Chapitre trois

L’influence française dans la région

La région de Delmas, comme bien d’autres endroits en Saskatchewan, ne se limite pas au village ou même à la municipalité, mais la communauté francophone s’étend à d’autres communautés. Lorsqu’on parle de la région de Delmas, il faut aussi parler des villages voisins, comme Edam, Vawn, Prince, Saint-Hyppolite, Cochin, Jackfish, Paradise Hill et Butte Saint-Pierre.

Cette influence remonte à la fin du XIXe siècle, alors que les premiers colons commencent à percer dans l’Ouest canadien. La région au nord de la rivière Saskatchewan Nord attire des ranchers avant la fin du XIXe siècle, des hommes comme Michel Côté, Alphonse et Ernest Béliveau, Étienne Roussel et Joe Amirault. La plupart d’entre eux s’installent dans la région de Paradise Hill.

Mais la vie de rancher n’est pas pour tout le monde. En 1897, c’est la ruée vers l’or au Klondyke et les deux frères Béliveau décident qu’ils vont s’y rendre et faire fortune. Ils descendent la rivière Saskatchewan Nord en bateau jusqu’à Edmonton. Puis ils se rendent à Calgary où ils se procurent vingt chevaux pour le voyage jusqu’au Yukon. Lorsqu’ils arrivent à destination dans le Klondyke, les deux frères ont perdu tous leurs chevaux.

Pour bien d’autres, la vie de rancher dans la région de la Butte des Français est suffisamment une aventure pour les empêcher de partir pour le Klondyke. Un autre rancher de l’époque est Benjamin «Ben» Prince. Né à Saint-Grégoire au Québec, le 29 avril 1855, il reçoit une éducation classique au séminaire de Nicolet avant de quitter sa province natale pour se rendre au Manitoba en 1878.

Deux ans plus tard, il aboutit sur son propre ranch à l’ouest de Battleford et à l’est de Delmas. «Benjamin Prince et son frère Alphonse pratiquent l’agriculture et l’élevage à grande échelle pendant quelques années dans le district de Highgate, situé à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Battleford, sur la rive sud de la rivière. L’endroit est relativement isolé et la maison de ferme est saccagée par des maraudeurs lors du soulèvement de Batoche14

Après la Rébellion de 1885, «Ben» Prince se lance dans d’autres affaires, une scierie et un moulin à farine avec A. Macdonald et un magasin général à Battleford avec son frère. Benjamin Prince sera député à l’assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest de 1899 à 1905, maire de Battleford et sénateur de 1909 à 1920.

Jusque là, il y a des paroisses catholiques à Battleford (1877), Bresaylor (1882), Sainte-Angèle-Delmas (1886) et Jackfish (1890).

Au début du siècle, des milliers de colons viennent s’établir dans la région. Ils fondent de nouvelles paroisses. Vawn et Saint-Hyppolite en 1905, Emmaville en 1910, Cochin en 1912, Paradise Hill en 1913, Butte Saint-Pierre en 1920 et Edam en 1926. Ils s’établissent sur des homesteads et développent cette région du nord-ouest de la Saskatchewan.

En plus des milliers de Canadiens français, des centaines de Français viennent s’installer dans le coin. Donatien Frémont dans son livre, Les Français dans l’Ouest canadien, nous parle de ces colons français. Au sujet de Delmas, il écrit: «Le village occupe l’emplacement d’un ancien camp de Cris dont le chef s’appelait L'Enfant-du-Tonnerre15 Parmi les colons français à Delmas, mentionnons Paul Pouzache de l’Ardèche en France et sa femme Marie-Jeanne Lanigan.

C’est un curé français, l’abbé Jean-Baptiste-Ferdinand Jullion du Puy en France, qui fonde en 1905 la paroisse de Saint-Hyppolite. La plupart de ses paroissiens sont Canadiens français, mais il y a aussi quelques Français: «Alphonse Jullion, de Sembadel en Haute-Loire, frère du curé fondateur, est mort en 1956, laissant sa femme et onze enfants, presque tous établis dans le district. Jean-Victor et Emmanuel Malhomme sont venus de la même localité.»16

À Edam, Donatien Frémont avait connu des familles françaises, comme celles de Germain Bec, Georges Bellanger, les frères de Montarnal, Bru, Élie et Esquirol. À la Butte Saint-Pierre, il avait découvert un groupe important de Français: Tuèche, Lard, Roch, Legrand, Marchadour, Bonnet, Roussel et Nédelec. «Dans une petite école des premiers temps, tous les élèves étaient des enfants de colons français17

Même à Battleford, il y avait des Français. Georges Perrissin avait longtemps été juge de paix: «L’une des causes les plus mémorables dont il eut à s’occuper fut celle du vieux chef Le-Fils-de-la-Rivière, âgé de quatre-vingt-quinze ans. Parti pour la chasse avec sa bande et trouvant, au retour, son lieu de campement occupé par un colon anglais, il avait saccagé furieusement la clôture de l’intrus. [...]Aux yeux de la loi, le Blanc avait raison contre le Rouge. Celui-ci fut condamné au minimum de la peine - un dollar - et l’Anglais paya les frais.»18

Et oui, comme partout ailleurs en Saskatchewan, il y avait aussi des colons de langue anglaise dans la région de Delmas. Et des Ukrainiens, des Allemands, des Polonais, et d’autres encore. Aujourd’hui, le nord-ouest de la Saskatchewan continue d’être un endroit de culture de grain et d’élevage.