L'île
Sainte-Croix avant la colonisation
L'habitation de l'île Sainte-Croix dessinée par Samuel de Champlain
Carte de l'île Sainte-Croix dessinée par Samuel de Champlain
Depuis 11 000 ans, des peuplades habitent la région où se trouve l'île Sainte-Croix. Les Amérindiens ont été les premiers à y vivre et ils ont visité à quelques reprises l'île où ils entreposaient de la nourriture. Puis des bateaux de pêcheurs européens ont visité les eaux poissonneuses de la région et des coureurs de bois ont exploré les terres à la recherche de gibiers et de fourrures. Lorsque le commerce de la fourrure a finalement intéressé les grandes puissances de l'époque, l'Angleterre et la France, de nombreux navires ont quitté les ports européens en direction des terres du Nouveau Monde. Parmi eux se trouvait la Bonne Renommée, le bateau de Pierre Dugua de Mons. Ce dernier se dirigea, en compagnie d'une soixantaine d'hommes et des provisions, vers la région de Passamaquoddy. Aujourd'hui, cette région est connue sous le nom de la vallée d'Annapolis et est située en partie au Nouveau-Brunswick et aux États-Unis.
Pierre Dugua de Mons En 1600, Pierre Dugua, sieur de Mons, se rend en Nouvelle-France et en Acadie et explore les lieux avec Pierre de Chauvin. En 1603, Dugua est nommé par le roi Henri IV lieutenant général de l'Acadie, située entre le 40e et le 46e degré de latitude nord. La France, occupée par les guerres de religions qui sévissent sur son territoire, débute tardivement la colonisation des Amériques. On utilise la traite des fourrures pour financer les nouveaux établissements. Pierre Dugua reçoit donc du roi Henri IV le monopole du commerce de la fourrure et de la pêche en Nouvelle-France pour une durée de dix ans. Dugua de Mons doit par contre y établir des colonies françaises permanentes. Afin d'assurer sa réussite, Dugua demande à plusieurs hommes pratiquant différents métiers dont le cartographe Samuel de Champlain, le capitaine François Gravé Dupont et l'armateur Jean de Biencourt de Poutrincourt de faire partie de l'expédition. Samuel de Champlain a pour mission de faire un rapport au roi de tout ce qu'il observe.
L'arrivée des colons
Après avoir recueilli, grâce à un consortium de marchands, 90 000 livres et engagé près de 120 artisans et hommes d'équipage, l'expédition quitte le port de Havre-de-Grâce vers le 10 avril 1604. Les historiens croient que les colons ont débarqué à l'île Sainte-Croix à la fin du mois de juin 1604. De par sa situation géographique, permettant une défense efficace contre les ennemis, et la beauté de ses paysages, l'île Sainte-Croix est choisie par Dugua pour y établir le premier établissement européen permanent en Amérique du Nord. De plus, le sol y est fertile et propice à la briqueterie et, sur le continent, les colons peuvent s'approvisionner en eau douce.
L'habitation
Dès leur arrivée sur l'île, les Français ne tardent pas à établir la colonie. Tous les colons sont mis à contribution pour la construction de l'habitation fortifiée; il faut dire que Dugua avait paré au coup en engageant des hommes de métier (charpentiers, forgerons, menuisiers, maçons, serruriers, scieurs de long, etc.) L'habitation est entourée d'une palissade de bois pour la protéger contre les animaux ou les rivaux potentiels. Deux rues traversent la place publique entourée de divers bâtiments : entrepôt pour les provisions, maison de Pierre Dugua arborant les armoiries du roi de France, logements pour les charpentiers, les Suisses, les curés et les gentilshommes, forge, puits, cuisine (ancrée à la falaise), boulangerie, cuisine, chapelle (à l'extérieur de la palissade) et salle publique. Au total, une vingtaine de bâtiments en bois et aux fondations de pierres et d'argile logent les 79 colons qui resteront en Amérique après le départ de la Bonne Renommée. Sous les bons conseils de Dugua, quelques jardins sont également ensemencés afin que la colonie soit autosuffisante et pour parer au manque de provisions.
