La naissance d'un peuple Mode de vie Les éffets Aujourd'hui

Chapitre: 1 Un nouveau peuple


Avant d’aller plus loin dans cette discussion sur l’assimilation, il est important d’essayer de définir ce que veut dire le terme. Le Petit Robert 1 nous propose certains éléments de définition: «(déb. XIXe) Acte de l’esprit qui s’approprie les connaissances qu’il acquiert. (v. 1840) Action d’assimiler des hommes, des peuples; processus par lequel ces hommes, ces peuples s’assimilent (américanisation, francisation). Le fait d’aller du différent au semblable.»1

La première définition proposée par le Petit Robert n’a rien de négatif; il s’agit du processus par lequel nous nous approprions des connaissances; chacun d’entre nous va, durant sa vie, s’approprier, ou assimiler, de nouvelles connaissances. La deuxième définition, liée à l'assimilation des hommes ou des peuples, est celle qui nous tracasse le plus. Il est important de noter que ce sens du mot date de 1840, année où Lord Durham a proposé l’assimilation du peuple canadien-français. Nous en reparlerons un peu plus tard. Enfin, la troisième définition, le fait d’aller du différent au semblable, peut être positive, négative ou neutre.

Explorons maintenant la première définition dans le contexte de la population de la Saskatchewan.

S’il existe une culture fransaskoise, elle doit être beaucoup plus que le folklore traditionnel canadien-français; elle doit être un heureux mélange entre le folklore de nos ancêtres, qu’ils soient venus du Québec ou d’Europe, et cent ans de vie dans les prairies de l’Ouest. La culture, pour ceux qui se disent Fransaskois, ne sera pas seulement la fête de la Saint-Jean-Baptiste car elle n'a pas plus d’importance que les perogies empruntés à nos voisins d'ascendance ukrainienne.

La culture fransaskoise est bel et bien vivante, mais à cause d’une multitude de facteurs assimilateurs, elle est devenue aussi différente de la culture québécoise qu’elle est devenue semblable à la culture anglo-canadienne. C’est que nos ancêtres se sont appropriés de nouvelles connaissances dans leur pays d’adoption.


La naissance d'un peuple

Examinons certains facteurs d’assimilation qui ont changé la façon de vivre et la façon de penser des Fransaskois. Chacun de ces facteurs a poussé les francophones de la Saskatchewan à devenir un peuple; ils sont devenus un peuple différent du peuple québécois et du peuple français. Au cours des années, tout en gardant certaines traditions de leurs ancêtres venus de France, de Belgique ou du Québec, ils ont développé leurs propres traditions et coutumes en assimilant des éléments des traditions des autres peuples venus s’établir en Saskatchewan, comme les Ukrainiens, les Polonais, les Allemands, les Anglais, etc.

Lorsqu’ils sont arrivés en Saskatchewan au début du siècle, il y avait de grandes différences entre les Français, les Belges et les Canadiens français. Ces différences, on les retrouvait au niveau de la langue, des vêtements, de la nourriture et des coutumes. Si la Saint-Jean-Baptiste était la grande fête des Canadiens français, elle n’avait pas la même importance pour les Bretons de Saint-Brieux ou les Belges de Bellegarde.

Les Canadiens français n’ont pas eu à changer leurs vêtements lorsqu’ils sont arrivés dans l’Ouest canadien puisqu’ils connaissaient déjà le froid sibérien de nos hivers canadiens. Tel n’était pas le cas pour les Bretons de Saint-Brieux. «Tout le monde avait entendu parler des rigueurs de l’hiver canadien, mais personne ne pouvait se rendre compte exactement de ce que c’était. Ils l’apprirent assez vite. Tout à coup, tout changea subitement, le vent se mit à souffler du nord ouest et ce fut la neige et le froid... Il faut aussi se rappeler que les vêtements qu’ils avaient apportés avec eux de France n’étaient pas suffisamment chauds pour les protéger contre les rigueurs du froid canadien.»2

Puisque les vêtements de France ne sont pas suffisamment chauds pour les grands froids de la Saskatchewan, les Bretons adoptent vite la mode canadienne et revêtent de gros parkas, de grosses mitaines de laine et des bottes de feutre comme ceux que portent leurs cousins canadiens-français. Dans ce cas, il est préférable d’être semblable et d’avoir chaud plutôt que d’être différent et d’avoir froid!

Les méthodes agricoles pratiquées au Québec, en France et en Belgique au début du siècle ne conviennent pas à l’Ouest canadien où la superficie des fermes est trois, quatre même dix fois celle des fermes des vieux pays. Le fermier canadien-français du Québec, élevé dans une ferme de 30 arpents (environ 10 hectares), doit changer ses méthodes de culture une fois installé dans une ferme de 160 acres (environ 64 hectares). Il doit adopter les méthodes de culture mises au point par ceux qui sont venus avant lui, qu’ils soient Français, Anglais ou d’une autre nationalité.