Bébé en Sask.Bébé en Alberta

Chapitre 2

Naissance du premier bébé blanc au Manitoba

Au Fort William, Jean-Baptiste et Marie-Anne Lagimodière se joignent aux hivernants et se dirigent vers le lac Winnipeg. Cette étape leur prend deux semaines. Ils voyagent du lac Supérieur jusqu’aux lacs des Bois pour ensuite descendre la rivière Winnipeg jusqu’au lac du même nom. Ils descendent la rivière Rouge de son embouchure jusqu’à la Fourche où se dressent les forts des deux compagnies rivales: le Fort Gibraltor14 et le Fort Douglas.


Le fort Gibraltar
Le groupe poursuit son chemin jusqu’à Pembina où les gens du pays15 ont établi un «hivernement» permanent.16 Jean-Baptiste annonce que c’est ici qu’ils vont demeurer. De l’autre côté de la rivière, Marie-Anne peut voir le Fort Daer.

«Il y avait cinq ou six Canadiens français qui vivaient près du fort. Ces Canadiens étaient mariés à des femmes Indiennes. Le mode de vie de ces hommes n’était pas différent de celui des Indiens; ils vivaient dans des tentes contruites de peaux, passant l’été près du fort et l’hiver dans la Prairie à faire la chasse. Les femmes indiennes des Canadiens étaient les seules femmes avec lesquelles Mme Lagimodière pouvait associer et elles ne parlaient pas le français, donc les conversations devaient se faire par signe.»17

À cette époque, il était commun pour les employés de la Compagnie du Nord-Ouest de prendre pour femme des Indiennes. Cette coutume était critiquée mais non pas interdite par la Compagnie rivale de la Baie d’Hudson. Les mariages entre femmes indiennes et hivernants ou voyageurs se faisaient à la mode du pays, c’est-à-dire selon les coutumes indiennes.

«Le mariage chez les Indiens prenait des formes diverses selon les tribus. En général, ce n’était guère plus qu’un marché entre le jeune homme et les parents de la jeune fille.»18 Dans certains cas, le mariage à la mode du pays se faisait en jetant une couverture sur la tête des deux jeunes conjoints.

Arrivée dans le Nord-Ouest, Marie-Anne Gaboury découvre cette coutume des voyageurs et des hivernants: «Cette coutume de tous les voyageurs du Nord de prendre pour femme une Indienne. J’ignorais que pendant ses cinq années de séjour à Pembina, Jean-Baptiste avait suivi cette tradition et pris pour femme une Indienne. Il l’avait abandonnée un an avant son retour au Canada.»19

Jean-Baptiste Lagimodière a abandonné sa femme indienne deux ans plus tôt, mais elle demeure toujours dans la région de Pembina. Lorsque cette femme voit revenir son Jean-Baptiste avec une autre, une Blanche, l’histoire veut qu’elle soit très jalouse: «l’Indienne forma le dessein d’empoisonner Marie-Anne.

Les Indiens, habiles à la préparation de remèdes et de potions de feuillages, baies et racines pour guérir les maladies, pouvaient aussi préparer des boissons empoisonnées. L’Indienne, ainsi trompée, décida de préparer une mixture mortelle. Pour mieux se familiariser avec sa victime, elle se mit à faire de fréquentes visites à la loge de sa rivale qui ne soupçonnait aucunement la mauvaise intention de la visiteuse.»20

Heureusement, selon l’histoire, l’Indienne aurait dévoilé ses plans à la femme d’un Canadien qui à son tour aurait révélé l’histoire à Jean-Baptiste et à Marie-Anne. Les Lagimodière auraient donc quitté Pembina pour aller se réfugier en amont de la rivière jusqu’à l’hiver.

L’hiver arrivé, les Lagimodière reviennent au campement près du Fort Daer. Marie-Anne est maintenant enceinte et au début de janvier 1807, Jean-Baptiste trouve une maison dans le fort pour sa jeune femme. C’est dans cette maison qu’est né le premier bébé blanc de l’Ouest canadien. La petite Reine est née le 6 janvier, le jour des Rois et c’est pour cette raison que Marie-Anne lui donne le nom de Reine. Puisqu’il n’y a pas encore de missionnaires dans le Nord-Ouest, les Lagimodière doivent baptiser leur petite fille eux-mêmes.