Chapitre 1 suite...
Le voyage vers l’Ouest

Enfin, Jean-Baptiste accède à la requête de sa femme. Il la prévient que la vie ne sera pas facile dans le Nord-Ouest. C’est au cours de la première semaine du mois de mai qu’ils disent adieu à leur village, à leurs parents et à leurs amis. De Maskinongé, ils descendent le fleuve Saint-Laurent jusqu’à Montréal et enfin Lachine où ils doivent attendre les canots.


L'embarcation des Voyageurs.
Quand les embarcations sont chargées de provisions pour les hivernants restés dans les Pays d’en haut, les voyageurs et Marie-Anne prennent leur place dans les canots et lancent les barques dans le fleuve.

«C’est dans l’un de ces grands canots d’écorce frêtés par l’honorable Compagnie que je prend place au milieu des ballots de la cargaison. J’ai un frisson lorsque je vois la frêle navelle tellement chargée que le bord dépasse de quelques pouces à peine le niveau d’eau, mais les voyageurs canadiens semblent si bien manier l’aviron que je suis vitement rassurée et surtout après avoir constaté leur savoir-faire.»9

Comme salut à tous ceux qui restent en arrière, les voyageurs lancent des grands cris de joie et commencent à entonner une vieille chanson française:
Voyageur! va faire tes bagages C’est à l’aube que nous partirons C’est à l’aube, oui, oui, oui C’est à l’aube, non, non, non C’est à l’aube que nous partirons.

Il est important d’en connaître un peu plus sur les équipes de voyageurs. Chaque canot comprenait de douze à dix-huit hommes et il pouvait transporter de mille cinq cents à deux mille livres de provisions. Ces provisions étaient emaballées dans des ballots de quatre-vingt à quatre-vingt-dix livres. Lorsque les voyageurs devaient faire un portage,10 il fallait huit hommes pour transporter le canot. Ensuite, on revenait chercher les ballots qu’on transportait sur son dos.

Entre Lachine et le lac Huron, les voyageurs devaient faire vingt et un portages. Le long trajet qu’empruntent les Lagimodière et leurs compagnons est le même que celui qu’avaient suivi Champlain, les missionnaires et La Vérendrye. Ils suivent la rivière Outaouais, la Mattawa, le lac Nipissing et la rivière des Français qui conduit au lac Huron.

Marie-Anne n’a pas, comme les hommes, à manier l’aviron. Cependant, elle n’en a pas moins à éprouver «la fatigue de passer des journées entières assise au fond du canot, sans pouvoir changer de position, d’être exposée aux rayons du soleil, aux vents et à la pluie. Puis le soir, de coucher sur la grève, sans lit, sur la terre dure et à la merci des insectes.»11

Et que dire du travail ardu des portages: «de gravir des rochers, de passer à travers des bois, dans des sentiers à peine battus et de marcher dans des savanes où les pieds s’enfoncent dans l’eau et la vase.»12

Plus tard, Marie-Anne pourra raconter à ses enfants que lorsque les voyageurs sont finalement arrivés au lac Supérieur le temps s’est gâté et les canots sont devenus les jouets des grandes vagues.

Finalement, après plusieurs semaines de voyage, ils arrivent au Fort William, sur les rives du lac Supérieur.13 À cette époque, Fort William a remplacé Grand Portage comme point de rencontre des voyageurs et des hivernants. Chaque été, les hivernants de la Compagnie du Nord-Ouest viennent rencontrer les voyageurs à ce fort. Souvent, des patrons de Montréal accompagnent les voyageurs.

Au Fort William, voyageurs, hivernants et patrons commencent par échanger des nouvelles. Puis, on passe aux affaires:le triage des fourrures et la répartition des provisions. Puis, c’est la fête.On sort les barils de rhum, les pipes et les violons. Tout le monde participe: voyageurs, hivernants et patrons, chasseurs et traitants, blancs, Métis et Indiens. La fête dure plusieurs jours.

À la fin de la fête, les voyageurs, rechargent leurs gros canots avec les ballots de fourrures achetés par les hivernants l'hiver précédent pour les envoyer à Montréal. Les hivernants remplissenent leurs plus petits canots avec les provisions que viennent d'apporter les voyageurs. Puis, ils retournent aux postes de traite la long du lac Winnipeg et des rivière et de l'Ouest.

Jean-Baptiste et Marie-Anne Lagimodière disent adieu aux voyageurs avec qu'ils ont partagé le grand canot depuis un mois. Ils se joindront tous les deux aux hivernants qui se dirigent vers Pembina car Jean-Baptiste a l'intention de rester dans le Nord-Ouest.


FIN DE CHAPITRE