La culture canadienne-française

L'arrivée britanique La politique


Le régime britanique

Lorsque l’Angleterre prend possession du pays en 1763, elle trouve une société qui est prête à l’accepter, car les dernières années du régime français n’ont pas été favorables aux colons de la Nouvelle-France. L’intendant Bigot a laissé d’énormes dettes et les longues guerres entre Français et Anglais ont créé de l'apathie au Canada.

L’Angleterre, ne voulant pas complètement bouleverser la société canadienne-française, garde les lois existantes, permet aux capitaines de la milice de continuer à exercer leurs fonctions et au clergé catholique de veiller aux besoins spirituels des colons. Ceux qui n’acceptent pas l’autorité britannique retournent en France. Le clergé, pour sa part, accepte de se soumettre au nouveau maître, et, puisque plusieurs dirigeants ont quitté la colonie, la population canadienne-française se tourne de plus en plus vers les membres du clergé.

Sous le régime français, même s’il existait une société dominée par la métropole, les Français nés en Nouvelle-France avaient autant de chance de réussir que les membres de la petite noblesse des vieux pays. C’est le cas pour La Vérendrye, né près de Trois-Rivières, qui va devenir un des grands explorateurs du Canada. Mais le nouveau groupe de «Canadiens» va voir ses ouvertures se fermer progressivement après la conquête.

«Sous le régime français, aucune carrière n’était interdite aux Canadiens. L’empire français comptait sur eux pour continuer à survivre et à prospérer. La situation était toute autre sous le régime anglais. L’administration de l’armée, de la marine et le commerce étranger passaient exclusivement sous le contrôle des Britanniques.»14 Les Canadiens français acceptent donc de limiter leurs ambitions et de ne pas viser trop haut. De plus en plus, les Canadiens français se retirent à la campagne pour vivre à la ferme; les membres du clergé deviennent leurs nouveaux chefs.




L'arrivée britanique

De leur côté, les nouveaux arrivés britanniques ont bien l’intention de transformer le nouveau pays pour le construire à leur image. «Ils avaient la légitime ambition d’y jeter les bases d’une prospère et permanente colonie britannique qui serait leur patrie et celle de leurs descendants.»15 Ils n’ont donc pas l’intention de partager la direction de la colonie avec le nouveau peuple conquis, les Canadiens français. Ils croient même que leurs nouveaux sujets s’assimileront rapidement.

Il y a, toutefois, des liens qui se forgent entre Canadiens français et Britanniques. «L’élite de la société canadienne démontre un esprit de collaboration avec les vainqueurs. Immédiatement après la conquête, plusieurs jeunes filles ont marié des officiers de l’armée victorieuse. Quelques personnes ont été scandalisées, mais elles représentaient l’opinion de la minorité.»16

La Conquête est donc un autre facteur de l’évolution de la culture québécoise. Bien que les vainqueurs leur permettent de garder leur religion et leur système de justice, les Canadiens français voient une partie de leur vie transformée. Ils cessent d’être la classe dirigeante; ils passent d’un peuple de gouvernants à un peuple de gouvernés.

Cette évolution se fait lentement. Elle s'accélére entre 1776 et 1783 à cause de la révolution américaine. Là, les Canadiens français choisissent de se joindre à l’Angleterre contre les treize colonies de la Nouvelle-Angleterre. Mais, immédiatement après l’indépendance des États-Unis, les Canadiens français sont presque noyés par l’arrivée des Loyalistes. Plus de 6 000 viennent se réfugier au Québec. Quelques-uns s’établissent au sud du fleuve Saint-Laurent, dans les Cantons de l’Est. Mais, la majorité s’établit au nord des lacs Ontario et Erié. «Aussitôt arrivés, ils ne veulent rien savoir des Canayens, leur tenure seigneuriale et leurs lois civiles françaises. Les Loyalistes exigent un district séparé avec la tenure et les lois anglaises.» 17

L’ancienne province de Québec est donc divisée en deux par l’Acte constitutionnel de 1791. Cet acte crée le Bas-Canada et le Haut-Canada. L’Acte constitutionnel précise que le peuple Canadien français peut conserver plusieurs droits acquis depuis la Conquête; les lois civiles françaises demeurent en vigueur et le clergé ne perd aucun de ses droits. S'il convient aux Loyalistes du Haut-Canada, l’Acte ne plait certainement pas aux Canadien-anglais établis dans le Bas-Canada. La création d’assemblées représentatives des deux nouvelles provinces redonne aux Canadiens français l’occasion de reprendre en main leur propre destinée.




La politique

Sur le plan politique, un autre épisode vient marquer l’évolution culturelle des Canadiens français. Il s’agit de la rébellion de 1837-1838. Même si la rébellion a lieu dans les deux provinces, l’impact culturel n’en est pas le même dans les deux. Dans le Haut-Canada, les descendants des anciens Loyalistes se battent pour gagner une plus grande force politique. Au Québec, ou dans le Bas-Canada, il s’agit plutôt d’une lutte entre anglophones et francophones. L’assemblée représentative est élue par le peuple, donc elle est dominée par les Canadiens français. De l’autre côté, le sénat, le comité exécutif et le gouverneur sont nommés, donc ils sont dominés par les Canadiens anglais.

Le conflit mène les Patriotes canadiens-français à prendre les armes. Même s’ils perdent la bataille, la rébellion de 1837-1838 demeure un élément clé de l’évolution culturelle des Canadiens français. La culture québécoise est encore riche des images de cette rébellion: les peintures des soldats-fermiers avec leur tuque et leur fourche, et la chanson «Un Canadien errant».

Le régime anglais nous permet alors de voir une réorganisation sociale du peuple canadien-français. De peuple dirigeant et urbain, les Canadiens français deviennent un peuple soumis et rural. Léandre Bergeron, dans son Petit manuel de l’histoire du Québec a créé une pyramide pour montrer la relation anglophone-francophone au Canada sous le régime britannique.

Durant le régime britannique, le Québec se voyant dominé par les Canadien anglais, la culture canadienne-française va évoluer car les Canadiens français commencent à se tourner de plus en plus vers le passé, vers le régime français pour y trouver leurs héros. Selon Léandre Bergeron, «l’élite qui a collaboré avec le colonisateur anglais après la défaite de la Rébellion de 1837-38 a agi comme toute élite d’un peuple colonisé. Au lieu de lutter pour débarrasser le Québec du colonisateur, elle s’est retournée vers un passé "héroïque" pour ne pas faire face au présent. Elle s’est mise à glorifier les exploits des Champlains, des Madeleines de Verchères, des Saints Martyrs Canadiens pour nous faire croire qu’à une certaine époque nous aussi nous étions de grands colonisateurs.»18

Le peuple canadien-français se retranche alors sur lui-même pendant les années du régime anglais. Le folklore glorifie les exploits de Dollard des Ormeaux, d’Étienne Brûlé et de Radisson et Groseilliers. Tout en gardant des éléments de la culture du peuple, comme les images du coureur de bois, du pêcheur et du bûcheron, on ajoute maintenant celle du fermier qui protège sa ferme de l’envahisseur anglais armé seulement d’une fourche. Le Patriote devient ainsi la nouvelle icône culturelle du peuple.


fin du 2e chapitre