Chapitre 1:

Les origines du peuple métis

La nation métisse

Qui sont les Métis? Lorsque les premiers explorateurs européens arrivent sur le sol d'Amérique, plusieurs d’entre eux prennent des Indiennes pour femme. Chez les Métis, à la question: «Quand a été le début du peuple métis?», on répond, en plaisantant: «Neuf mois après l’arrivée du premier homme blanc.»

Au début, les Anglais leur donnent le nom de «half-breed», mais ce ne sont pas tous les Métis qui ont 50 % de sang blanc et 50 % de sang indien. Au début, oui, ils étaient des «half-breed», mais lorsqu’une personne n’a que 25 % de sang blanc, est-elle encore une «half-breed»?

Les Français, eux, leur ont donné le nom de «Sang mêlé» et ensuite celui de «Bois-brûlé» à cause de la couleur de leur peau. Plus tard encore, vers le milieu du XIXe siècle, ils commencent à s’appeler «Métis». Ce terme vient peut-être de l’espagnol «mestizo» ou encore du latin «miscere» (mélanger). Aujourd’hui, il est difficile de déterminer qui est Métis, ou plutôt qui a du sang indien. On dit même que tous les descendants de canadiens-français ont du sang indien dans les veines.

Au début de l’exploration de l’Ouest canadien, des Français, comme La Vérendrye, s’aventurent jusqu’aux Rocheuses. Ils ouvrent des postes de traite dans le nord-ouest de l’Ontario, et, au Manitoba, dans la région du lac Winnipeg. Partant de la baie d’Hudson, des Anglais, comme Henry Kelsey, suivent les rivières et se rendent jusque dans les Prairies. Francophones et anglophones, tous sont à la recherche des riches pelleteries. Au fur et à mesure qu’ils avancent vers l’ouest, ils prennent des Indiennes pour femmes.

Donc, le Métis est le descendant d'une alliance entre Blanc (Français ou Anglais) et Indienne. À cause de ce mélange, les Métis ont adopté des éléments des cultures de toutes ces sources. On les retrouvera dans leur langage, leurs coutumes et leurs traditions.

Au cours des premières années de colonisation du pays, les Métis s'identifient à un des deux groupes dont ils sont issus. Dans l’Est du pays, bon nombre de Métis sont assimilés par les sociétés canadiennes-françaises et américaines, parce que les Européens deviennent vite le groupe dominant. Mais dans l’Ouest, la situation est différente. Ici, il n’y a pas de société européenne dominante. Au début, les peuples indiens sont majoritaires. Ensuite, ce seront les Métis qui formeront la majorité. Donc, dans le Nord-Ouest, le Métis se range d'abord du côté de la famille de sa mère. Il se joint à la tribu indienne et est adopté comme un de ses membres. Mais, qu’adviendra-t-il lorsque les Métis seront le groupe dominant, au milieu du XIXe siècle?

Dès le début du XIXe siècle, les Métis commencent à se considérer de plus en plus comme un peuple unique. Ils se différencient des Européens et des Indiens. C’est à ce moment qu’ils commencent à s'identifier comme «les Bois-brûlés», et plus tard comme la «nation métisse».

Les origines



Une alliance entre Blanc et Indienne peut prendre différentes formes: «Dans certains cas, un attachement permanent se développait entre le couple. Certains des traiteurs de fourrures retournaient en Nouvelle-France ou en Angleterre avec leurs femmes indiennes; quoique ces unions n’étaient rarement heureuses puisque les femmes venaient à s’ennuyer, elles ne pouvaient pas parler la langue du pays et elles étaient mises au ban de la société. Mais plus souvent, le coureur de bois ou un membre d’une compagnie de traite des fourrures prenait une femme indienne pour partager son lit seulement aussi longtemps qu’il demeurait dans le Nord-Ouest.»1 Lorsqu’il est rappelé dans son pays, le coureur de bois laisse derrière lui sa femme indienne et ses enfants métis.

La mère indienne, «quoique soumise à son mari, comme l’était d’ailleurs la femme chez les peuples primitifs, était traitée avec des égards qui en faisaient une compagne plus encore qu’une servante.»2 Elle est donc appelée à jouer un rôle plus important que la femme blanche. Elle partage le travail et les responsabilités quotidiennes. Pendant que les hommes s’occupent de chasse et de pêche, les femmes cueillent les fruits sauvages, elles transportent l’eau, préparent les repas et elles entretiennent le feu. Mais, ce sont aussi les femmes qui débitent les carcasses de bisons, préparent la viande et le pemmican et préparent les fourrures.

La plupart des Métis français sont de fervents catholiques, comme leurs ancêtres canadiens-français. Mais, avant l’arrivée des missionnaires, les hommes blancs et les Métis avaient adopté les traditions du mariage indien. «Le mariage chez les Indiens prenait des formes diverses selon les tribus. En général, ce n’était guère plus qu’un marché entre le jeune homme et les parents de la jeune fille ou même parfois entre les parents des deux conjoints.»3

Ces mariages viennent à être connus sous le nom de «mariage à la mode du pays». Avec l’arrivée des missionnaires, vers le milieu du XIXe siècle, les Métis n’abandonnent pas complètement ces mariages à la mode du pays, surtout que les missionnaires ne sont pas toujours présents pour bénir les mariages. Il est donc commun au XIXe siècle que des Métis s’unissent d'abord «à la mode du pays», puis qu’ils fassent bénir leur mariage quelques mois plus tard lorsque le missionnaire vient dans la colonie ou dans la prairie. Il en est toujours ainsi à la fin des années 1870 lorsque Louis Riel épouse Marguerite Monette dit Belhumeur.

Puisque les Métis, comme leurs ancêtres indiens, n’ont pas laissé de documents écrits à propos de leur histoire, il faut se fier aux contes et aux histoires transmis oralement. Ou, il faut se fier aux documents laissés par les Blancs, missionnaires et autres. Pour cette raison, on a parfois tendance à accorder un lieu de résidence à des Métis qui en réalité vivaient ailleurs.

À cette époque, les missionnaires tiennent des registres des mariages, des baptêmes et des décès. Au début, les missionnaires s’établissent à la Rivière-Rouge. Mais, il y a des Métis qui vivent ailleurs: à la Montagne de Bois, dans la vallée de la Saskatchewan ou encore au lac Rabasca (lac Athabasca). De temps à autre, ces Métis se rendent à Saint-Boniface dans la colonie de la Rivière-Rouge où ils font bénir leur mariage par le curé et baptiser leurs enfants. Les missionnaires inscrivent ces mariages et baptêmes dans leurs registres, donnant l’impression que ces Métis vivent à la Rivière-Rouge. Il est alors très difficile de savoir où et quand certains Métis sont nés.

Plus tôt, nous avons mentionné que certains hommes blancs abandonnent leur femme indienne ou métisse et leurs enfants lorsque leur contrat avec la compagnie de traite des fourrures prend fin et qu’ils retournent au Bas-Canada ou en Europe. Qu’advient-il alors des femmes abandonnées? Beaucoup d’entre elles retournent dans la tribu de leur mère. «Dans certaines tribus la veuve d’un guerrier, ou la femme abandonnée par son mari, avait le privilège de se choisir un nouvel époux parmi les prisonniers de guerre. Dans d’autres tribus, les femmes croyaient à l’efficacité de philtres spéciaux qui devaient leur garantir l’amour et la fidelité du mari: pratique d’une valeur à peu près semblable à celle de la bague et du jonc chez les blancs.»4