Chapitre 1
Une enseignante pour l'Ouest

À la fin du XIXe siècle, le rêve de nombreuses familles canadiennes-françaises était de voir un de leurs enfants se consacrer à l’Église comme prêtre, frère ou religieuse. À cette époque, le clergé jouait un rôle important dans la vie quotidienne des Canadiens français. Ils étaient les conseillers, confesseurs et chefs des Canadiens de langue française. Le Québec était une communauté rurale, agricole et catholique, à cette époque. La famille québécoise de ce temps-là comptait souvent dix ou quinze enfants.

Un des fils s’installait habituellement à la ferme familiale et au moins un des enfants devenait prêtre ou membre d’une communauté religieuse. Les autres fils pouvaient s’établir sur une autre terre, aller travailler à la ville (aux États-Unis) ou devenir médecins, notaires, marchands ou bûcherons; les filles, elles, se mariaient assez jeunes et allaient élever de nombreuses familles.

Voici la société dans laquelle est née Oésime Dorval le 3 août 1845. Elle est la fille d’Ignace Dorval, cultivateur et menuisier de Sainte-Scholastique au Québec, et d’Esther Brunette dit Belle-Humeur.1 Vers 1849, la famille Dorval va s’établir à Saint-Jérôme, à environ 60 kilomètres au nord de Montréal.

À cette époque, l’éducation n’est pas aussi bien structurée qu’elle l’est aujourd’hui. Dans des régions comme Québec, Montréal et Trois-Rivières, il y a des collèges classiques pour les garçons et des couvents pour les filles, où il est possible de faire des études plus avancées. Mais dans bien d’autres régions, les écoles sont rares.

C’est le cas à Saint-Jérôme et pour cette raison, Onésime Dorval ne commence pas son éducation formelle avant l’âge de 10 ans. En 1855, Ignace Dorval envoie sa jeune fille comme pensionnaire au couvent des Soeurs de Sainte-Croix à Sainte-Scholastique.

«Comme c’était une bonne étudiante et qu’à l’époque on manquait d’enseignantes, elle fut employée, aussitôt qu’elle eut suffisamment d’instruction, comme enseignante suppléante à l’École Modèle de Saint-Jérôme. Elle termina ses études alors qu’elle enseignait déjà.»2

Onésime Dorval commença vraisemblablement à enseigner à l’âge de dix-huit ans, après seulement sept ou huit années d’école. À cause de la grande pénurie d'enseignants, on lui permet d’obtenir un brevet d’enseignement temporaire. Lorsque les Soeurs de Sainte-Croix viennent établir un couvent à Saint-Jérôme, Onésime Dorval est de nouveau pensionnaire afin de terminer ses études et d'obtenir un diplôme officiel d’enseignement.

Son rêve, et celui de sa famille pour elle, est de devenir soeur de la congrégation de Sainte-Croix. Mais elle a une santé précaire et les Soeurs de Sainte-Croix ne pensent pas qu’elle devrait être admise dans la congrégation. Elle se rend alors au monastère du Bon Pasteur, dans l’état de New York, pour faire son noviciat; mais encore une fois elle doit abandonner son rêve à cause de sa santé.

«Elle prie alors Saint-Ignatius et promet que si elle est guérie elle consacrera le reste de ses jours à promouvoir l’avancement de la volonté de Dieu.»3