maison «pièces sur pièces». Ils vivent donc dans des maisons «construites à la hâte, très rustiques, chauffées à l’aide de foyers de pierre et ouvertes à tous vents malgré le peu de fenêtres.»32
Ce n’est qu’après l’arrivée des Loyalistes et la création du Nouveau-Brunswick, en 1784, que les Acadiens reçoivent les titres de propriété de leur terre et qu’ils peuvent reconstruire leur village, comme avant la déportation de 1755. «De nombreux petits villages naîtront, constitués de maisons plus solides possédant plus d’ouvertures, cloisonnées à l’intérieur, chauffées avec un poêle: on y sent plus de permanence.»33
Il est intéressant de noter que le style de construction de maisons «pièces sur pièces» disparaît d'Acadie vers les années 1840, au moment même où se style devient populaire chez les Métis de l’Ouest canadien. Après 1840, dans l’Ouest, on construira la plupart des bâtiments dans le style de la Rivière-Rouge (pièces sur pièces), surtout les postes de traite des fourrures. Le fort Carlton est construit dans le style de la Rivière-Rouge.
Toutefois, les Métis sont encore un peuple nomade, vivant de la traite des fourrures et de la chasse au bison. La plupart de leurs maisonnettes sont très rustiques, construites dans les styles américains (saddle-back) ou en queue d’aronde. À partir du milieu du XIXe siècle, ils commencent à s’établir définitivement le long des rivières Rouge et Assiniboine, au Manitoba. Là, ils vont se construire des maisons plus permanentes dans le style de la Rivière-Rouge (pièces sur pièces).
![]() |
Solive de plancher Poteau vertical Bras de force Poutre horizontale et solive de plafond. Sablière inférieure Chevron Entrait Panne Mortaise Tenon Recouvrement extérieur - vertical extérieur - horizontal Lambris de bardeau Joint à queue d'aronde |
Construction d'une maison dans le style pièces-sur-pièces tel qu'utilisé en Acadie au XVIIIe siècle. Reproduit du livre Les Défricheurs D'eau avec la permission du Village historique acadien, Caraquet, N.B. |
Comme au Québec, et par la suite dans l’Ouest canadien, la vie sociale des Acadiens semble se dérouler dans la cuisine. Les gens ont tendance à se regrouper autour du poêle pour chanter, danser et conter des histoires. Notons que les salons n’apparaissent pas dans les maisons acadiennes avant 1860.
À cause de leur isolement, et plus tard de la déportation, les Acadiens ne peuvent pas faire venir de meubles de France, quoique certains d’entre eux, les plus riches, en ont sans doute fait venir des colonies de la Nouvelle-Angleterre. Les Acadiens sont alors obligés de fabriquer leur propre mobilier. On dit: «L’économie de moyens sera la règle d’or; le besoin et la disponibilité des matériaux les seuls critères.»35 C’est-à-dire que les Acadiens n’ont que le strict minimum dans leur maison et ce qu’ils ont dépend de la disponibilité des matériaux comme le bois, le métal, etc.
Après la déportation et après le retour des Acadiens en 1784, la plupart des meubles sont faits de pin, un bois qu'on trouve en abondance dans le nord du Nouveau-Brunswick. «Assemblés à tenons et mortaises, d’une extrême simplicité, les meubles acadiens sont généralement fabriqués par l’usager.»36
Comme c'est le cas pour la construction des maisons, le mobilier est déterminé par le contexte historique. Par exemple, avant 1784, on trouve peu de meubles dans une maison acadienne. «Jusqu’en 1784, très peu de meubles, une table, quelques bancs, les lits... On se sert d’un coffre aussi bien pour s’asseoir que pour ranger: les pièces de mobilier sont à ce titre souvent polyvalentes.»37
Comme toute autre société, cependant, les Acadiens ne manquent pas d'être touchés par l’industrialisation de la fin du XIXe siècle: «La venue de meubles de facture industrielle fera inévitablement disparaître en le dévalorisant le meuble de fabrication domestique.»38
![]() | ![]() | ![]() |