De la " Terre de l'aurore " à nos racines "
Le premier regard porté sur la région remonte au-delà de l'arrivée des populations originaires d'Europe. Les Abénaquis, peuple nomade premier occupant des terres du Haut-Saint-François au XVIIe siècle, utilisent les abords de nos rivières synonymes de richesse naturelle. En quête de nouveaux territoires, Loyalistes et colons américains s'expatrient des E-U vers 1783 pour exploiter des terres vierges connues aujourd'hui sous les noms de Canton d'Ascot, Clifton, Eaton et Newport. Des facteurs, météorologiques en l'occurrence, ont des effets néfastes sur la croissance du peuplement. Malgré tous les efforts déployés, l'émergence de la colonisation des Cantons-de-l'Est ne se fait sentir qu'en 1792. Pays de collines et de lacs, recouvert par la forêt, la région du Haut-Saint-François offre aux arrivants un potentiel d'abondance et de diversité des ressources de son sol. L'originalité et l'authenticité de notre région est le fruit d'un lien établi entre le développement et l'exploitation des ressources naturelles ainsi que la croissance et la spécialisation du secteur manufacturier au cours de la seconde moitié du XIXe siècle.
Le désenclavement et l'ouverture sur le monde se fait sentir avec l'émergence des premières routes et surtout avec l'important réseau ferroviaire, érigé vers les années 1870, qui donnera définitivement accès aux grands centres du nord-est du continent. Le peuplement en aura été à la fois facilité et transformé. C'est ainsi que notre histoire débute
De la colonisation à la vie urbaine
À l'ouverture des Cantons-de-l'Est par la concession de cantons en 1792, les rivières et les lacs utilisés depuis des siècles par les Amérindiens demeurent les seules voies de communication. Des facteurs géographiques, techniques, financiers et administratifs se combinent pour multiplier les difficultés d'accès à la région. Ce n'est que vers les années 1830, grâce à une conjoncture favorable, que l'on verra des projets de développement des terres du Bas-Canada se concrétiser. L'idée du chemin de fer ne surgit que de manière plus décisive au début des années 1840.
Dès les années 1812, deux phénomènes d'ordre très différent arrêtent pour près d'une décennie le peuplement si bien amorcé des terres des Cantons-de-l'Est. Il s'agit d'une part de la guerre anglo-américaine de 1812-1814 et, d'autre part, de la catastrophe climatique qui sévit à partir de 1816. Ce n'est apparemment qu'en 1820 que le climat redevient normal, avec un printemps précoce permettant que toutes les semailles soient finies au début de mai. Après ces années difficiles, le peuplement connaît une reprise évidente durant les deux décennies suivantes. De ce fait, en 1815, arrivent de nouveaux immigrants, essentiellement des Britanniques, des Écossais, et des Irlandais. Mais la vie n'est pas facile pour les colons. Les routes sont quasi inexistantes, tant et si bien que les nouveaux arrivants préfèrent emménager en hiver car les rivières et les lacs gelés leur servent alors de chemin. Beaucoup de terres ne sont pas défrichées car les grands propriétaires n'ont pas la main d'uvre nécessaire à leur exploitation. Jusqu'en 1850, les Canadiens français sont presque absents de ce tableau de l'occupation du territoire régional. Le phénomène s'explique sans doute par la disponibilité des terres dans les seigneuries des rives du fleuve Saint-Laurent. Par la suite, lorsque la pression démographique y rend le besoin de terres nouvelles plus impérieux, la plupart des Canadiens français désireux de s'établir dans les townships se heurtent à divers obstacles : les mauvaises voies d'accès, la spéculation foncière et le prix élevé des terres et, sans doute aussi, environnement social, religieux, linguistique et culturel différent.
