Chapitre trois

Le nationalisme français de Louis Schmidt


«C’est le 19 juin 1880, jour anniversaire de la bataille de la Grenouillère, que je laissais mon cher pays de la Rivière-Rouge pour m’enfoncer dans l’Ouest. Je ne m’arrêterai pas à décrire mon voyage qui se fit avec les moyens de locomotion 31 dont on se servait encore dans ce temps-là. Le 3 août, j’arrivais au Lac des Canards,32 où je trouvai mon vieil ami, le joyeux Père André. Celui-ci ne me conseilla pas de m’établir là. Il m’indiqua la traverse à Gariépy, sur la branche sud de la Saskatchewan, et c’est là en effet que j’allai prendre une terre. C’est aujourd’hui l’extrémité supérieure de la paroisse de Saint-Louis.»33

À la traverse à Gariépy, Schmidt se livre à l’agriculture. Il fait du jardinage et de l’élevage et récolte même du foin des marais pour vendre à la Police Montée. En janvier 1884, il déménage à Prince Albert où il commence à travailler dans un bureau d’avocat. «Quelques mois plus tard, en conciliabule secret, les Métis prennent la résolution d’inviter Louis Riel à prendre la tête de leur mouvement. Louis Schmidt entend se joindre, à titre privé, à la délégation officielle de Métis porteuse de l’invitation. Sur les (sic) entrefaites, il apprend sa nomination au poste d’adjoint au Bureau des Terres du Dominion, à Prince Albert. Plus question de partir. Il prend plutôt la plume et expose dans plusieurs lettres au journal Le Manitoba les doléances de la population du district de Lorne.»34

Durant la rébellion de 1885, il demeure neutre, restant à Prince Albert où il s’occupe des affaires du Bureau des Terres.

Louis Schmidt revient sur sa ferme à Saint-Louis en 1897. Là, il commence à travailler pour la reconnaissance des droits des francophones. Il participe à la fondation du premier journal français en Saskatchewan, Le Patriote de l’Ouest . En février 1912, il se rend à Duck Lake pour participer à la première rencontre provinciale de la Société du Bon Parler, qui mènera à la création de l’Association catholique franco-canadienne de la Saskatchewan.

Il est un des orateurs à ce congrès de Duck Lake. Mais sa façon de voir les choses n’est pas la même que celle du clergé catholique. «Il n’avait rien perdu de sa fougue malgré les années et, peut-être dans l’émotion du moment, il proposa à l’assemblée le modèle des Irlandais qui, eux, avaient recours à l’agitation politique et aux armes pour protéger leurs droits. Ces propos eurent sans nul doute pour effet de surprendre Mgr Olivier-Elzéar Mathieu et les autres dignitaires présents, habitués à des discours plus mesurés.»35

Dans son élan, Louis Schmidt fait penser à Raymond Denis qui, en 1929, aurait voulu monter la garde autour des écoles pour empêcher le gouvernement Anderson de supprimer le français dans les écoles et d’obliger les religieuses à mettre de côté leurs habits religieux. Hélas, la révolution et la prise d’armes ne font pas partie de la tradition des Franco-Canadiens de la Saskatchewan, et le vieux confrère de Louis Riel doit se contenter de voir s’échapper progressivement les droits des francophones de la province.

Louis Schmidt meurt le 6 novembre 1935, à l’âge de 91 ans.

-Fin-