L'agriculture dans
les textes de"Parrette"

Chapitre 1
La femme dans l’agriculture

Le rôle de la femme au cours de la colonisation de la province n’a jamais été clairement défini. Au début du siècle, par exemple, le clergé catholique, ainsi que la presse francophone qu’il contrôlait, se prononçait contre le suffrage féminin, c’est-à-dire le droit de vote pour les femmes.

Dans un article du Patriote de l’Ouest du 23 avril 1914, un archevêque des États-Unis soutenait «que ce mouvement suffragiste fait perdre à la femme son titre de reine du foyer, et lui enlève la dignité et le respect qui conviennent à la mère de famille.»1 C’était bel et bien l’attitude du clergé francophone de la Saskatchewan.

Toutefois, cet idéal de la femme «reine du foyer» n'est pas toujours la réalité des milliers de jeunes femmes canadiennes-françaises qui suivent leur mari ou leur famille en Saskatchewan et s’établissent sur un homestead. En effet, elles doivent commencer en créant le foyer; elles sont souvent appelées à aider leur mari à bâtir la maison de rondins ou de tourbe.


Une maison en blocs de terre.

Dans le nord de la Saskatchewan, combien de femmes pionnières aident, une hache à la main, leur père ou leur mari à enlever les branches des troncs d’arbres qui deviendront les murs de leur maison?

Combien d’entre elles aident à bousiller les murs, c’est-à-dire remplissent les fentes avec un mortier formé de terre brune, de paille et d’eau? Et quant à celles qui veulent ajouter de la couleur à leur maison, elles aident à badigeonner à la chaux, c’est-à-dire couvrir les murs avec de la chaux.

Dans le sud de la province, là où les pionniers bâtissent des maisonnettes de mottes de tourbe, la femme aide à transporter les mottes de tourbe jusqu’à l’endroit où sera bâtie la maison. Ensuite, elle aide à monter les murs, une motte de terre placée par dessus l’autre.

Une fois l’habitation construite, les pionniers, souvent aidés de leur femme, doivent commencer à défricher la terre. Dans le nord, les femmes aident leur mari ou leur père à ramasser des souches et à les brûler. Dans le nord, comme dans le sud, combien d’entre elles ont marché derrière les chevaux ou les boeufs, les guides à la main, alors que leur mari ou leur père se concentrait sur les mancherons de la charrue?

Il ne faut pas se leurrer et croire, comme le voulait le clergé, que nos arrière-grand-mères et nos arrière-arrière-grand-mères sont arrivées en Saskatchewan au début du siècle et qu’elles se sont confortablement installées dans leur maison pour devenir «reine du foyer». Comme les hommes, elles ont travaillé à la sueur de leur front pour que la ferme soit un succès.