Le recrutement dans les
usines américaines
Établissement de Zénon Park

Chapitre 1:

Le recrutement dans les usines américaines et l’immigration vers l’Ouest


Jusqu’au début des années 1890, la plupart des immigrants européens choisissaient de se diriger vers les États-Unis. Mais au début des années 1890, on commençait à croire en Europe qu’il n’y avait plus de bonnes terres gratuites au sud du 49e parallèle, et les gens commençaient à tourner leur attention vers le Nord-Ouest canadien. Sur ces entrefaites, Wilfrid Laurier et le parti Libéral remportent les élections fédérales de 1896. Laurier, croyant que le XXe siècle serait le siècle du Canada, comme le XIXe siècle avait été celui des États-Unis, nomme Clifford Sifton ministre de l’Immigration.

La politique de Sifton concernant l’immigration était bien simple: «D’après moi, dit-il en 1899, le travail d’immigration doit se faire de la même manière que pour la vente de tout produit; aussitôt que vous arrêtez la publicité et l’oeuvre missionnaire, le mouvement (d’immigration) s’arrête.»1 Le Canada se lance alors dans le recrutement de nouveaux colons. Le gouvernement canadien, les compagnies de chemin de fer et même le clergé catholique lancent des campagnes de publicité et de recrutement aux États-Unis et en Europe. Le nombre de nouveaux immigrants atteindra son plus haut niveau en 1913, 400 870 colons2 venant s’établir dans l’Ouest.

Le clergé catholique franco-canadien de l’Ouest veut éviter que tout le territoire passe aux mains des anglophones. «Dès la création du Manitoba en 1870, l’Église de Saint-Boniface prend en main le peuplement des Territoires du Nord-Ouest; son but est de créer des blocs compacts de paroisses, comme autant d’enclaves françaises et catholiques.»3

Mgr Taché sait que le Québec est encore une province rurale ancrée sur l’agriculture, mais qu’il n’y a plus de terres disponibles pour les fils des fermiers, et il croit que des milliers de colons canadiens-français viendront par eux-mêmes dans l’Ouest pour prendre avantage des homesteads offerts gratuitement par le gouvernement. Mais l’évêque de Saint-Boniface s’attarde à essayer de convaincre les Métis de s’établir sur des fermes et il néglige de faire du recrutement au Québec et aux États-Unis.

Au Québec, puisqu’il n’y a plus de terres à défricher, la migration vers les centres manufacturiers de la Nouvelle-Angleterre se poursuit à un rythme accéléré. Le nombre de colons français qui viennent s’établir dans le Nord-Ouest demeure faible et, mis à part le travail de l’abbé Jean Gaire dans le sud-est du district d’Assiniboia (Cantal et Bellegarde), peu de paroisses françaises sont établies.

Mgr Taché meurt en 1894 et son successeur, Mgr Philippe-Adélard Langevin, forme alors «le projet d’établir, au sud, une chaîne continue de villages français sur les meilleures terres entre le Manitoba et les Rocheuses.»4 Puisque le clergé du Québec n’encourage pas vraiment l’immigration vers l’Ouest, Mgr Langevin se voit obligé de nommer des missionnaires-colonisateurs pour aller faire du recrutement dans l’Est et aux États-Unis. L’abbé Louis-Pierre Gravel entreprend le travail en 1906 dans le sud de la nouvelle province de la Saskatchewan.


Le nord-est des États-Unis. Plusieurs des premiers pionniers de Zénon Park sont venus de Rhode Island et du Massachusetts.


Dans le nord de la Saskatchewan, Mgr Albert Pascal, évêque de Prince Albert, caresse aussi le rêve d’établir une série de paroisses françaises dans son diocèse. Il nomme l’abbé Philippe-Antoine Bérubé missionnaire-colonisateur en 1907. Ce dernier sera responsable de l’établissement de colons dans la région de Debden et dans celle de Zénon Park-Arborfield.