Chapitre un

Le jeune Métis du Lac Rabasca (Athabasca)


Au temps de la Compagnie de la Baie d’Hudson, l’exploration et le développement du Nord-Ouest se sont faits du nord au sud. Les voyageurs et les hivernants suivaient les rivières et les lacs à la recherche de riches fourrures. Les animaux à fourrure se tiennent généralement près des lacs et des rivières et puisque le nord du territoire qui forme aujourd’hui la province de la Saskatchewan est couvert de lacs et de rivières, il n’est donc pas surprenant que cette partie fut explorée et peuplée avant le sud.

Louis Schmidt est né le 4 décembre 1844 dans un vieux fort sur les rives du lac Rabasca. Rabasca, c’est le nom que les Indiens avaient donné au lac Athabasca dans le nord-ouest de la Saskatchewan. Le vieux fort où Louis Schmidt est né se trouvait à une trentaine de kilomètres du Fort Chippeweyan. Son père est pêcheur pour la Compagnie de la Baie d’Hudson et sa mère est la fille d’un des guides les plus célèbres de l’époque, Alexis L’Espérance.

À cette époque, il n’y a pas encore de missionnaire dans la région du lac Rabasca. Lorsque le jeune Louis a un an, ses parents l’amènent au lac La Loche où il est baptisé par le père Jean-Baptiste Thibault. Puis, c’est le retour au lac Rabasca où Louis passe une jeunesse bien normale. Comme tous les enfants, il aime grimper aux arbres. Il a deux chiens, Grain d’Or et Sans Jeu. L’hiver, il se promène en toboggan et il accompagne son père à la pêche.

Jusqu’à l’âge de 14 ans, il est connu sous le nom de Louis Laferté. La grand-mère paternelle de Louis Schmidt était une Métisse montagnaise du lac des Esclaves, Marie-Anne Généreux. Elle avait épousé, à la mode du pays, un employé de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Lorsque cet employé est renvoyé en Angleterre, Marie-Anne Généreux prend pour mari un Métis nommé Pierre Laferté. Pierre Laferté adopte alors le fils de Marie-Anne (le père de Louis) âgé de trois ans et lui donne son nom de famille.

Louis Laferté passe les dix premières années de sa vie sur les rives du lac Rabasca. En 1853, sa mère et ses trois soeurs doivent se rendre à la Rivière-Rouge, mais il est décidé que Louis passera une dernière année au lac Rabasca avec son père. C’est au printemps de 1854 qu’ils entreprennent le long voyage jusqu’au Fort Garry. Du lac Rabasca, ils descendent plusieurs petites rivières et lacs pour finir par rejoindre la rivière Saskatchewan au lac Cumberland.1

Dans la région de Cumberland House, Louis Laferté et son père rencontrent le grand-père Alexis L’Espérance. Le vieux guide va voyager avec eux pour une partie du chemin. À cette époque, les guides recevaient de meilleurs repas que les autres employés de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Puisque le vieux L’Espérance fait maintenant partie du voyage, le jeune Louis est invité à manger à sa table. Il déguste pour la première fois du pain et du beurre.

Louis voit des poulets pour la première fois de sa vie au poste de traite du Pas sur la rivière Saskatchewan. C’est à cet endroit que le vieux L’Espérance les quitte et les deux voyageurs poursuivent leur trajet sur le lac Winnipeg jusqu’au Fort Garry.

Arrivé à la Rivière-Rouge, Louis Laferté commence l’école à l’âge de dix ans. Les Frères des Écoles Chrétiennes viennent juste d’arriver dans la colonie et c’est eux qui vont remplacer les Soeurs Grises pour l’éducation des garçons. Louis s’applique au travail et seulement quatre mois plus tard il peut écrire une lettre à des parents et des amis au Lac Rabasca. Il n’aurait fait qu’une seule erreur dans cette lettre: «Le mot "cuir" est écrit avec un "c" et non un "t". Mais son père prononçait le mot "tuir" comme était fait par les Métis du nord.»2

Parmi ses camarades de classe, on reconnaît le nom de Louis Riel. En 1857, Louis Laferté, Louis Riel, Daniel McDougall et Joseph Nolin deviennent pensionnaires chez les Frères des Écoles Chrétiennes. L’école et la résidence des garçons sont situées dans le sous-sol de la demeure de l’évêque. Mgr Taché veut que les quatre garçons reçoivent une bonne formation en latin, car il a décidé que l’année suivante ils iraient poursuivre leurs études au Bas-Canada.3