Chapitre deux

Les premiers voyages d’exploration

En 1726, le gouvernement de la Nouvelle-France confie au frère aîné de La Vérendrye, Jacques-René de Varennes, le commandement d'un poste militaire dans une région de la rive nord du Lac Supérieur. Jacques-René en profite pour constituer une société de traite de fourrures et son frère, Pierre Gaultier de Varennes, Sieur de La Vérendrye, est son second.

Le poste de traite principal de la société est établi à Kaministiquia7 à l’extrémité ouest du lac Supérieur. Pour ses approvisionnements, le Fort Kaministiquia dépend des Forts Nipigon (situé au nord du lac Supérieur à l’embouchure de la rivière Nipigon), Michipicoton (situé au nord de Sault-Ste-Marie) et Sault-Ste-Marie. Pour se rendre au lac Supérieur, La Vérendrye et ses compagnons doivent suivre la rivière Outaouais jusqu’à Mattawa pour ensuite atteindre le lac Nipissing, puis le lac Huron et le lac Supérieur.

Lorsque La Vérendrye accepte l’offre de son frère, ses deux fils aînés sont dans la milice canadienne et les deux plus jeunes sont toujours à l’école. Il laisse alors sa femme, Marie-Anne et ses deux filles à Montréal et se dirige vers l’Ouest.

À Kaministiquia, La Vérendrye est responsable de la défense du fort et il doit s'assurer que les Indiens reçoivent un juste prix pour leurs fourrures. Rendu dans l’Ouest, il commence à entendre parler d’une tribu indienne, les Mandanes, dont la peau est plus pâle que celle des Indiens des autres tribus, qui vivent dans des maisons au lieu de tentes et qui cultivent des jardins. Cette tribu, selon les rumeurs, vit loin à l’ouest. La Vérendrye espère être le premier homme blanc à la visiter.

D’autres Indiens lui font part de l’existence d’un grand lac à l’ouest du lac Supérieur, un lac que les Indiens ont nommé «lac Ouinipigon» et d’une grande rivière qui coule de l’ouest.8 La Vérendrye commence à rêver de suivre ces lacs et rivières pour atteindre la mer de l’ouest, l’océan Pacifique. «Cette recherche de la mer de l’Ouest, qui commençait à retenir l’attention de La Vérendrye, remonte aux premiers jours de la présence française en Amérique du Nord. Depuis l’époque de Verrazzano9 et Cartier, tous les explorateurs, les uns après les autres, avaient tenté de découvrir ce prétendu raccourci pour atteindre le lointain orient10.

Avant La Vérendrye, les Français n’avaient pas exploré l’intérieur du pays. «Dans les années (1720), les Français savaient encore peu de chose de l’intérieur du continent; le point le plus profond de pénétration au coeur du pays dont les documents du temps fassent mention est le lac La Pluie ou Tekamamiouen (Rainy Lake), atteint par Jacques de Noyon en 168811

La Vérendrye veut obtenir plus de renseignements sur les territoires de l’Ouest. Il interroge les Indiens qui se rendent aux postes de Kiministiquia et Nipigon pour faire la traite. Il leur demande de lui dessiner des cartes des lacs et des rivières. Il propose aux autorités de Québec de se rendre au lac Ouinipigon pour ériger un fort.

En 1731, il se rend à Montréal pour fonder une nouvelle société qui financera cette expédition vers l’ouest, et en juin de la même année il quitte Montréal avec trois de ses fils, Jean-Baptiste, Pierre et François, pour regagner le lac Supérieur. Arrivés au Fort Kiministiquia, plusieurs voyageurs refusent d’aller plus loin avant l’hiver. La Vérendrye doit donc accepter de passer l’hiver sur les bords du lac Supérieur.

Toutefois, son fils aîné, Jean-Baptiste, ainsi que son neveu, Christophe Dufrost de la Jemerais, et 25 voyageurs décident de poursuivre le voyage. «Ils prirent trois canots et partirent vers l’ouest. Un mois et 40 portages plus tard, ils arrivèrent à l’endroit où les rivières coulaient vers l’ouest et non plus vers l’est, et se rendirent au lac La Pluie (Rainy Lake). Là ils bâtirent le Fort Saint-Pierre, nommé pour La Vérendrye, 3 km. à l’est de Fort Frances, où ils passèrent l’hiver.»12 Le printemps suivant, cette expédition revient au Fort Kaministiquia avec de nombreuses pelleteries.

La Vérendrye décide alors de retourner au Fort Saint-Pierre avec tous ses hommes. Le voyage prend 36 jours parce qu’on veut améliorer l’état des pistes qu’on doit suivre pour faire les portages. Du Fort Saint-Pierre, l’expédition poursuit son chemin vers l’ouest en compagnie de Cris et d’Assiniboines. Ils suivent la rivière La Pluie jusqu’au lac Minestic (ou Minittic). Puisque le terme cri pour bois est «mistic», La Vérendrye donne le nom de Lac des Bois à ce lac. Toutefois, Minittic est un terme indien qui veut dire «lac des îles»et il décrit bien ce lac avec ses milliers de petites îles.



Arrivé au lac des Bois, La Vérendrye fait construire le deuxième d’une série de forts, le Fort Saint-Charles.13 Voici une description du fort fournie en 1908 par M. Leau de Paris et publié dans le journal Les Cloches de Saint-Boniface: «La Vérendrye a construit un autre fort sur la rive ouest du lac des Bois, 60 lieues du lac Tekamamiouen (lac La Pluie). Ce fort est 100 pieds de large avec quatre tours. À l’intérieur il y a une maison pour le missionnaire, une église, une autre maison pour le commandant du fort, quatre bâtisses dans les coins avec cheminées, un entrepôt pour les fusils et la poudre et un autre entrepôt. Il y a aussi deux portes sur les côtés opposés, une guérite et les murs sont de quinze pieds de hauteur.»14

Au printemps de 1733, La Vérendrye envoie son neveu La Jemerais et son fils Jean-Baptiste explorer le territoire à l’ouest du lac des Bois. Ils devaient tous les deux se rendre jusqu’au lac Ouinipigon et construire un troisième fort, mais ils ont dû revenir avant d’atteindre leur destination: «leurs voyageurs craignaient qu’ils allaient mourir de faim dans ce pays exposé au vent et au froid.»15 C’est seulement l’année suivante que Jean-Baptiste de La Vérendrye se rendra au lac Winnipeg et construira le Fort Maurepas.