Chapitre V

L'HARMONIE DU SÉMINAIRE

De l'Harmonie à la fanfare scolaire

Si l'on n'a pas réservé dans les pages de la 2ème partie de notre ouvrage un chapitre spécial sur les activités de l'Harmonie du Séminaire depuis le début du siècle, c'est qu'il en fut question presque à chaque page de l'histoire musicale du Séminaire... Cet ensemble imposant fut en effet de toutes les fêtes. L'orchestre a connu, on le sait, des périodes difficiles, l'Harmonie n'en continuait pas moins sa marche régulière, son rôle d'accompagnement, celui en particulier d'introduire les soirées théâtrales, de seconder tout mouvement des troupes de la milice..., on a accordé des prix de fin d'année à ses membres les plus méritants, enfin la description des fêtes de la Sainte-Cécile a bien fait voir que l'Harmonie faisait partie de la famille.

Même le groupe entier des élèves en route pour la fête sportive annuelle à l'Aréna s'accompagnait de la joyeuse Harmonie du Séminaire. Le premier festival sportif à l'Aréna de Joliette remonte au 24 février 1940. Quelle ambiance ! Fanfare en tête, costumes de toutes couleurs, et là-bas devant un auditoire de 1,200 personnes, des courses, des figures fantaisistes de patinage par un collégien américain célèbre "Bolder" Landry, des chants par les élèves et surtout une chaude lutte au hockey (6-6) contre le club de Polytechnique de Montréal, où "nos porte-couleurs", les Maurice Bélanger (cerbère), les Gendron, Lafond, les deux Bellemare écrivirent peut-être la plus belle page de l'histoire du collège...

En 1944 le Père Lucien le Père Bellemare participa à démonstration avec ses musiciens pendant que 60 élèves revêtus de pantalon bleu avec galons blancs et de la casquette de même ton exécutaient sur glace des mouvements d'ensemble. Cela se déroulait entre deux périodes d'une joute entre le Séminaire et les Hautes Études commerciales... Il y aurait beaucoup à dire sur ces sorties exceptionnelles de tous les élèves, quand les rues de la ville voyaient se pavaner tantôt "M. le Juge et ses conseillers", "M. et Mme Chose" sous les déguisements les plus farfelus, et sur l'entrain qui régnait ferme dans la salle de l'aréna alors que les cuivres refoulés dans le noir du balcon devinaient, plus qu'ils ne lisaient, leurs notes de musique...

À plusieurs reprises à partir de ces années-là l'Harmonie du Séminaire invitera l'Union Musicale pour un concert donné à la salle académique. C'est en février 1964 qu'un premier concert "populaire" est annoncé. Les nouveaux règlements concernant le transport en commun accommodent l'ensemble des élèves mais privent le Séminaire d'anciens pensionnaires qui s'adonnaient jusque là à des activités parascolaires. On sent qu'une relève s'impose. On met sur pied une fanfare "junior" sous la direction du Père Raymond Landry, pendant que le Père Brunelle tente de reédifier un orchestre à cordes.

En avril (1964) un concert est donné à l'école Saint-Viateur où le Père Rolland Brunelle peut présenter les premiers membres d'une "fanfare scolaire" à Joliette, formé de jeunes qui sont au nombre de 20 élèves et pratiquent au séminaire. En septembre le Journal local produit la photo de cette nouvelle "Harmonie juvénile" et Joliette qui sera désormais formée d'externes du Séminaire, d'étudiants des autres écoles et même de jeunes travailleurs de moins de 20 ans. "Elle fera partie de l'Association prov. des Fanfares scolaires. On aura le collaboration d'un instructeur pour la milice et de musiciens de l'U.M. pour les différents groupes d'instrumentistes.Actuellememt 23 jeunes savent déjà jouer la musique.Il y a des pour 70 musiciens... Les exercices d'ensemble pour la fanfare déjà existante auront lieu les mercredis soirs, les nouvelles recrues pourront venir apprendre la musique de 4 h à 9 h tous les jours"...!

Une semaine après, le Père Brunelle prend lui-même la parole (C'est le temps de battre le fer...). Dans le Journal une photo du nouveau groupe en pleine répétition cette fois le directeur y joue trombone !), avec tout autant un article rempli d'espoir pour les jeunes qu'une alerte générale pour les parents...: "La musique de groupe figure parmi les parascolaires les plus populaires de notre temps. L'initiation à la musique fait désormais partie du cours académique. Les chorales, les orchestres, les fanfares, les corps de clairons se multiplient. Les associations et les compétitions gagnent les jeunes. Ne s'agit-il pas de loisirs agréables et bienfaisants ? Les salles de musique du Séminaire et le futur local de l'U.M. pourront réunir chaque jour des groupes de jeunes musiciens comme celui que nous voyons ici. Les soirs de grande générale, le groupe deviendra plus nombreux. On peut espérer une fanfare scolaire nombreuse et brillante. La plupart des autres villes sont bien organisées dans ce sens. Souhaitons à nos jeunes le goût pour les études musicales et les vertus propres à un groupement enthousiaste et bien discipliné. Du côté de l'organisation, la collaboration et les patronages ne manqueront pas, j'en suis certain". Cette sorte d'affirmation sereine se lit plutôt comme une ardente invitation.

