Le fameux combatLe cirque de "freaks"
Chapitre 2
La vie d’homme de cirque

Ses démonstrations

Ne pouvant réaliser son rêve d’être cow-boy, Édouard Beaupré commence, à l’âge de dix-sept ans, à s’éloigner périodiquement de Willow Bunch afin de donner des démonstrations de force.

À cette époque, chaque cirque est à la recherche d’hommes forts. «Après l’entrée en trombe des acrobates à cheval et les cris de joie, il fallait un numéro plus lent et calme. Cette routine ne devait pas être sans énergie car il fallait maintenir la tension. Le spectateur voulait voir une forme d’effort, mais un effort qui était bien contrôlé. L’homme fort pouvait le mieux offrir cet effort.»9 À la fin du siècle dernier, l’homme fort était souvent vêtu d’un costume qui lui donnait l’apparence d’un gladiateur romain. Il arrivait dans l’arène avec une couronne de lauriers sur la tête, un manteau d’un violet impérial et des bottes de gladiateur.

L’homme fort est appelé à faire des démonstrations de sa force surhumaine; on lui place une enclume sur le ventre, il tord un fer à cheval ou plie une barre de fer à mains nues. De nos jours, l’homme fort des cirques n’est plus aussi populaire qu’il l’était à la fin du siècle dernier.

À dix-sept ans, Édouard Beaupré est capable de soulever un cheval de 350 kg. Il décide alors d’aller tenter sa chance dans le monde du cirque. Des histoires le précèdent, affirmant qu’il est si fort qu’il a déjà levé un poids de plus de 400 kg par-dessus la tête. En 1901, Édouard Beaupré est âgé de vingt ans. Il est à Montréal et un article paraît dans un journal décrivant comment il s’est fracturé une jambe en soulevant un poids de 400 kg. Le docteur Blais réfute cet article. Selon lui, «il n’existe aucun indice ni sur le cadavre ni à la radiographie d’une telle fracture. Sans doute une entorse qui ne l’empêcha pas moins d’être prudent et par la suite il n’osa jamais dépasser les 900 livres.»10

Qu’il se soit fracturé la jambe ou non, Édouard Beaupré est mort à Montréal en 1901. Selon le docteur Blais, il loge dans un hôtel à l’angle des rues Ontario et Saint-Timothée. Cet hôtel, où se trouve un gymnase, appartient au champion mondial des lutteurs poids légers, Eugène Tremblay. Tremblay est associé au fameux haltérophile Horace Barré, que l’on comparait à l’époque à Louis Cyr, l’homme fort du Québec. Il est possible que ce séjour à Montréal ait servi d’entraînement pour le jeune colosse de Willow Bunch, le préparant pour une carrière d’homme fort dans un cirque. Selon le docteur Blais, «quelquefois, des clients se réunissaient dans l’enceinte du gymnase et tout en dégustant, pour la modique somme de cinq sous, une chope de bière, ils pouvaient voir Barré et Beaupré rivaliser de force ensemble.»11