Les Coupal dans l'Ouest La grippe espagnole La moisson

Chapitre 1
Les «batteux» et la grippe espagnole

Irène Coupal est née le 31 mars 1902, dans la province de Québec, à Saint-Philippe de La Prairie, petite communauté à quelques kilomètres au sud de Montréal. Son père fait le commerce d’animaux, c’est-à-dire qu’il achète et revend des animaux. Vers 1910, l’oncle du père d’Irène Coupal invite son neveu à l’accompagner dans l’Ouest pour faire les moissons.


Région de Montréal, La Prairie et Saint-Phillipe de Laprairie

La belle histoire des «batteux»1 commence en 1891 et se poursuit jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945. L’été de 1891, la récolte de blé s’annonçait excellente dans les Prairies. Les agriculteurs avaient demandé au gouvernement de les aider à trouver de la main-d’oeuvre pour travailler aux moissons.

Le gouvernement avait alors recruté plus de 1 300 hommes dans les Maritimes, au Québec, en Ontario et en Angleterre. Les compagnies de chemin de fer avaient mis des wagons à la disposition de ces jeunes hommes pour les transporter dans l’Ouest à un prix raisonnable.

Le voyage de 1891 a été le premier, mais il y en a eu d'autres de ce genre tous les automnes jusqu’à l’arrivée des moissonneuses-batteuses après la guerre de 1939-1945.

Le gouvernement et les compagnies de chemin de fer se sont rendus compte que ces excursions pour les battages étaient un moyen idéal de convaincre des jeunes hommes de venir s’installer définitivement sur des homesteads dans les prairies de l’Ouest. Nombreux furent ceux qui, venus simplement pour faire les récoltes, ont aimé le pays et ont pris un homestead.

Les salaires des «batteux» étaient élevés comparativement à ceux payés ailleurs au Canada; un débutant pouvait gagner jusqu’à 1,50 $ par jour, alors qu’un employé ayant plus d’expérience pouvait obtenir jusqu’à 3,50 $ par jour. En 1915, par exemple, alors qu’il y avait une récolte record en Saskatchewan, les salaires ont atteint 6 $ et 8 $ par jour.

À cause de ces salaires, plusieurs étudiants et même des commis de magasin, des boulangers, etc. s’organisaient pour prendre leurs vacances au moment des récoltes et bénéficier d’un bon salaire. À part les bons salaires, il y avait souvent d’autres raisons qui poussaient un jeune homme à venir dans l’Ouest; il avait été laissé par la fille qu’il aimait, il espérait vivre une dernière grande aventure avant de se marier ou il voulait rendre visite à des amis dans l’Ouest.

La plupart des «batteux» avaient une fausse impression de l’Ouest; ils avaient lu des romans des grands ranches et des aventures des coureurs de bois. De plus, le mot d'ordre américain de la fin du XIXe siècle,Go West young man!, était la grande mode au Canada. Beaucoup pensaient qu’en venant dans l’Ouest, ils allaient faire fortune.

Les compagnies de chemin de fer ne faisaient rien pour changer cette idée car elles espéraient convaincre les jeunes «batteux» de demeurer dans l’Ouest canadien et d'acheter des terres qui leur avaient été données par le gouvernement pour la construction des lignes ferroviaires.

Ce qu’on ne leur disait pas avant le départ d'Halifax, Fredericton, Québec ou Toronto, c’est que la vie du «batteux» n’était pas facile. La journée commençait régulièrement à quatre heures du matin et elle ne prenait fin que tard le soir. Une équipe de «batteux» se composait de 12 à 28 hommes.

Selon Grant MacEwan, les salaires d’une équipe de «batteux» étaient répartis d’après le travail de chaque membre: «On payait cher les services de l’ingénieur; il était l’homme de l’heure, envié par ses confrères, et au début du siècle il recevait un salaire de 3,50 $ par jour.

Le séparateur, celui qui connaissait toutes les courroies et qui pouvait trouver tous les petits trous à huile dans la batteuse, recevait un salaire de 3 $ par jour. Celui qui lançait les gerbes de grain dans la batteuse recevait 2,50 $ par jour et, enfin, ceux qui remplissaient l’engin à vapeur de bois et d’eau, ainsi que ceux qui transportaient les gerbes des champs recevaient 1,60 $. Si ces derniers fournissaient leurs propres chevaux et wagons, ils recevaient 4 $.»2