Chapitre trois

Les années de vagabondage

En 1875, Louis Riel se réfugie dans l’est du pays, surtout dans l’état de New York où il y a un bon nombre de Canadiens français. Au cours de l’année suivante, il déménage souvent, Keeseville, Suncook, Worcester. À Keeseville, dans l’état de New York, Riel demeure chez l’abbé Barnabé, curé du village. Il n’a pas d’emploi et il doit vivre aux dépens de ses amis canadiens-français.

La santé du fondateur du Manitoba faiblit. Il dit avoir des visions; il se croit le prophète du Nouveau Monde et il adopte le nom de Louis «David» Riel. L’abbé Barnabé s’inquiète au sujet de son ami. Il communique avec l’oncle de Riel, John Lee, qui vit à Miles End près de Montréal. L’oncle vient le chercher à Keeseville et l’emmène chez lui, mais la santé de Riel ne s’améliore pas. Il est admis à l’hôpital de Longue-Pointe, près de Montréal, puis à l’asile de Beauport, près de Québec. Là, sa santé s’améliore et, en janvier 1878, il quitte l’institution et retourne à Keeseville.

Evelina Barnabé demeure avec son frère au presbytère de Keeseville. Durant ce deuxième séjour dans l’état de New York, Riel semble se préoccuper de moins en moins de politique et il commence à fréquenter la jeune Evelina. Le couple se fiance secrètement. Mais avant de se marier, Riel veut trouver du travail pour faire vivre son épouse. Il se rend dans plusieurs villes américaines, mais il ne trouve rien.

Il décide alors de retourner dans l’Ouest tandis qu’Evelina restera à Keeseville. Lorsqu'il aura trouvé un emploi, il reviendra la chercher. Il se dirige vers Saint-Joseph et ensuite vers le Montana, où il trouve du travail comme enseignant à la mission des Jésuites à Saint-Pierre dans la vallée de la rivière au Lait. À Saint-Pierre, Riel se rend compte qu’il a des responsabilités envers sa mère, Julie, et ses frères et soeurs. Il cesse d’écrire à Evelina.

Riel se lance dans l’enseignement et il rencontre une jeune métisse, Marguerite Monet, dite Belhumeur, qu’il épouse le 9 mars 1882. Il devient citoyen américain et se relance dans la politique. En 1882, il appuie le parti républicain lors des élections au Montana.

La situation dans le Nord-Ouest

Pendant ce temps, au Canada, la vie des Métis n’est guère facile. De plus en plus de colons quittent l’Ontario pour s’établir au Manitoba. Ces nouveaux Manitobains veulent des terres et très souvent ils s’emparent des terres des Métis. Frustrées, de nombreuses familles métisses quittent le Manitoba et viennent retrouver les autres Métis qui tentent de se tailler une place le long des rivières Saskatchewan Sud et Nord.

Déjà, on a établi plusieurs colonies dans le district de la Saskatchewan: Saint-Laurent, Batoche, Saint-Louis de Langevin et Lac aux Canards (Duck Lake). Entre 1871 et 1884, des centaines de familles métisses viennent rejoindre leurs cousins et amis dans la colonie de Saint-Laurent: les Caron, les Lépine et les Nolin furent trois des familles qui sont venues à Batoche, à Saint-Louis et à Saint-Laurent durant ce temps.

Le village de Batoche, fondé en 1871 par Xavier Letendre, dit Batoche, devient un centre commercial pour la région. Jean-Baptiste Boyer, Georges Fisher et Solomon Venne ouvrent des magasins pour faire concurrence à celui de Monsieur Batoche. Les oblats de Marie-Immaculée établissent une nouvelle paroisse à Batoche en 1881. Le père Valentin Vègreville est le premier curé, mais il est remplacé l’année suivante par le père Julien Moulin. En 1883, on construit un presbytère et l’année suivante ce sont les murs de l’église que l’on voit monter à 400 mètres du village. On peut toujours voir ces deux bâtisses dans le Parc historique national de Batoche.

Mais même dans la vallée de la Saskatchewan, les Métis ne réussissent pas à trouver la paix. Puisqu’ils ne peuvent pas obtenir les titres de leurs terres, ils commencent à envoyer de nombreuses pétitions à Ottawa, demandant le redressement des torts faits aux Métis du Nord-Ouest. Le gouvernement du Canada ne prête pas attention à ces réclamations. Les Métis organisent une série de réunions secrètes; les Anglais de Prince Albert et de Qu’Appelle sont invités à se joindre aux Métis. Et il y a la question des Indiens; en 1876, ils ont signé des traités avec Ottawa et ont accepté de s’établir sur des réserves. En 1884, la plupart d’entre eux meurent de faim, Ottawa est lent à respecter les clauses des traités.