«La plupart des Cris n’avaient pas encore adopté le christianisme et ils évitaient le nouveau missionnaire. Il était donc seul et ne pouvait avoir d’interprète.»5 Devant cette situation, le père Cochin sort son dictionnaire, préparé par le père Albert Lacombe, o.m.i., et apprend par lui-même la langue des grands chefs cris, Poundmaker et Big Bear.
En 1884, un groupe important de Métis arrive dans la région. Ils s’établissent entre les deux rivières (Bataille et Saskatchewan Nord). Puisque ce sont des Bremner, des Sayers et des Taylor, leur colonie prend le nom de Bresaylor. La nouvelle colonie est située près de la rivière Saskatchewan Nord, à l’ouest de la réserve Thunderchild.
Même si la mission Sainte-Angèle demeure sur la réserve Poundmaker et que le père Cochin continue ses projets d’enseignement du catéchisme aux Indiens de la réserve, déjà les relations avec les Indiens commencent à se brouiller: «Ses projets d’enseignement sont de courte durée, alors que les Indiens deviennent de plus en plus insatisfaits. La famine devient prévalente alors que les bisons disparaissent. Une attitude d’indifférence de la part d’Ottawa crée une atmosphère de doute et de désillusion chez les Indiens envers les missionnaires et les Blancs. Le climat devient incertain et troublé avant la Résistance de 1885.»6
Devant cette situation, le père Cochin abandonne la mission de Sainte-Angèle et se réfugie chez les Métis de Bresaylor. Il fait bâtir une nouvelle église sur le carreau SE4-46-19-W3. Cette petite église est détruite par le feu en 1902.
Lorsque les troubles éclatent au printemps de 1885, le père Louis Cochin et plusieurs Métis de Bresaylor sont emprisonnés par les Cris de Poundmaker et ils sont présents lors de la bataille de Cut Knife Hill, le 2 mai 1885. Après la Rébellion de 1885, le père Cochin retourne à la mission Sainte-Angèle sur la réserve Poundmaker pour enseigner le catéchisme aux jeunes Cris.
Mais, dès 1886, le missionnaire élargit les cadres de cette mission pour inclure la réserve Thunderchild située entre les rivières Bataille et Saskatchewan Nord. Le premier des quatre registres de la paroisse de Delmas porte l’inscription: «Mission Sainte Angèle: Baptême, Sépulture, Mariage.» La première entrée est datée du 31 janvier 1886.
Toutefois, le père Cochin n’établit pas de mission sur la réserve Thunderchild: «La réserve de Thunderchild se situait alors tout à côté du futur village de Delmas. À cause de l’indifférence et parfois même de l’hostilité des gens de Thunderchild envers les missionnaires, une mission permanente ne fut jamais fondée sur cette réserve. On décida plutôt d’établir la mission catholique aux frontières de la réserve.»7
En octobre 1889, le père Cochin commence la construction de sa nouvelle résidence immédiatement à l’ouest de la réserve Thunderchild sur le carreau SE6-46-18-W3. À cet endroit, le missionnaire fait également construire deux étables, une grainerie, un poulailler, une laiterie et un puits. Il aimerait également ouvrir une école, mais vers 1896 Mgr Albert Pascal, évêque de Prince Albert, lui demande d’aller établir des missions dans la région du Lac des Brochets (Jackfish Lake), aussi appelé Lac Tortue par certains Métis. En 1900, le père Henri Delmas vient prendre la relève de la mission Sainte-Angèle.
Le père Henri Delmas
Peu de temps après son arrivée à la mission de la réserve Thunderchild, le père Henri Delmas, o.m.i., décide de faire construire une église. En 1901, l’église est bâtie et la mission change de nom et devient la mission Saint-Jean-Baptiste-de-la-Salle, du même nom que la future paroisse de Delmas. L’église est construite par les frères Fabien Labelle, o.m.i. et Paul Caplette, o.m.i. avec l’aide des colons blancs et des Indiens de la région.
À cette époque, une tradition de l’Église catholique veut que les cloches des églises soient baptisées, c’est-à-dire qu’on leur donne un nom, et qu’elles aient un parrain et une marraine. Le 21 mai 1903, Mgr Pascal est de passage dans la région et il baptise la cloche: «Nous, évêque soussigné, Vicaire Apostolique de la Saskatchewan, avons baptisé la cloche de la mission St-Jean-Baptiste-de-la-Salle à Thunderchild sous le nom de Baptista Alberta... en présence des R.R. Pères H. Delmas et J. Poulenard et d’une nombreuse assistance. M. Théodore Noël a servi de parrain et Mlle Alma L’Heureux de marraine.»8 Les noms qu’on donne aux cloches sont toujours des noms féminins, mais la plupart du temps les noms sont choisis pour reconnaître des hommes. Dans ce cas, Baptista (Saint-Jean-Baptiste), le patron de la mission et Alberta (Albert Pascal) évêque de Prince Albert.
Le père Delmas obtient la permission du gouvernement fédéral d’ouvrir une école résidentielle pour les enfants catholiques des réserves indiennes avoisinantes. Depuis 1901, trois religieuses de la Congrégation des Soeurs de l’Assomption et une laïque, Melina L’Heureux, vivent à la mission et s’occupent de l’enseignement des enfants. «Leur maison est supposément si petite que Mlle L’Heureux doit dormir sur une armoire.»9 Cette école résidentielle est ouverte en 1902 et reçoit le nom de Saint-Henri-de-Thunderchild.
Puisque certains colons français se sont installés dans la région et que l’école Saint-Henri est la seule dans la région, à part l’école Saint-Vital à Battleford, plusieurs jeunes francophones logent dans la résidence avec les jeunes Indiens.
En 1904, le chemin de fer est construit à travers la réserve Thunderchild et l’année suivante le nom de la mission est changé de Thunderchild à Delmas. En 1905, la mission Saint-Jean-Baptiste-de-la-Salle devient en réalité une paroisse canadienne-française. «L’automne de 1904 sembla ouvrir une ère de prospérité dans tout le pays de Battleford; l’arrivée d’une nouvelle voie ferrée, le Canadian Northern, se terminait rapidement. Les colons affluaient de partout, depuis les limites de la réserve de Thunderchild jusque bien loin dans les terres.»10
Devant cette invasion de colons blancs, les Indiens des réserves Thunderchild et Moosomin demandent au père Delmas d’intervenir en leur nom auprès du gouvernement fédéral; les Cris veulent céder leurs réserves et en obtenir d’autres ailleurs. En 1909 et 1910, Ottawa accepte de transférer les Indiens des deux réserves, et leur ancien terrain est cédé comme homesteads.
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