La distribution des terresLes mythes de voleurs de chevaux

Chapitre 3

L’histoire des ranchs
dans la région de la Montagne de Bois

Un coin de cowboys et de stampedes

La région de Willow Bunch et de la Montagne de Bois est principalement un endroit de ranchs où on fait l’élevage du bétail. Parmi les premiers rancheurs dans la région il y a eu Jean-Louis Légaré et Pascal Bonneau. La région allait devenir le coin des cowboys et des stampedes.

Dans une lettre qu’il avait envoyée pour la chronique «La parlure fransaskoise» dans l’Eau Vive, l’abbé Roger Ducharme de Gravelbourg donnait cette description d’un stampede à Wood Mountain. «J’ai beaucoup entendu parler du stampede de Wood Mountain (Sask.) le plus vieux, paraît-il, de l’Amérique du Nord. Lancé comme jeu social, avant le début du siècle, par les Sioux de la réserve de Sitting Bull, les blancs s’y sont joints peu à peu. J’y suis allé finalement et j’ai vu, pour la première fois, tout ébahi, un cowboy raîder (rider), à poil, un bronco s’y tenant d’une seule main au lasso serré très fort autour du corps du cheval, plus ou moins sauvage, se rebiffant bruyamment. Retenu dans une chute, au signal donné, on lâche ce mâron dans le corral pour qu’il désarçonne ce cavalier agaçant dont il veut se débarasser, au plus vite. Les éperons aux talons que le cowpoke darde en cadence aux épaules et aux flancs de la monture débridée qui se lance, s’arrête brusquement, en avant, en arrière, de côté... l’ardent à tenir son équilibre. C’est un jeu fascinant, mais dangereux.»17

Les premiers ranchs dans la région voient le jour vers les années 1880. Le bison a presque disparu; les Métis ne se préoccupent même plus d’organiser la chasse annuelle; le clergé les incite à s’établir sur des fermes et à récolter le grain. Dans la région de Willow Bunch et de la Montagne de Bois, ce n’est pas tout le terrain qui est propice à la culture du grain. De grandes étendues de terres sont bonnes seulement pour l’élevage des chevaux et du bétail.

Jean-Louis Légaré est un des premiers à se lancer dans l’élevage des chevaux. En 1884, il se rend dans la région de Sun Valley dans le territoire du Montana et achète une centaine de chevaux qu’il rapporte à Willow Bunch. Il se rend ensuite jusqu’au Manitoba avec cent chevaux qu’il échange contre quarante-cinq vaches à lait. Petit à petit, il se bâtit un troupeau de vaches à lait.

Il faut traire les vaches et cela offre de l’emploi aux Métis de la région. Mais que va-t-il faire du lait? Il n’y a pas assez d’habitants dans la région pour consommer tout ce lait. En 1889, il se fait construire une fromagerie à Willow Bunch. Le premier fromager est nul autre que Gaspard Beaupré, le père du géant Édouard.

Mais, Gaspard Beaupré n’a pas étudié le métier de fromager et pour assurer le succès de son entreprise, Jean-Louis fait venir un expert fromager du village de sa jeunesse au Québec, Saint-Gabriel de Brandon. Joseph Boucher arrive à Willow Bunch en 1890 pour apporter son expertise dans cette industrie.

Cette année-là, la fromagerie produit 30 000 livres de fromage de première qualité. Puisqu’il faut 10 livres de lait pour produire une livre de fromage, les Métis de Willow Bunch (plusieurs à leur propre compte, d’autres travaillant pour Jean-Louis Légaré) doivent traire suffisamment de vaches pour produire 300 000 livres de lait en 1890.18

Les Métis qui possèdent leurs propres vaches reçoivent 75 cents pour 100 livres de lait. Ceux qui traient des vaches pour Légaré reçoivent 50 cents pour 100 livres. La fromagerie rapporte un revenu de 3 000 dollars à Willow Bunch en 1890.

Jean-Louis Légaré continue d’augmenter son troupeau. En 1891, il est propriétaire de 180 vaches à lait et 220 bêtes à cornes (bétail destiné à l’abattoir).

L’hiver de 1893 est très froid et Légaré perd 350 vaches. Il vend son troupeau de bétail, 1 125 têtes, à Pascal Bonneau. L’élevage des chevaux cause moins de problèmes, se dit-il. Il achète 2 100 chevaux à la compagnie Sinton and Balderton.