Les grandes figures

Madeleine de Verchères

À partir d’une anecdote, la légende de Madeleine de Verchères est née.

L’aventure des débuts de la Nouvelle-France en terre d’Amérique est remplie de péripéties de ce genre. Mais sont-elles vraies ? Sont-elles fausses ? Historiens et chroniqueurs contestent certains détails des faits qui vont suivre. Il est utile de rappeler qu’en l’absence de registres de l’époque, les seuls documents qui nous restent sont les récits de voyages des explorateurs et des missionnaires. Et ils ont tendance à être parfois un peu fantaisistes.

Mais aujourd’hui, l’histoire de cette jeune fille est connue de tous. Dans son village de Verchères, au bord du Saint-Laurent, elle a même son monument. Et c’est une si belle histoire !

Madeleine Jarret de Verchères naquit sur la seigneurie de son père en 1678. Le seigneur de Verchères, enseigne au régiment de Carignan, prenait part aux manoeuvres militaires mais gérait aussi son domaine, ses bêtes et ses cultures comme la plupart des Français installés en Nouvelle-France à cette époque.

Aussi, il fit élever un fort autour de son manoir et de ses bâtiments. Un fort destiné à protéger ses biens, sa famille et ses censitaires* des attaques des Iroquois qui étaient très fréquentes. Dans cette palissade, il n’y avait qu’une seule porte qui donnait sur le fleuve. Ah ! la vie n’était pas toute simple dans la colonie.

Non loin de Verchères coulait le fleuve Richelieu. C’est ce fleuve qu’empruntaient souvent les Iroquois, voyageant sur leurs canots d’écorce, pour pénétrer au cœur de la colonie. Les Iroquois étaient des champions des attaques sournoises et sanglantes. Ils s’acharnaient sur cette famille pourtant paisible : déjà les deux frères aînés de Madeleine s’étaient fait tuer lors d’une précédente attaque. Plusieurs fois, en l’absence de son mari, la mère de Madeleine, Marie, avait repoussé les attaques iroquoises avec l’aide de quelques hommes. Il fallait être prêt à tout et défendre sa vie chèrement. Hommes et femmes, jeunes ou vieux, n’étaient jamais sûrs de rien.

Voici qu’un matin d’octobre, Madeleine âgée de quatorze ans est à quelques pas du fort. Sa mère est partie à Montréal ; son père a été appelé à Québec. Il n’y a à l’intérieur des palissades, que des femmes et des enfants et un seul soldat qui veille. Une vingtaine d’habitants sont occupés aux travaux des champs des alentours.

Dans les buissons, des Iroquois sont cachés. Ils observent sans bruit les gens qui vaquent tranquillement à leurs occupations. Soudain, un cri retentit. Un Iroquois se précipite sur Madeleine et l’attrape par le fichu.

Vive comme l’éclair et avec une étonnante présence d’esprit, Madeleine dénoue son fichu et court vers le fort en criant :

- Aux armes !

Elle referme la porte derrière elle et, négligeant les cris des femmes dont les maris sont restés en dehors de la palissade, grimpe sur le bastion où se tient la sentinelle. Sans se démonter un instant elle prend les choses en main : elle coiffe un chapeau d’homme et se déplace rapidement pour donner l’illusion d’un va-et-vient de plusieurs personnes.

Elle mobilise ses petits frères qui font comme elle et elle fait tirer un coup de canon qui épouvante les assaillants. C’est aussi une façon d’alerter les autres forts et habitations qui ponctuaient les rives du Saint-Laurent jusqu'à Montréal, espérant qu’on comprendrait son appel à l’aide.

Avec leurs quelques prisonniers, les Iroquois se retirent. Le secours finit par arriver des forts voisins. Les habitants du fort de Verchères sont saufs, pour le moment, grâce à la ruse de la jeune Madeleine. L’histoire de son fichu fait le tour de la colonie et du pays. On n’est pas près de l’oublier et toutes les jeunes filles qui nouent un fichu sur leurs épaules y pensent encore aujourd’hui.

Et dans les cours d’école, l’hiver, les enfants construisent, pendant les récréations, le fort de Madeleine de Verchères !