Congrès de l’ACFC de 1971

Les années 1970 s’annoncent comme une période sombre pour l’Association catholique franco-canadienne de la Saskatchewan. Les moyens de transport se sont améliorés permettant aux francophones de se déplacer plus facilement. Un plus grand nombre d’entre eux font maintenant des études universitaires. Pour ces raisons, beaucoup des Canadiens français de la Saskatchewan se désintéressent de leur langue et de leur culture. Ils essayent plutôt de s’intégrer à la majorité anglophone.

L’ACFC, ayant vraiment négligé la jeunesse, se voit dans une position où elle pourrait facilement disparaître. Il y a très peu de jeunes qui se présentent aux congrès et autres réunions de l’Association. Durant les années 1960, l’ACFC commence déjà à changer son image. Elle change officiellement de nom, cessant d’être l’Association catholique pour devenir l’Association culturelle franco-canadienne de la Saskatchewan. Au début des années 1970, elle brise l’entente qui existait avec le Manitoba par laquelle les deux provinces travaillaient ensemble pour publier un seul journal français, La Liberté et le Patriote. L’ACFC commence alors à publier son propre journal, L’Eau Vive, à partir des bureaux de la compagnie d’assurance, La Familiale, à Saint-Victor.

Enfin, en 1972, l’ACFC et l’Eau Vive lancent un grand concours pour savoir comment les francophones de la Saskatchewan devraient s’appeler: Canadien français de la Saskatchewan, Francophones de la Saskatchewan, Fransaskois, Francowaniens, Franco-Saskatchewaniens, Franco-Saskatchewais, Franco-Saskatchouais, Franco-Saskois, Franco-Saskatchewanois, Francoskois et Saskatchewaniens. Le terme «Fransaskois» se classe au troisième rang derrière Canadien français de la Saskatchewan et Francophones de la Saskatchewan, mais puisqu’on veut un nom percutant, on choisit «Fransaskois». «L’enquête voulait plutôt trouver une expression, préférablement d’un seul mot, à laquelle les Canadiens-français ou francophones de la Saskatchewan pourraient se rattacher...» 5 Bien sûr, les Franco-Canadiens de la Saskatchewan n'adoptent pas ce nouveau nom facilement. Il faudra attendre la fin des années 1970 lorsque l'ajf mettra sur pied de grands projets, comme le Festival théâtral et la Fête fransaskoise, pour que le nom devienne populaire.

À l’ACFC, on commence à reconnaître qu’il y a un grave problème, car le plus jeune membre a plus de 40 ans. Étant donné que l’ACFC peut facilement disparaître, si elle ne se renouvelle pas, ses animateurs socio-culturels s'unissent pour faire admettre à la vieille garde qu'il faut consacrer plus de temps à la jeunesse. «Les trois animateurs de l’ACFC ont finalement fait accepter l’idée de donner 50 % de leur temps pour les jeunes afin d’organiser des rallyes jeunesses.»6

Élaine Gaudet et Gérald Boudreau sont deux des animateurs de l’ACFC. Ils décrochent une subvention du Secrétariat d’État du Canada et invitent tous les jeunes «Fransaskois» à venir participer à un «Grand Rallye de la Jeunesse Francophone» qui doit avoir lieu à Saskatoon lors du congrès biennal de l’ACFC, les 6 et 7 novembre 1971. «Les buts de ce Congrès sont de créer une meilleure entente entre les jeunes de la province.»7

Les jeunes n’ont pas à se faire prier pour participer à ce rassemblement. Ils sont 536 qui se rendent à Saskatoon, et l’Eau Vive peut applaudir la renaissance de l’ACFC: «L’ACFC a connu son plus extraordinaire Congrès, les 6 et 7 novembre à Saskatoon, depuis sa fondation. La présence de 535 jeunes gens et jeunes filles francophones de la Saskatchewan nous force à qualifier ce Congrès d’extraordinaire.»8

Bien sûr, l’ACFC est encore loin de comprendre les jeunes. À la suite du Congrès, des jeunes se plaignent de l'accueil qu’ils ont reçu pendant la fin de semaine. En raison d’une très forte participation au Congrès, les jeunes avaient dû prendre leurs repas, assis par terre, dans les corridors. On leur avait fait faire de la peinture et de la sculpture, sans leur expliquer le sens du projet. «Pourtant la rencontre des jeunes n’était-elle pas un des buts du congrès?»9 Et dans bien des cas, les jeunes ne se voient plus comme des enfants: ils auraient voulu être inclus dans les discussions. «Les discussions leur auraient été plus profitables que la peinture et la sculpture.»10

Tout au long de son histoire, l’Association jeunesse fransaskoise devra régulièrement rappeler à l’ACFC que ses membres peuvent penser et agir et qu’il ne faut pas toujours les traiter en bébés.