Contes merveilleux



Le cadeau de la sirène



Texte de Jacques Pasquet, extrait de L'esprit de lune, 128 pages ,à éditions Québec/Amérique Jeunesse, collection clip, Boucherville, 1992.

Au Nunavik, la terre où l'on installe, vit le peuple inuit. Depuis toujours, les inuits se racontent des histoires pour expliquer le monde dans lequel ils vivent. Ils racontent non seulement avec des mots mais aussi en sculptant dans la pierre. Ce récit a été raconté par Taivitialuk Alaasuaq, un habitant de Povungnituk.

Un homme marchait sur la plage pour y ramasser du bois. Apercevant un objet d'allure massive, il pensa avoir trouvé un tronc d'arbre échoué. Peut-être même une épave de bateau !

Certain de faire une bonne trouvaille, il pressa le pas. Mais plus il s'en approchait, plus il était troublé. À deux reprises, il lui sembla que la chose avait bougé. Il poursuivit quand même tout en restant sur ses gardes.

Quand il découvrit la forme allongée sur la sable, l'homme se figea de stupeur. Il se trouvait en présence d'un être mi-humain mi-poisson. Partagé entre la curiosité et la peur, il songea à aller avertir les gens du village.

Il s'apprêtait à faire demi-tour lorsque l'étrange créature s'adressa à lui. Incapable, disait-elle, de retourner dans l'eau, elle avait besoin de son aide. Sinon elle allait mourir là. L'homme hésita. Et si c'était un piège pour s'emparer de lui facilement ? Finalement, il oublia sa crainte et décida de venir en aide à la créature. Elle ne semblait pas méchante.

Il eut à peine le temps d'avancer vers elle de quelques pas qu'elle le mit en garde:

- Surtout ne me touche pas !

- Mais comment pourrais-je te remettre à l'eau sans te toucher ?

La créature lui expliqua alors qu'elle était une sirène :

- Tout humain qui touche une sirène se voit condamné à la suivre jusqu'au fond des mers !

Peu rassuré par de tels propos, l'homme se mit tout de même en quête d'un solide morceau de bois. Remettre la sirène à l'eau ne fut pas une mince tâche. Plusieurs fois les pièces de bois se brisèrent sous son poids.

Ce n'est qu'à force de patience et d'habileté que l'homme y parvint. Une fois dans l'eau, la sirène s'adressa de nouveau à lui:

- Pour te remercier de ton geste, je vais te faire un cadeau. Demande-moi ce que tu aimerais avoir et je te le donnerai. J'en ai le pouvoir.

L'homme trouva la proposition étonnante. À vrai dire, il n'y croyait guère. Il avoua cependant à la sirène qu'un fusil, une machine à coudre et un tourne-disque pareils à ceux du magasin de l'homme blanc feraient bien son bonheur. Depuis le temps qu'il en rêvait !

- Reviens demain, ici même, au lever du jour, lui lança-t-elle avant de disparaître vers le large.

Le lendemain, à l'heure dite, l'homme retourna à l'endroit où il avait découvert la sirène. Elle n'était plus là, mais sur la plage se trouvaient un fusil, une machine à coudre et un tourne-disque.

Son précieux trésor dans les bras, l'homme rentra fièrement au village raconter aux siens son étonnante aventure.

Ce jour-là, les gens comprirent pourquoi l'homme blanc possédait tant de chose dans son magasin. Il avait sûrement rencontré beaucoup de sirènes !

Quant à moi le conteur, je vous le dis, c'est ainsi que ça s'est passé à cette époque où les sirènes possédaient beaucoup. Et si on ne les voit plus de nos jours, c'est qu'elles ont tout donné et n'ont plus rien!