Chapitre 2
La radio française en Saskatchewan

En 1951, c’est à nouveau son grand-frère qui l'aide à rediriger ses énergies. Depuis 1944, Antonio de Margerie travaille sans relâche avec l’abbé Maurice Baudoux et Raymond Denis pour obtenir, pour la Saskatchewan, deux permis de radiodiffusion. Puisque la Société Radio-Canada n’était pas prête à offrir une programmation convenable en français pour les francophones de l’Ouest, des dirigeants des provinces de l’Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba avaient entrepris, en 1944, une grande campagne afin d'obtenir des licences permettant d'ouvrir quatre stations privées dans les Prairies.

Une des stations serait située à St-Boniface, une autre à Edmonton et deux en Saskatchewan, à Saskatoon et à Gravelbourg. En 1944, ils avaient gagné une victoire partielle alors qu’une licence avait été accordée pour la station CKSB à Saint-Boniface. Trois ans plus tard, en 1947, ce sera au tour des Franco-Albertains de recevoir une licence pour la station CHFA à Edmonton.

En Saskatchewan, les Franco-Canadiens devront attendre jusqu’en 1951 avant d'obtenir d’Ottawa la permission de bâtir et d’exploiter leur deux stations. Mais pour les bâtir, il fallait de l’argent.

Une campagne de prélèvement de fonds avait été organisée en Saskatchewan en 1945 et plus de 50 000 $ avaient été recueillis. De plus, la population canadienne-française de la province était sûre de recevoir plus de 120 000 $ recueillis lors d’une grande campagne de prélèvement de fonds dans l’Est du pays en 1944-1945.

Toutefois, pour construire les deux stations, et pour les exploiter dans les années à venir, il faut encore obtenir 250 000 $. Les dirigeants de la radio française en Saskatchewan offrent alors, en 1951, un contrat à Raymond Denis pour qu’il revienne de Montréal pour organiser cette campagne de prélèvement de fonds.

«En mai, Raymond Denis arrive donc en Saskatchewan pour mettre sur pied la collecte de fonds. Il installe ses bureaux à Saskatoon et embauche le Père G. Laviolette du Manitoba qui a déjà travaillé à la campagne de souscription de Radio-Saint-Boniface.»14

Avant même que Raymond Denis n'arrive en Saskatchewan, Antonio de Margerie lui recommande d’embaucher sa jeune soeur, Marie-Antoinette, comme secrétaire-sténographe. «Pour voir au travail de secrétariat à Saskatoon, Raymond Denis engage une jeune mère de famille. Il s’agit de la soeur d’Antonio de Margerie, madame Marie-Antoinette Papen. Ce travail sera pour elle le début d’une longue carrière à CFNS.»15

Comme travail, elle doit, premièrement, écrire à la machine un manuel d’une quinzaine de pages que Raymond Denis a rédigé à l’intention de ses collaborateurs régionaux, texte dans lequel il définit les grands principes de cette campagne. La campagne débute au début de juin.

Raymond Denis a organisé la campagne de prélèvement de fonds comme un général planifierait une campagne militaire.

«Puis, tenant compte de l’éparpillement de la population sur le territoire, Denis divise la province en deux zones distinctes, celle du nord comprenant les diocèses de Prince Albert et de Saskatoon; et celle du sud englobant les diocèses de Gravelbourg et de Regina. Chacune de ces zones est subdivisée en dix ou douze régions. Puis, les paroisses sont placées sous la juridiction de comités paroissiaux. Chaque paroisse a un montant fixe à souscrire. Un auxiliaire est nommé dans chacune pour s’occuper de la perception des dons.»16

Une des responsabilité de Marie-Antoinette Papen est de maintenir un lien entre ces auxiliaires régionaux et Raymond Denis. Elle doit aussi s’assurer que chaque don est formellement noté dans un registre, car chaque contribution permet au donateur de devenir copropriétaire des stations de radio. Et, tout au long de la campagne, il y a des feuillets publicitaires à préparer et à envoyer dans toutes les communautés.

La campagne porte fruit; plus de 340 000 $ sont souscrits par les Franco-Canadiens de la Saskatchewan. Marie-Antoinette Papen s’acquittera si bien de ses fonctions qu’on lui offrira un emploi à CFNS, à Saskatoon, lorsque la station de radio ouvrira ses portes en novembre 1952.