Chapitre 2:

Défricher le terrain et construire une maison


Les premiers colons arrivent dans la région de Debden au printemps de 1910. Le train ne s’y rend pas encore et il n’y a pas de route, à part la piste du lac Vert, une ancienne piste métisse.

Route du Canadian Northern en Saskatchewan, 1910.

Que vont-ils trouver en arrivant dans ce pays lointain de l’Ouest? Ils ne trouvent pas une prairie s’étendant jusqu’à l’horizon, comme l’ont fait les colons francophones venus s’établir dans le sud de la Saskatchewan, par exemple à Gravelbourg et à Ponteix. Ces hardis colons, venus de Ham-Nord, de Trois-Pistoles et de Saint-Éloi au Québec, trouvent un pays qui ressemble à celui qu’ils viennent de quitter, un pays boisé et plat. Ils auraient pu s’établir dans le sud, mais le hasard et le choix les mènent vers une région au nord de Prince Albert, sur la frontière sud du Bouclier canadien. Ils s’installent dans la grande forêt de pins qui couvre toute la région centre-nord de la province.

Ayant parcouru les 50 derniers kilomètres à pied ou en chariot, les pionniers aperçoivent enfin le terrain qui sera un jour les communautés de Debden, Victoire et Shell River. Le terrain est boisé mais couvert de marais. Puisque le terrain est plat, l’eau ne peut pas s’écouler le printemps et on y trouve de nombreux marais qu’on appelle communément des sloughs. Certains pionniers, ainsi que les arpenteurs qui les accompagnent, doivent se déplacer en canots.

Les premières semaines sont passées à sillonner la région, à la recherche des meilleures terres. Une fois qu’on a choisi son homestead, il faut retourner à Prince Albert pour indiquer son choix à l’agent des Terres du Dominion. Il faut au moins trois ans pour obtenir les lettres patentes du homestead. Il faut défricher un minimum de 10 acres par année pendant trois ans. De plus, les colons doivent construire une habitation sur la terre de leur choix et y habiter au moins six mois par année durant trois ans.

Enfin, le travail commence. Jusqu’à présent, les pionniers ont vécu dans des tentes, mais il faut bâtir une habitation plus convenable avant de faire venir la famille. Le bois abonde dans la région. Le pionnier se rend sur sa terre et choisit les plus beaux arbres. Ils doivent être bien droits et le tronc doit mesurer de 25 à 35 centimètres de diamètre. On abat les arbres à la hache. De cette façon, on accomplit deux choses à la fois: on commence à défricher le terrain et on obtient du bois de construction gratuitement. Ensuite, il faut ébrancher l’arbre.4 Puis avec un godendart, une longue scie à deux manches, on coupe les troncs à la bonne longueur.

Parfois, on prend le temps de les écorcer, c’est-à-dire d’enlever l’écorce, ou même de les équarrir. Les troncs équarris s’ajustent mieux et laissent moins de fentes que les rondins. Toutefois, il arrive qu’on ne s’attarde même pas à faire cela. On monte les murs tant bien que mal, puisqu’il faut quand même boucher les fentes avec un mortier de boue et de paille. On appelle cette dernière opération «bousiller la maison».

Des corvées, ou bees, sont organisées pour construire les habitations de bois rond. Les hommes se réunissent chez un colon pour l’aider à bâtir sa maison. Le lendemain, ce sera chez son voisin, et ainsi de suite.

Bien souvent, le pionnier n’a pas le temps de creuser de cave, de construire de fondations ou même de plancher. Le plancher qui accueillera la famille sera la terre battue.

Le toit de la maison est recouvert de tourbe. Ces mottes de tourbe sont soutenues par des perches ou par des branches entrelacées. Hélas, ces toits ne sont pas à l’épreuve de l’eau. Pour les rendre à l’épreuve de l’eau, il ne faut pas oublier d’ajouter quelques épaisseurs de papier goudronné sous la tourbe.