Chapitre 3

L'Association Interprovinciale
Ses débuts...

L’Association Interprovinciale voit le jour en 1917 et, en 1925, elle est dissoute. Toutefois, pendant les huit ans de son existence, l’Association Interprovinciale joue un rôle clé dans l’éducation française, en Saskatchewan.

Lorsque la guerre éclate en Europe en 1914, un mouvement se forme en Saskatchewan demandant que l’anglais soit la seule langue d’enseignement dans les écoles et qu’on interdise l’usage des langues étrangères, comme l’allemand et le français.

À cette époque, l’acfc est une toute jeune association, n’ayant été créée que quelques années auparavant. «Il faut tenir compte que la plupart d’entre nous étions arrivés dans la province depuis quelques années à peine. Nous étions encore occupés à défricher nos terres, à gagner nos vies, et nous n’avions guère de temps à consacrer aux questions scolaires et nationales.»17 Pour aggraver la situation, l’acfc n’a pas de secrétariat permanent, ni d’argent pour s’occuper pleinement de ces questions.

Lors d’une rencontre des commissaires d’école canadiens-français à Regina, en 1917, les dirigeants francophones discutent du problème des écoles: «Bien entendu, on y parlait de nos écoles, de nos problèmes, et quelqu’un prétendit que le plus grand danger qui les menaçait était la rareté du personnel enseignant de langue française.»18 Dans bien des écoles françaises, il y a des enseignants qui ne parlent pas un seul mot de français. Les commissaires d’école ne sachant même pas où sont les enseignants francophones et combien ils sont, les dirigeants décident de mettre sur pied un comité pour étudier la situation.

Quelques semaines plus tard, le comité présente les résultats de son enquête: «Nous n’avions dans la province à la fin de 1917, qu’une vingtaine d’instituteurs ou institutrices de langue française possédant des diplômes de première ou de deuxième classe. Une trentaine enseignait avec des diplômes de troisième classe valides pour deux ans seulement. Dans vingt-cinq écoles, les instituteurs ou institutrices ne disposaient que de permis provisoires qu’il fallait faire renouveler chaque année. Dans près de quarante écoles, on avait dû recourir à du personnel enseignant étranger.»19 Le nombre d’enseignants qui ne parle pas français est trop élevé. Le recrutement et la formation d'enseignants doit donc être la priorité de l’acfc.

Mais puisque l’acfc ne dispose ni de personnel, ni d’argent, on décide de fonder une «société par actions, sans but lucratif, avec charte provinciale». Toutefois, des organisations comme la Saskatchewan Grain Growers, la Saskatchewan School Trustees’ Association et la Saskatchewan Association of Rural Municipalities ont déjà commencé une campagne contre l’enseignement des langues étrangères, et le français est considéré par ces groupes comme une langue étrangère.

Ni l’acfc, ni les commissaires d’école ne veulent vexer ces groupes anglophones. Il faut donc rédiger une charte où il n'est pas question d’école, ni d’enseignement. Un des membres du comité est l’avocat J.P. Roy de Regina. «Cette charte, ce fut le triomphe de Me Roy; un monument d’imprécision.»20 Ainsi est née l’Association Interprovinciale.

Le but de cette association est de former du personnel enseignant ou d’en faire venir du Québec. Raymond Denis, sur les conseils de Mgr Mathieu, a quitté sa ferme de Saint-Denis pour devenir vendeur d’assurance à Vonda. Denis dispose donc de temps et de ressources de secrétariat pour s’occuper des affaires de la nouvelle Association. L’Interprovinciale devient son bébé.

«Durant sept ans, c’est à l’Interprovinciale que nos commissions scolaires s’adressèrent lorsqu’elles avaient besoin d’institutrices ou d’instituteurs et durant sept ans l’Interprovinciale remua ciel et terre pour les leur procurer. Durant sept ans aussi, ce fut elle qui tint tête au département de l’éducation et à ses inspecteurs et les obligea à respecter la loi scolaire au sujet de l’enseignement du français.»21