Chapitre 1:

Une nouvelle capitale dans la prairie canadienne


Au début des années 1880, la compagnie de chemin de fer du Canadien Pacifique décide de bâtir sa ligne transcontinentale dans le sud des Territoires du Nord-Ouest pour ainsi longer la frontière américaine. Cette décision oblige donc le gouvernement canadien à déménager la capitale des Territoires du Nord-Ouest de Telegraph Flat, ou Plaine du Télégraphe (Battle-ford), vers le sud. Le choix d’un nouvel emplacement pour la capitale est laissé au nouveau lieutenant-gouverneur en fonction depuis le 3 février 1881, l’honorable Edgar Dewdney.

Régina vers 1885.
Le lieu idéal pour la nouvelle capitale des Territoires du Nord-Ouest semblerait être la vallée Qu’Appelle. «La vallée Qu’Appelle se prêtait admirablement à cette vocation d’abriter la nouvelle capitale du Nord-Ouest; cette vallée magnifique offrait la protection de ses collines escarpées contre le vent, de l’eau douce à profusion, du bois de chauffage, si rare dans le sud des Prairies, la proximité immédiate de terres agricoles considérées parmi les plus productives de l’Ouest, et, ce qui ne gâtait rien, une suite de paysages enchanteurs dans le cadre d’une nature dont le charme et les fantaisies faisaient un peu rêver au paradis terrestre.»1 Edgar Dewdney aurait également pu tourner son attention vers l’ouest, vers Moose Jaw qui deviendra plus tard le carrefour des lignes de chemins de fer en Saskatchewan.

Cependant, le nouveau lieutenant-gouverneur semble plus intéressé par la spéculation sur le terrain qu’il ne l’est par la beauté de la vallée Qu’Appelle. «Il entra même en pourparler avec le propriétaire d’une terre près de Fort Qu’Appelle, mais “n’ayant pu s’entendre avec lui sur le prix de cet immeuble, (de cette terre) il dut penser à la grande prairie.»2 La grande prairie, c’est la région de Regina où deux compagnies de citoyens, dont Dewdney est un des membres, ont déjà acheté 28 sections de terres de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Une de ces terres, la section no. 26 du township no. 17, rang no. 20 à l’ouest du 2e méridien deviendra l'École de la GRC à Regina.

Avant l’arrivée d’Edgar Dewdney et du Canadien Pacifique en 1882, l’emplacement de la future capitale aurait été souvent visité par les Indiens et les Métis. Il aurait même été, en 1881, le lieu de la dernière grande chasse au bison des Territoires du Nord-Ouest. «Ce lieu était connu sous divers vocables: Pile O’Bones, Manybones, ou encore Bone Creek, pour les Anglais; Tas d’Os pour les Français; Oskana Kasasteki, ou Oskunah-Kasa-Take, dans la langue des Cris, ou encore Oskana, ou Wascana, du nom du ruisseau qui a donné son nom au lac artificiel qui baigne maintenant la capitale provinciale.»3

Lorsque le tracé du futur chemin de fer est finalement annoncé en 1882, Edgar Dewdney et ses collaborateurs voient leurs plans déjoués par le Canadien Pacifique qui décide de bâtir la gare deux milles à l’est de la section no. 26. Dewdney et sa compagnie ont de la difficulté, en 1883, à se débarraser de leur terrain, et pourtant cette même terre a une valeur inestimable aujourd’hui.

Quoiqu’il en soit, le ruisseau Wascana abritera bientôt les bureaux du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Il reste maintenant à trouver un nom pour la
Une scène du park Wascana.
nouvelle capitale. «Celui de Wascana, qui collait bien à la réalité des lieux et présentait le mérite d’honorer les autochtones, ne fut pas jugé assez “digne” pour une capitale, non plus que le nom Assiniboia qui fut aussi rejeté.»4 C’est au Gouverneur général du Canada, le marquis de Lorne, que revient alors la tâche de trouver un nom pour la lointaine capitale des Territoires du Nord-Ouest. Son épouse, Louise, suggère le nom latin de reine, Regina, en l'honneur de son illustre mère, la reine Victoria. C’est le 23 août 1882 que Tas d’os est officiellement rebaptisé Regina par le directeur général du Canadien Pacifique, William C. Van Horne.