Des conflitsLa bataille

Chapitre 3

La Colonie de Selkirk et les Bois-Brûlés

Même si à cette époque le territoire de la Baie d’Hudson est immense, couvrant presque la moitié de la superficie actuelle du Canada, et que le téléphone et le télégraphe n’ont pas encore été inventés, il ne faut pas croire que les communications sont lentes ou inexistantes dans le Nord-Ouest.

Au contraire, les Indiens, les Métis et les employés des deux grandes compagnies de traite ont développé des systèmes rapides de communication. La nouvelle d’un événement de la Rivière-Rouge pouvait être connue au Fort des Prairies en l’espace de quelques semaines puisqu’il y avait un va-et-vient constant entre les postes de traite.

Mentionnons, par exemple, le voyage des Lagimodière en 1807. Quand ils sont arrivés à Cumberland House, des milliers d’Indiens s’y étaient rassemblés pour voir la première femme blanche du Nord-Ouest.

Ce n’est donc pas surprenant que les Lagimodière entendent parler du projet d’établissement d'une colonie écossaise à la Rivière-Rouge en 1811, un an avant l’arrivée des colons.

Au printemps 1811, une rumeur commence à circuler dans la Terre de Rupert. La Compagnie de la Baie d’Hudson aurait vendu des millions d’acres de terrain situés à la Fourche des rivières Rouge et Assiniboine à Thomas Douglas, comte de Selkirk. Selon ces rumeurs, Selkirk aurait l’intention d’établir une colonie d’écossais sur ce terrain.

La rivalité entre la Compagnie de la Baie d’Hudson et celle du Nord-Ouest existe toujours, même si les deux ennemies n’ont pas encore eu recours aux armes. La Fourche, située à la jonction des rivières Rouge et Assiniboine, est un lieu stratégique du réseau de transport de la Compagnie du Nord-Ouest. C’est également dans cette région que se trouve le terrain de chasse des Métis et des tribus indiennes.

L’établissement d’une colonie de fermiers écossais détruirait la vie traditionnelle des groupes indiens et métis de la région. Métis, Indiens, Voyageurs et Hivernants ne voient pas d’un bon oeil les plans du comte de Selkirk.

C’est à cet endroit que reviennent les Lagimodière pendant l’été 1811. Lorsqu’ils arrivent à la Fourche, ils s’aperçoivent que les colons de Selkirk ne sont pas encore arrivés. Ils poursuivent leur chemin jusqu’à Pembina et ils passent l’hiver au Fort Daer. Marie-Anne est contente d’être revenue à la Rivière-Rouge, car elle croit être plus près de son pays, le Québec. Elle n’a jamais abandonné l’idée de retourner dans la région de Maskinongé. Et même s’ils ne retournent pas à Maskinongé, elle est persuadée que la Rivière-Rouge est un pays plus civilisé que celui du Fort des Prairies.26

Pendant l’hiver, les rumeurs au sujet des colons se multiplient à Pembina. On apprend que les colons hivernent au Fort York sur la baie d’Hudson et qu’ils descendront jusqu’à la Fourche l’été suivant. Contrairement aux autres membres de la Compagnie du Nord-Ouest, Jean-Baptiste et Marie-Anne voient d’un bon oeil l’arrivée des colons de Selkirk.


La maison d'un colon
Pour Jean-Baptiste, la colonie représente un moyen de subsistance pour les habitants du territoire: leurs fermes produiront des légumes, de la farine et ils y élèveront des animaux. Dans le cas de Marie-Anne, les colons représentent l’arrivée d’autres femmes blanches dans le Nord-Ouest.

Pendant l’hiver, Marie-Anne donne naissance à son quatrième bébé, Benjamin.

Au printemps suivant, Jean-Baptiste et Marie-Anne reviennent à la Fourche, puis ils descendent la rivière Assiniboine jusqu’à un endroit qui deviendra, plus tard, Saint-Charles. Ici, Jean-Baptiste construit une simple maison en bois rond; une bâtisse sans plancher ni fenêtres. Les Lagimodière y passent les trois années suivantes.