Chapitre 2 suite...

Naissance du premier bébé blanc en Saskatchewan

Pendant l’hiver, Marie-Anne s’occupe de sa petite fille tandis que Jean-Baptiste chasse et fait la traite avec les Indiens dans la région de Pembina. Début mai, Jean-Baptiste annonce à sa femme qu’il a l’intention de se rendre dans la vallée de la Saskatchewan avec trois autres Canadiens: Chalifou, Belgrade et Paquin. Les trois sont mariés avec des femmes indiennes de la tribu des Cris et ils ont l’intention d’emmener leur femme avec eux.

À cette époque les Indiennes «partageait les travaux et les responsabilités de la vie quotidienne. Pendant que (les Indiens) s’occupaient de chasse et de pêche, de la construction d’abris et de canots et prenaient à leur compte la guerre et les préoccupations qui s’y rattachent, (les Indiennes) s’employaient à la cueillette des baies, au ravitaillement de l’eau, à l’entretien des feux, à la préparation des aliments. Elles menaient une vie saine et active que la civilisation a bien altérée.»21

Le départ des Lagimodière de Pembina, au printemps 1807, marque le début d’une aventure qui durera quatre longues années. Durant les quatre années suivantes, les Lagimodière vivront une vie de nomade, suivant les bisons , visitant les postes de traite de l’Ouest.

Aussitôt que la glace disparaît du lac Winnipeg, les quatre familles voyagent jusqu’au nord du lac où ils peuvent rejoindre la rivière Saskatchewan. Puisqu’ils voyagent dans deux canots, ils ne peuvent pas transporter trop de choses: «nous nous enfilons tous, hommes, femmes, enfants dans deux canots. Les bagages ne sont pas considérables... ma fille, ma petite Reine, emmaillotée à la mode indienne et des provisions pour trois ou quatre jours, pas davantage.»22 Les provisions consistent en pemmican et en bannique pour quelques jours; ensuite, ils doivent se fier à l’habileté des chasseurs pour se nourrir.

Une fois rendus à l’embouchure de la rivière Saskatchewan, ils suivent cette rivière jusqu’à Cumberland House où ils découvrent un nombre impressionnant d’Indiens. Ces Indiens ont entendu dire qu’une femme venue de France était de l’expédition et, n’ayant jamais vu de femme blanche, ils ont mille et une questions à lui poser.

La semaine suivante, Lagimodière et son équipe quittent Cumberland House et poursuivent leur voyage le long de la rivière Saskatchewan jusqu’au Fort des Prairies, aujourd’hui Edmonton. Étant, à cette époque, le poste de traite le plus à l’ouest, le Fort des Prairies est le point de rassemblement de tous les Indiens des Prairies: Cris, Pieds Noirs, Assiniboines, Sarcees et Bloods.

Ils arrivent au fort à la fin août et Jean-Baptiste, connaissant le facteur du fort, réussit à obtenir un logement pour lui-même, sa femme et sa fille. Les Lagimodière passent quatre hivers au Fort des Prairies; ils ne retourneront à la Rivière-Rouge qu'en 1811. L’été, ils se rendent dans la Prairie pour faire la chasse aux bisons et Marie-Anne accompagne son mari.

C’est lors d’un de ces voyages de chasse, en 1808, que Marie-Anne donne naissance à son deuxième enfant, un fils aux cheveux blonds, que les Lagimodière nomment Jean-Baptiste «Laprairie»Lagimodière parce qu’il est né au milieu de la prairie.23

Durant son séjour de quatre ans dans la Prairie, Marie-Anne vit plusieurs expériences avec les Indiens des Plaines. Nous avons déjà mentionné l’épisode de Cumberland House.

Une autre fois, les Lagimodière et lesBelgrade ont monté leurs tentes près d’une petite rivière. Les deux hommes sont partis à la chasse, laissant les deux femmes et les enfants. Un groupe d’Indiens passent dans les environs, aperçoivent les tentes et décident de s’approcher. Mme Belgrade, en les voyant, s’enfuit dans le bois avec la petite Reine.

Marie-Anne, croyant qu’elle allait être massacrée par ces Indiens, s'agenouille dans sa tente pour prier la Sainte Vierge. Les Indiens ne sont pas là pour massacrer les Blancs. Heureusement, un Canadien24 est avec le groupe d’Indiens et il peut rassurer Marie-Anne: elle n’a rien à craindre. Comme ceux de Cumberland House, ces Indiens sont tout à fait satisfaits de s’asseoir et de regarder une femme blanche.

La naissance du petit «Laprairie»aux cheveux blonds est une autre source de curiosité pour les Indiens: «Un jour, alors que nous sommes au camp, je m’éloigne de la tente pour aller puiser de l’eau à la rivière. Durant mon bsence, une indienne de la tribu des Pieds-Noirs s’enfile dans notre tente et enlève mon petit Laprairie. Je suis cette indienne et la rejoins dans le camp de sa tribu. Elle a beau se défendre, je découvre mon petit sous le châle de la ravisseuse. Elle m’assure avoir tout simplement voulu plaisanter.

Une autre fois, c’est un chef indien qui m’offre son meilleur cheval en échange pour mon bébé blond. Je repousse avec horreur un tel marché, mais l’indien insiste, consentant même au sacrifice d’un deuxième cheval. Je me mets à pleurer et seulement en voyant mes larmes est-ce que l’indien renonce à son projet.»25