Alexis le trotteur
Alexis le Trotteur D'après
des ouvrages de Jean-Claude Larouche.
Alexis Lapointe fut une figure marquante
de la région de Charlevoix et du lac Saint-Jean, au tournant du
siècle. Au cours de sa vie on lui a donné toutes sortes de
sobriquets : Alexis le Nigaud, le Cheval du Nord, le Surcheval, mais c'est
sous le nom d'Alexis le Trotteur qu'il est le plus connu. Ses prouesses
à la course ont fait le tour du pays. Alexis pouvait voyager aussi
vite à pied que ses contemporains à cheval, en voiture ou
même en chemin de fer. Il gagnait même des courses contre les
trains. Alexis le Trotteur était-il un précurseur naturel
des grands athlètes olympiques ? Peut-être... mais il n'était
pas qu'une légende au royaume du Saguenay. Plusieurs se souviennent
encore de ses exploits. Il mourut en 1924, frappé par une locomotive
qu'il tentait de devancer. Son squelette est exposé au musée
du Saguenay à Chicoutimi de même que des objets lui ayant
appartenu.
Alexis Lapointe, né
dans une ferme à La Malbaie en 1860, était un petit garçon
turbulent. Sa famille comptait quatorze enfants.
À cette époque, les travaux de la ferme
nécessitaient beaucoup de bras et l'on n'envoyait pas les enfants
à l'école bien longtemps. Alexis faisait mille travaux et
dès son jeune âge, il développa un goût pour
les chevaux et les courses. Il se fabriquait des petits chevaux avec des
bouts de bois et s'inventait des courses contre le vent.
Il aimait à se mesurer à d'autres gamins.
Avant de courir, il se fouettait les jambes avec une branche en criant
:
- Hue ! Hue !
Et il partait comme une flèche, sautant par-dessus
les obstacles. Il arrivait toujours avant les autres.
Il grandit et devint un fameux joueur de tours. Il
jouait de l'harmonica avec adresse et il aimait par-dessus tout les veillées
de campagne et les fêtes. Il quitta la maison familiale très
jeune et fit quarante-six métiers pour gagner sa vie, dont celui
de constructeur de fours à pain.
Toutes les maisons du Québec de ce temps avaient
un four à pain bien rond et chaulé construit à l'extérieur.
Alexis excellait dans ce travail. Il parcourait les rangs et allait d'une
ferme à l'autre pour construire ses fours. Des branches recourbées
servaient d'armature et une épaisse couche de glaise séchée
lui donnait sa forme. Il fallait voir Alexis piétiner la glaise
dans l'auge avant d'enduire son four. Il se fouettait les jambes et ses
muscles entraient en action. Une vraie machine à pilonner ! L'automne,
il partait dans les chantiers et revenait au printemps. Et là, il
parcourait les veillées pour danser. Il semblait infatigable, étant
capable de danser des gigues simples pendant cinq heures d'affilée
sans se fatiguer.
Alexis parsemait sa vie de prouesses sans en tirer
trop de gloire. Il se faisait même prier parfois pour participer
à une course. Et il n'acceptait pas toujours les défis qu'on
lui lançait. Mais quand il courait, il gagnait. On venait de loin
pour le voir
Il rendait aussi bien des services pour un peu d'argent.
Par exemple, il allait chercher le courrier dans un dépôt
en courant sur une distance de trente kilomètres. Il faisait ce
trajet en moins d'une heure.
L'anecdote la plus connue veut qu'un jour, il se
trouvait au quai de La Malbaie avec son père qui attendait le départ
du bateau pour Bagotville et Chicoutimi : le bateau quittait le quai à
onze heures pour arriver à Bagotville à vingt-trois heures.
Alexis voulait embarquer avec son père mais celui-ci refusa de l'emmener.
Alors Alexis lui
dit :
- Quand vous arriverez à Bagotville,je prendrai
les amarres.
Et il fila.
Pour faire le trajet par le chemin de terre il fallait
compter cent quarante-six kilomètres. Alexis retourna à la
maison, saisit un petit fouet, se fouetta les jambes et partit.
Lorsque le bateau arriva à Bagotville, Alexis était sur le
quai qui l'attendait. Il avait couru la distance en moins de douze heures.
On se demande encore d'où lui venait cette formidable facilité
de courir. Il faut dire qu'il s'entraînait sans cesse, en sautant,
dansant et pirouettant. En fait, Alexis Lapointe, le simple, se prenait
vraiment pour un cheval. À qui voulait lui lancer un défi
à la course, il répondait : « Tu peux pas courir plus
vite que Poppé !»
Poppé, le cheval du nord, c 'était
lui.
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