Le Roi dupé par Ti-Jean



Une fois, c'était un roi qui vivait avec sa reine dans un riche château. Dans le village où le roi exerçait ses fonctions, vivait un petit paresseux, un jeune homme appelé Ti-Jean, qui passait et repassait devant le palais royal, sous les yeux du roi, sans montrer le moindre intérêt pour le travail.

Un bon jour le roi fait signe au jeune homme d'arrêter et commence à lui parler :
« Dis-moi donc, mon garçon, ce que tu fais ? Tu ne travailles pas du tout ?

- Je ne travaille pas ; je n'ai pas d'emploi ! Et que voulez-vous que je fasse ?

- Eh bien ! dit le roi, je possède un lot à bois ; si tu veux, je vais te le vendre et à très bon marché.

- Mais je n'ai pas d'argent, moi ; je ne puis pas acheter ce lot.

- Écoute ! tu pourras couper du bois de chauffage sur cette réserve-là, et le vendre à ton profit. Je ne demande que cent dollars pour cette propriété. »

Mais cent dollars, à cette époque, c'était une grosse somme !

« Et de plus, continue le roi, tu me paieras seulement au fur et à mesure que tu auras vendu ton bois.

- C'est très bien ; j'accepte votre proposition. Mais, mille gueux ! Je n'ai pas de hache...

- Je vais t'en donner une... ! »

Le jeune homme, à partir de ce moment, partait chaque matin à destination de sa propriété de boisé, et revenait régulièrement le soir, en sifflant... Le roi le voyait passer avec une certaine fierté. Il disait de temps en temps à la reine : « Il va bien, mon jeune homme ! Il va, chaque jour, travailler sur son lot à bois. »

Un soir, un peu avant de sortir de la forêt, Ti-Jean aperçoit un nid de guêpes suspendu à une branche. Du premier coup d'œil il sait à quoi s'en tenir. Il revient chez lui, en rapporte des sacs de toile dont il enveloppe le nid, puis il coupe la branche près du tronc de l'arbre. Ti-Jean charge sur son dos le support de bois portant le nid enveloppé et reprend le chemin de sa demeure. Le roi était sur sa galerie avec la reine et voit venir le nouveau bûcheron : « Regarde-moi le donc, dit-il à la reine ; qu'est-ce qu'il peut bien transporter sur son dos, ce soir ?

- Il me semble que ce sont des sacs vides...

- Ah, non ! Il y a quelque chose dans les sacs. »

Pour obtenir des renseignements plus précis, le roi crie à Ti-Jean : « Un instant, Ti-Jean ! Qu'est-ce que tu emportes sur ton dos, ce soir ? Qu'est-ce que c'est, ce fardeau-là ?

- Monsieur le roi, c'est une vraie richesse... oui, une vraie fortune que je porte sur mon épaule !

- Mais en quoi consiste cette richesse ? Explique-toi !

- Monsieur le roi, je possède un Chie-l'or.

- Un Chie-l'or ?

- Exactement ! Mais il est méchant... il est méchant. Il faut l'aborder très doucement.

- Mais vas-tu enfin m'expliquer ce que c'est que cette machine ?

- Attendez ; j'enlève les sacs de toile... et on se sert de deux petites baguettes pour le frapper doucement. Il ne faut pas y aller brusquement ; il pourrait se fâcher ! On frappe délicatement sur ce paquet, et l'on dit ; Chie-l'or ! Aussitôt que l'on a donné cet ordre, l'or commence à tomber par terre.

- Ah ! Ti-Jean, tu ne me le vendrais pas ?

- Je ne vous le vendrai certainement pas !

- Vends-le-moi, je t'en prie, Ti-Jean ! Toi, qu'est-ce que tu vas en faire ? On va te le voler. Moi, je vais l'installer avec précaution dans mon château et il sera à l'abri de tout voleur.

- Vous avez besoin de m'offrir un gros prix !

- Eh bien ! je te donnerai ton lot ; le lot de bois que tu exploites, je vais te le donner et mille dollars en plus. »

Ah, diable ! Mille dollars, c'est quelque chose ! « Marché conclu, dit Ti-Jean ! Je vous vends mon Chie-l'or, mais il faut que j'aille moi-même l'installer. Je vous avertis, il a mauvais caractère ! »

Le roi conduit Ti-Jean dans son salon sous une sorte de lustre, et le jeune homme parvient à y fixer la branche mystérieuse. Avant que l'on fasse de la lumière, Ti-Jean enlève délicatement les sacs, et remet au roi deux petites baguettes avec des instructions précises : « Vous n'aurez qu'à vous approcher lentement et à frapper délicatement le Chie-l'or. Les résultats ne se feront pas attendre. »

Le roi était tout heureux de son acquisition ; Ti-Jean file chez lui. Le roi court aussitôt vers la reine et lui dit : « Tu vas venir avec moi ; nous allons faire l'essai de notre nouveau Chie-l'or. » Puis il va vers ses valets et leur donne ses instructions : « Je m'en vais dans le salon avec ma femme. Je ne veux être dérangé par aucun visiteur, si illustre soit-il ! Que personne n'entre dans le salon ! Même si vous entendez des cris, des chants, ou toute autre manifestation bruyante, ne laissez entrer personne !

- Nous sommes vos serviteurs, Sire ! »