Histoire
d'animaux
Quand les oies vont en voyage Texte de Cécile Gagnon. Deux fois par année, les grandes oies blanches traversent bruyamment le ciel du Québec en formant de grands V. Elles sont en migration. En cours de route, elles s'abattent souvent dans un champ pour se reposer. Mais leur halte préférée est la grève au pied du Cap Tourmente près de Québec où, en mars et en novembre, elles séjournent par centaines de milliers. Mais les jeunes oies arrivent-elles toujours toutes à destination ? En mars, toutes les familles d'oies sauvages se préparent pour la grande migration. Les grandes et les petites oies attendent avec impatience le jour où Kapi, l'oie de tête, donnera le signal du départ. Elles s'impatientent : - Sais-tu quand on part ? Tika, petite oie de six mois à peine, écoute les vieilles oies raconter leurs voyages. Elle n'en peut plus d'attendre. - Quand est-ce qu'on part ? demande-t-elle à tout instant. Ah ! Comme elle a hâte de survoler les montagnes, les cités, les forêts dont elle ne sait rien ! Enfin, le grand jour arrive. Kapi fait savoir à toutes qu'il est temps de prendre la route du nord. La colonie se ressemble puis s'élève dans le ciel. Au début, on dirait une cour d'école à l'heure de la récréation : les oies volent dans toutes les directions. Puis, chacune prend sa place et le long voyage commence. Tika est si contente qu'elle bat des ailes plus qu'il ne faut et lance de grands cris dans l'air froid du matin. Mais, au bout de quelques heures, elle commence à sentir la fatigue. - Est-ce qu'on arrête ? demande-t-elle. Tika se sent lourde, lourde ; ses ailes lui font mal. Pour éviter de penser à sa fatigue, elle regarde en bas. Elle voit des rochers, de la neige. Une tache rouge attire son attention. Qu'est-ce que c'est ? Une maison ? Le point rouge l'attire. Sans s'en rendre compte, Tika quitte ses compagnons et se laisse descendre. Elle se pose doucement sur le sol tout près d'une maison de montagnes coiffée d'un toit rouge. Soudain, une petite fille aux joues roses est là qui la regarde. La petite prend Tika dans ses bras et la porte dans la maison. Tika se laisse faire : elle est tellement fatiguée ! Toutes la journée, Tika se fait dorloter auprès du feu qui ronronne dans la cheminée. Les mains douces de la petite fille la caressent, sa voix lui chante des berceuses. Tika s'endort. Puis, à l'heure où le soleil se glisse derrière les montagnes, des cris lointains se détachent dans le silence. Ce sont encore des oies qui passent. Tika s'agite, ouvre ses ailes. On est bien dans une petite maison, mais... La petite fille a compris. Elle détache le ruban rouge qui retient ses cheveux et l'attache solidement au cou Tika, sans serrer. Puis , elle ouvre la fenêtre et murmure : « Adieu ! » Depuis ce jour, les années ont passé. Là-bas sur la colline, quand mars revient, une grande fille blonde se tient à la fenêtre de la petite maison au toit rouge. Elle surveille le retour des oies sauvages. Voilà qu'un matin, au-dessus des montagnes passe une immense volée d'oiseau blancs qui dessinent un grand V dans le ciel sombre. La grande fille sourit en entendant leurs cris rauques. Elle reconnaît Tika, la meneuse, car elle porte à son cou un vieux ruban rouge qui s'agite dans le vent. Un vieux ruban tout fripé et fané. |