Relations avec les Amérindiens
Au cours de leur séjour dans la région, les Français rencontrent et se lient d'amitié avec quelques Amérindiens. La survie de la colonie est intimement liée aux relations entretenues avec les Premières nations puisque celles-ci participent activement à la traite de fourrures, principale source de revenus pour la colonie. À quelques occasions, les Amérindiens approvisionnent les colons en viandes et leur enseignent leurs techniques de chasse et de pêche. Avec les Malécites, les Français échangent de nombreux objets (perles de verre, hachettes, couteaux, tissus, tabac, rosaires, etc.) contre des peaux et des fourrures. Aucune guerre n'éclate entre les Français et les Amérindiens; ces derniers participent plutôt aux guerres franco-anglaises se déroulant en territoire nord-américain. Quant aux tentatives d'évangélisation, les Amérindiens les perçoivent comme un geste d'amitié.
Le dur hiver 1604-1605
La neige couvre subitement l'île le 6 octobre 1604; les colons ne sont pas tout à fait prêts à affronter les rigueurs de l'hiver nord-américain. En effet, les Français croyaient que l'Acadie et la France, partageant la même latitude, avaient un climat tempéré similaire. Mais c'était sans compter le courant d'air glacial qui balaie le pays à chaque hiver. La colonie française réussit tant bien que mal à vivre avec les revenus du commerce de la fourrure. Ce premier hiver passé sur l'île est pénible pour les hommes, puisqu'en plus de la température très froide, ils manquent de nourriture fraîche et d'eau potable. En raison des glaces épaisses se promenant sur la rivière Sainte-Croix, les colons ne peuvent accéder au continent et sont incapables de se procurer de l'eau et du gibier. De plus, les arbres abattus pour le chauffage des maisons privent les colons d'abris contre le vent. Au cours de cet hiver, près de la moitié des colons périssent du scorbut, maladie causée par le manque de vitamine C dans l'alimentation.
La nouvelle colonie
Après ce tragique hiver, Dugua et Champlain décident de déplacer la colonie vers la terre ferme. Ils choisissent un endroit situé dans le bassin de la rivière Dauphin (rivière Annapolis), tout près de la baie Française (Baie de Fundy). Les colons démontent quelques habitations et se dirigent vers la nouvelle colonie nommée Port-Royal. Tous espèrent que l'hiver suivant sera moins dur et, surtout, que la colonie aura assez de provision afin que les habitants ne souffrent pas du scorbut. L'habitation de Port-Royal est différente de celle de l'île Sainte-Croix. En effet, elle est de forme carrée avec une cour intérieure; tous les logements, le magasin, l'église et les autres salles sont construits mur à mur pour une meilleure conservation de la chaleur. Le magasin de Port-Royal est trois fois plus grand que celui de l'île Sainte-Croix. Les Français demeurent à Port-Royal jusqu'en 1607 : le roi de France enlève à Dugua son monopole de la traite de fourrures, n'ayant pas démontré sa capacité à coloniser la région. Sans ce commerce, Dugua n'a plus les revenus nécessaires pour financer la colonie; il repart donc en France avec tous les colons.
Île Sainte-Croix au cours de l'histoire
En 1613, Samuel Argall a pour mission de détruire chaque établissement français se trouvant au nord du 46e parallèle et détruit tout ce qui reste de l'habitation de l'île Sainte-Croix.
Par la suite, l'île Sainte-Croix est renommée île Dochet par les colons de la Nouvelle-Angleterre. En 1789, lorsqu'on détermine la frontière entre les États-Unis et le Canada, les commissaires arpenteurs découvrent que l'île Dochet est l'île Sainte-Croix. En 1812, au cours d'une guerre, l'île sert de lieu neutre pour la rencontre des Américains et des Britanniques.
Selon la légende, l'île Sainte-Croix serait le premier endroit où ont été célébrées les fêtes de Noël en Amérique du Nord. Afin de se remémorer les premiers temps de la colonie et quelques temps après l'attaque de Pearl Harbour (1941), le président Roosevelt a fait couper un arbre de 18 pieds provenant de l'île Sainte-Croix. Cet arbre a égayé les fêtes de Noël des invités de marque (Winston Churchill était parmi eux) de la Maison Blanche.
D'une superficie de 6,5 acres, l'île Sainte-Croix est située près de Calais dans l'état du Maine, à quelques mètres de la frontière des États-Unis et du Canada. D'ailleurs, la frontière est aujourd'hui située dans le lit de la rivière Sainte-Croix.
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