Un mois après, notre entêté directeur tient des propos qui laissent deviner qu'il n'a pas encore savouré sa victoire. "La valeur éducative des études musicales est de plus en plus reconnue par les Universités et les Commissions scolaires. Le Séminaire dispose de locaux spacieux et appropriés, de professeurs spécialisés, d'instruments de musique d'une valeur de $ 16,000 et d'un des plus beaux uniformes de fanfare scolaire(...). Il fallait assurer la survie de l'Harmonie du Séminaire, créer un centre de recrutement pour notre fanfare municipale et constituer un groupe capable de figurer en tous temps et en toutes occasions. Plus de 60 jeunes ont répondu à l'appel que je lançais en août dernier. Un premier exercice de parade sous la direction du sergent Harold Desmarais permettra de participer à la Cérémonie du Souvenir, à la finale de la Saison de Football intercollégiale... On a besoin de l'appui technique et financier de personnes et d'organismes, on a besoin des aînés. Le concert que l'U.M. vient de donner à la salle académique auquel les 60 ont assisté a été un stimulant extraordinaire... Un comité spécial est à se former pour la cause musicale dans notre cité". On ne pouvait mieux fouetter la fierté de la population.

Le plaidoyer a donné des fruits : Moins de deux mois après (décembre 1964) on peut lire que les commissaires de la Commission scolaire régionale de Lanaudière ont voté $ 2000 pour l'organisation d'une fanfare scolaire qui sera dirigée par le Père Brunelle et composée d'élèves du Séminaire et de l'école Barthélémy-Joliette. Elle servira de relève à l'Union Musicale et se donnera des comités. Le Président de la Commission scolaire régionale de Lanaudière, Ch.-Ed. Hétu justifie la décision : "Il y a au Séminaire un foyer actif pour l'étude de la musique qu'il importe de ne pas voir s'éteindre. La musique est un élément de culture dont nos élèves doivent bénéficier le plus possible". La chronique du Séminaire du 23 décembre révèle que le 1er semestre fut assez ardu et le choix de candidats pour la "fanfare juvénile" long et difficile. Enfin le directeur croit pouvoir présenter son groupe en mai au concours des fanfares scolaires.

Une image vaut mille mots : le journal local de janvier (1965) fait voir une photo de la "fanfare des Étudiants" dont René Lépicier a été nommé président. On a même nommé un Conseil exécutif à l'occasion de la 1ère répétition générale. "Depuis septembre des cours ont été donnés par sections : clarinettes et saxophones, trompettes et cors, trombones, barytons et basse, tambourines, groupes avancés... Des responsables dirigent chacune de ces sections dont Rich.-André Laporte, Michel et Normand Ducharme (tous deux l'Étoile Saint-Viateur). On aura trois gouverneurs étudiants qui seront de l'Un. Musicale et de la Fanfare des étudiants : André Lord, Henry Hogue, Claude Desserres"... Preuve que "sur le terrain" on ne chômera pas.

Une "chronique musicale" commencera bientôt à paraître dans le journal local, rédigée le plus souvent par René Gaboury membre bénévole de l'Un. Musicale et directeur de la fanfare scolaire du collège L'Assomption : réflexions sur le "rapport Parent", extrait de Mémoires adressés aux plus hautes instances de l'éducation... On y avance que "l'étude de la musique instrumentale maintient la santé...occupe les loisirs... forme le caractère... répond au besoin d'appartenance du jeune... suscite chez lui la hantise du beau et du bien fait".

Dès lors ce sera un bourdonnement d'activités, au même rythme que l'évolution générale du Séminaire et les débuts du Cégep... En janvier 1967 le groupe ira voir le film The Sound of Music, puis les musiciens donneront une répétition générale devant les parents, un concert conjoint se tiendra avec l'U.M. sur l'Esplanade en avril, enfin on participera au Concours provinciale des Fanfares scolaires à Thetford...où vont figurer en solos André Laporte, Denis Massicotte , Martin Rouleau. Dès le mois d'août, on annonce que pour une meilleure initiation à la musique instrumentale les élèves devront commencer par la flûte douce (méthode Duchesnes) avant de faire partie de l'Harmonie scolaire, de l'U.M. ou de la Fanfare des Cadets de la Marine. On débutera par groupes ne dépassants pas 30 aspirants. Deux de ce groupes viendront des "Éléments" qui auront choisi "option-parascolaire-musique". Après deux mois d'études les plus brillants pourront apprendre un instrument...

Mais le maintien de ces "parascolaires" s'avère difficile. Le responsable Brunelle voudrait une intégration aux cours réguliers. Il écrit en mars 1969 : "La musique devrait être intégrée au programme scolaire et devenir une option académique. Il faudrait en conséquence former des maître dans ce domaine comme dans les autres disciplines. C'est le cas des écoles européennes, de plusieurs écoles anglaises au Canada..."

En juin 1970 on tient à souligner le 99ème anniversaire de l'Harmonie du Séminaire et l'on aura un concert de célébration. Mais le programme va présenter un aspect bigarrée : violon (par ex. Luc Gauthier 10 ans, Gaétane Mainville 5 ans...), de la guitare joué par les élèves de Roland Langlois, de la musique de groupe soit par l'Harmonie, soit par la classe des violons et des flûtes...Enfin détail qui fait voir en quelques mots combien les temps ont changé - "Après le concert les membres de l'orchestre des violons et de l'Harmonie et leurs parents sont invités au Café étudiant où l'on distribuera des prix"...

Il ne faudra pas plus d'un an pour que l'attention se concentre sur l'orchestre qui comprend déjà - on le voit - de tout jeunes violonistes, une formation originale qui va polariser de plus en plus les énergies du Père Brunelle et nous indiquer nettement où sont ses priorités...

Nous retrouverons cet orchestre plus loin dans notre ouvrage et en retracerons les antécédents. Pour l'instant restons au niveau de la fanfare et voyons ce qu'il est advenu de l'Harmonie de la ville "L'Union musicale"...

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