Chapitre 1:

L'arrivée des premiers colons

En 1882, un jeune Canadien français du Québec arrive dans les Territoires du Nord-Ouest après avoir passé douze ans à Chicopee Falls dans l’état du Massachusetts. Azarie Gareau est alors âgé de 29 ans. Au Québec à cette époque des milliers de jeunes doivent s’expatrier aux États-Unis afin de trouver de l’emploi. Ils s’en vont s'établir dans les villes industrielles des états de l’est des États-Unis, là où ils peuvent trouver du travail dans les usines de textile.

Comme bien d’autres, Azarie Gareau a quitté le Québec en 1870 pour le Massachusetts; il est le deuxième fils d’Antoine Gareau et de Marie-Louise Robichaud de Saint-Jacques de l’Achigan, Comté de Montcalm, un petit village situé au nord-est de Montréal. Puisque c’est son frère aîné, Ernest, qui héritera de la ferme paternelle et qu’il n’y a plus de terre à avoir au Québec, Azarie n’a pas d’autre choix que de quitter sa famille et ses amis.

À Chicopee Falls, il épouse Alexina Houle en 1875 et un premier fils, Napoléon, naît en 1876. Son épouse meurt d’une pneumonie peu de temps après. Vers 1880, Azarie épouse, en deuxième noce, Julie Beauchemin, et deux autres enfants naissent au Massachusetts - Diana, en 1881 et Wilfrid, en 1882. Azarie ne veut pas que ses enfants soient élevés dans une grande ville américaine. Sur ces entrefaits, son frère cadet, Ludger, a quitté Saint-Jacques de l’Achigan en 1878 et s’est rendu dans les Territoires du Nord-Ouest, où il gagne maintenant sa vie comme menuisier dans la communauté métisse de Batoche, dans le district de la Saskatchewan.

Ludger écrivait sans doute à son frère et il lui parlait probablement de l’abondance de bonnes terres fertiles dans la région de Batoche. Azarie décide alors d’aller voir par lui-même et il arrive à Batoche au printemps de 1882. Puisque tous les lots de rivière près de Batoche sont déjà occupés par des Métis, les deux frères se dirigent vers les buttes Minichinas, 1 environ 15 kilomètres à l’est de la communauté métisse.

Dans cette région, il y a déjà plusieurs familles métisses: les Parenteau, Dumont, Gariépy (Garde-puits), Henry, Smith et Champagne. 2 Mais il y a encore plusieurs terres libres. Azarie se trouve un homestead sept milles à l’est et deux milles au nord du village de Batoche. Il se rend à Prince Albert où il inscrit son homestead auprès de l’agent des Terres du Dominion. Il a dix ans pour défricher le terrain et obtenir le titre de sa terre.

Il se bâtit une cabane sur son homestead et, pendant l’été de 1882, commence à défricher. L’hiver suivant, il travaille au magasin de Xavier Letendre, dit Batoche, le fondateur du village qui porte son nom. En 1883, il aide à Ludger à commencer la construction du presbytère de Batoche et il fait venir sa famille de l’Est.

En 1885, Azarie reste neutre durant la rébellion, mais cela n’empêche pas les soldats du Général Middleton d’encercler sa ferme après la défaite de Batoche le 12 mai. Pendant trois jours, ce sont les soldats qui devront traire les vaches et s’occuper des travaux de la ferme, car ils ne veulent pas que la famille Gareau quittent la maison. C’est que les soldats ont peur qu’Azarie ne vienne en aide aux deux chefs métis, Louis Riel et Gabriel Dumont. L’histoire populaire de Bellevue veut même que les soldats soient descendus dans le puits d’Azarie pour s’assurer que l’un ou l’autre des rebelles ne soit pas caché au fond.3


Région de Batoche, district de la Saskatchewan, Territoires du Nord-Ouest, 1882.