Malgré des difficultés et bien souvent au péril de leur vie, des habitants des Cantons-de-l'Est se lancent, dès les années 1810, dans le transport de marchandise sur le cours médian de la rivière Saint-François. L'incurie du gouvernement du Bas-Canada en fait de voirie dans les régions pionnières contribue donc, pendant plusieurs décennies, à ralentir le développement des Cantons de l'Est. Les fonds disponibles chaque année sont insuffisants pour la région eu égard aux distances à couvrir et à la dispersion des townships. Bref, les chemins de grande communication, qui devaient relier la région aux seigneuries, demeurent insuffisants et mal entretenus. En 1852, l'arrivée du chemin de fer brise l'isolement qui hypothéquait jusque là le développement de la région. Il ouvre de nouvelles perspectives aux habitants, préside à la naissance et l'exploitation de plusieurs villes et villages. Il fait surgir scieries et filatures le long des rivières qui bordent son tracé. Il domine l'essor de l'agriculture régionale en lui ouvrant de nouveaux marchés. En un mot, il est la clef de voûte du développement industriel et commercial de la région. Par le fait même, il est la cause de l'arrivée d'une importante main d'uvre canadienne-française; on assiste au renversement de la majorité démographique et linguistique. L'histoire du chemin de fer dans la région d'East Angus met en lumière les conditions de la naissance du Québec Central, compagnie qui jouera un rôle important pendant plusieurs décennies dans le domaine du transport ferroviaire au Québec et dans celui de la mise en valeur des richesses naturelles. Le Québec Central, une compagnie à caractère régional, développera effectivement son réseau en fonction de l'exploitation de l'industrie forestière. Le 5 avril 1869, la Sherbrooke Eastern Townships and Kennebec Railway obtient sa charte. Elle a comme mandat de relier Sherbrooke à Lévis et Kennebec (Maine), en passant au travers des cantons de Dudswell et Weedon. La construction est entreprise en 1870. Quatre ans plus tard, les quatorze premiers milles de cette voie sont terminés et inaugurés en grande cérémonie. Le chemin de fer part de Sherbrooke et se rend à Lothrop's dans le canton de Westbury. La région est alors une immense forêt que l'arrivée du chemin de fer permet de mettre en valeur. L'industriel William Angus, attiré par les richesses naturelles et les facilités de transport de la future ville de East Angus, y implante effectivement son usine en 1882. Par son lien étroit avec les ressources naturelles de la région, le Québec Central joue un rôle de canalisateur du développement de plusieurs petites localités disséminées le long de son tracé. En ce sens, grâce à son industrie des pâtes et papiers, East Angus deviendra la " métropole économique du compté " au vingtième siècle ainsi que Cookshire qui se transformera en " métropole administrative pour le compté de Compton "
Jusqu'en 1978, la région était gérée par des Conseils de comptés, cependant ces derniers furent dissous par l'avènement des municipalités régionales de comptés (MRC) en 1979 en vertu de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. La réforme introduite par cette Loi était ambitieuse. D'asseoir à une même table les élus d'une même région d'appartenance, tant ruraux et qu'urbains, pour discuter de préoccupations régionales et se doter d'un schéma d'aménagement, représentait un défi de taille. Ainsi, de cette loi est née la MRC du Haut-Saint-François en 1981, baptisée ainsi en raison de sa situation géographique par rapport à la hauteur du bassin hydrographique de la rivière Saint-François.
De nos jours, nous pouvons être fiers de dire que le Haut-Saint-François fait partie d'un des berceaux, au Québec, de l'industrie du bois, de la fabrication du papier à partir de la pâte de bois et de l'exploitation des gisements de calcaire. L'agriculture y a pris, plus tôt qu'ailleurs, le virage vers l'élevage, vers l'industrie laitière, vers le marché. Le développement des voies de communication et, en particulier, des chemins de fer, la mise à contribution des épargnes locales dans des institutions financières régionales, la création de multiples entreprises manufacturières toutes ces manifestations illustrent l'idée que le développement de la région s'est faite davantage de l'intérieur que de l'extérieur.
source :
Histoire des Cantons-de-L'Est, Collection
régions du Québec, institut québécoise de recherche
sur la culture, 1998, Les éditions de l'IQRC;
Évolution ethnoculturelle et idebtité régionale des Cantons-de-l'Est.
Ottawa Société historique du Canada, 1989, Brochure No13;
Les Cantons-de-l'Est, Albert Gravel, Sherbrooke, 8 novembre 1938;
Livre de Westbury 1858-1983, Les albums souvenirs Québécois.