Contes
étiologiques
L'Oiseau-Vent
Adapté d'une légende des
Indiens micmacs.
Une grande famille amérindienne
vivait au bord de la mer. Elle comptait plusieurs pêcheurs adroits
qui savaient capturer les poissons avec leurs lances. Un jour arriva où
il fut impossible de pêcher tant la mer était houleuse. Un
vent terrible soufflait jour et nuit empêchant les pêcheurs
de sortir dans leurs canots. Après plusieurs jours de tempête
on commença à avoir faim. Alors le père dit à
ses fils :
- Allez sur la grève, allez voir si les vagues
n'ont pas rejeté quelques poissons morts.
Tiaho, le plus jeune parmi les pêcheurs, partit
aussitôt et se mit à longer la rive. Mais plus il avançait
plus le vent soufflait, si bien qu'il avait peine à se tenir debout.
Il parvint à une pointe rocheuse qui s'avançait dans la mer
et là, d'un seul coup, il comprit d'où venait la tempête.
Au bout de la pointe, sur le dernier des gros rochers
qui émergeaient de la mer déchaînée se tenait
un grand oiseau. C'était l'oiseau-vent, le faiseur de tempêtes.
Il agitait bruyamment ses grandes ailes et donnait ainsi naissance au vent.
Avec courage et détermination, Tiaho décida
de déjouer ce maître des éléments. Il s'approcha
de la pointe en s'agrippant aux rochers fouettés par les vagues
et cria :
- Nikskamich, grand-père, n'as-tu pas froid
?
- Non, répondit l'oiseau-vent.
Le jeune homme reprit :
- Je vois bien que tu es transi, viens, je vais te
transporter sur mon dos jusqu'à la rive.
À sa grande surprise l'oiseau répondit
:
-J'accepte.
Alors Tiaho réussit à se rendre jusqu'au
dernier rocher. Il prit l'oiseau sur son dos et revient avec précaution
vers la grève en se tenant aux rochers glissants et en évitant
les vagues rugissantes. Mais à quelques pas de la rive il trébucha
volontairement : il glissa sur les cailloux avec l'oiseau qui se brisa
une aile. Tiaho prétendit être désolé. Il se
mit aussitôt à soigner l'aile brisée en la maintenant
immobile à l'aide d'un morceau de varech.
- Oiseau-vent, dit-il, tu dois rester tranquille
et éviter de remuer tes ailes jusqu'à ce que ton os brisé
soit guéri. Reste à l'abri dans les rochers, je viendrai
te porter à manger.
L'oiseau-vent se mit à l'abri derrière
des rochers tandis que Tiaho s'en retournait près des siens. En
marchant, Tiaho constata que la mer avait retrouvé son calme et
que les branches des arbres ne remuaient plus. Le vent avait disparu. Les
pêcheurs sautèrent dans leurs canots et la pêche fut
bonne. On fit ample provision de poissons car il est facile de pêcher
par temps calme.
Tous les jours, comme promis, Tiaho portait à
manger à l'oiseau-vent. Tous les membres de la famille étaient
rassasiés de poisson. Mais on dit qu'il est dangereux d'abuser des
bonnes choses. Alors il arriva qu'après plusieurs jours sans une
ride, la mer se couvrit d'une écume blanchâtre. Les pêcheurs
comprirent que les poissons se sentaient malades : ils vomissaient, ne
pouvant supporter une mer sans mouvement. Alors Tiaho courut vers les rochers.
Il examina l'aile de l'oiseau-vert et délia le pansement.
- Grand-père, ton aile est réparée,
s'écria-t-il, avec joie. Bouge-la doucement.
L'oiseau-vert déploya toutes grandes ses deux
puissantes ailes et aussitôt la mer endormie s'éveilla et
se rida de vagues légères. L'oiseau-vert agita ses ailes
un peu plus fort et une bonne brise se mit à parcourir la terre.
En quelques heures la brise chassa l'écume sur la mer et les pêcheurs
reprirent place dans leurs canots.
Grâce à Tiaho l'ordre revint dans la
nature.
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