Société du parler français...

La Société Saint-Jean-Baptiste de la Saskatchewan ne réussit jamais à faire boule de neige. Chaque cercle local continue à faire ses petites affaires et il n’y a vraiment pas de coordination provinciale. À l’automne 1911, on commence à parler d’un grand congrès du parler français qui doit avoir lieu à Québec l’été 1912. «Dans une lettre au Patriote de l’Ouest, un marchand de Wauchope, M. Maurice Quennelle, soulignait l’urgente nécessité d’organiser une succursale provinciale de la société. Du même trait de plume, il offrait ses services pour travailler au succès de l’entreprise.»7

Si Maurice Quennelle a l’idée de fonder une succursale provinciale de la Société du parler français, c’est le père Achille-Félix Auclair, rédacteur du Patriote de l’Ouest à Duck Lake qui en est l’architecte. «Durant l’automne de 1911, le P. Auclair continuait son travail d’éducation par ses éditoriaux et en même temps rapportait et commentait les messages reçus de Québec.»8

Maurice Quennelle voit son rêve d’une succursale provinciale se réaliser et durant l’automne 1911 le Patriote de l’Ouest publie chaque semaine les noms des nouveaux membres. Dans son numéro du 25 janvier 1912, Le Patriote de l’Ouest fait état de sa campagne et annonce la tenue prochaine d’une grande convention nationale des Canadiens français de la Saskatchewan. «Cette convention est donc convoquée à DUCK LAKE, SASK., pour les 28 et 29 FEVRIER. Encore une fois nous comptons sur la présence de représentants nombreux de toutes les paroisses de la Saskatchewan et nous avons bien l’espérance que tous les prêtres de la province se feront un devoir de venir assister eux-mêmes à cette convention et d’encourager fortement leurs paroissiens à s’y rendre en grand nombre.»9

Il faut mentionner ici, un fait amusant qui survient à l’occasion de ce premier grand congrès des Canadiens français de la Saskatchewan. Le congrès doit avoir lieu les 28 et 29 février. Le 28 février est un mercredi et à cette époque, il est de rigueur que les catholiques fassent jeûne et abstinence le mercredi. Ne voulant pas que les gens restent chez eux ce jour-là, l’invitation au congrès comprend l’annonce suivante: «Dispense de jeûne et d’abstinence est accordée par le Père Lacoste, administrateur du diocèse de Prince-Albert, mercredi 28 février pour tous ceux qui prendront part à la Convention.»10

Plus de 450 personnes se rendent à Duck Lake pour la grande convention nationale. Voici quelques-uns des grands titres que les Canadiens français peuvent lire dans Le Patriote de l’Ouest le 7 mars 1912: «La Saskatchewan française fait bloc solide!», «Journées mémorables du 27 et 28 février 1912», «La première convention des catholiques de langue française de la Saskatchewan remporte un succès éclatant.», «S.G. Mgr. O.-E. Mathieu, S.G. Mgr. Charlebois, O.M.I., l’Hon. A. Turgeon, à la tête de 450 délégués prennent part aux délibérations.», «Le Congrès réclame le maintien des écoles séparées au Keewatin», «Réunion l’an prochain à Regina. Un comité permanent composé de M. Maurice Quennelle, du R.P.H. Delmas, O.M.I. et de M. l’abbé Chs Maillard, est formé. Quatorze délégués sont choisis pour représenter la Saskatchewan au Congrès de Québec.»11

En 1912, il n’est pas encore question d’éliminer les écoles françaises en Saskatchewan, mais il en est question dans le district du Keewatin, c’est-à-dire le nord de l’actuel province du Manitoba. Il y a, à cette époque, des liens serrés entre la Saskatchewan et le Keewatin: Mgr Charlebois, o.m.i., a été directeur de l’école Saint-Michel de Duck Lake et un des fondateurs du Patriote de l’Ouest avant de devenir évêque du Keewatin. De plus, le fait qu’on discute de la question des écoles du Keewatin au premier congrès est un signe précurseur du rôle que la nouvelle association aura à jouer au cours des décennies suivantes.

Notons en passant que sur les quatorze délégués nommés pour représenter la Saskatchewan au Congrès de Québec, il n’y a aucune femme et seulement quatre laïcs: Maurice Quennelle, Alphonse Turgeon, ministre provincial de la justice, Amédée Cléroux, agent d’immigration à Vonda et Louis Schmidt de Saint-Louis (voir Schmidt). Les autres sont tous prêtres et évêques.

Il faudrait aussi noter qu’en 1912, le regroupement des francophones de la Saskatchewan est divisé en deux sections (nord et sud). L’Association jeunesse fransaskoise et la Fédération des femmes canadiennes-françaises suivront ce premier modèle de l’acfc avant de ne former qu’une seule association provinciale chacune.