Groupe du Foyer Père Fiset

Interview par: Lucille Cormier

Quels souvenirs vous viennent à l’idée quand on parle de la Mi-Carême?

- Nous autres on allait à l’école et après on la courait; une fois on était six à courir la Mi-Carême et on avait été chez Paul Abraham. On aimait aller à cette maison parce que c’était une maison de Mi-Carêmes et on pensait que la femme qui habitait là aurait du thé pour nous. Lorsqu’on arrive près de la maison, elle vient nous rencontrer avec une cruche de tisane.

-<<Oui, un peu de tisane vous aura peut-être fait du bien.>> lui répond une autre femme qui était avec nous.

-Les gens ne prenaient pas de médicine à ce temps-là comme on en prend aujourd’hui.

Quand couriez-vous la Mi-Carême? Est-ce qu’elle durait toute la semaine?

-On allait seulement la courir une fois par année; le jeudi de la troisième semaine du carême. S’il faisait une tempête cette journée-là , on attendait de la courir le vendredi ou bien on ne la courait pas de tout pour cette année-là!

Comment vous prépariez-vous pour la journée de la Mi-Carême? Quel costume portiez-vous?

- On n'achetait pas de masque, plutôt on les faisait en papier, avec une boîte de carton, du coton, un sac à pain ou à farine, et même un bas de laine. On coupait les trous pour les yeux et parfois on dessinait des joues rouges sur le masque.

-Pour les costumes, on portait nos vêtements de tous les jours ou bien on allait voir dans les malles que ma mère avait pour garder nos vieux vêtements. On aurait peut-être aussi eu des quarts (barriques) que notre parenté envoyait de l’Amérique ou de n’importe où ailleurs. Parfois on y trouvait du linge que personne n'avait vu, ce qui était bon puisqu’ils avaient plus de difficulté à nous reconnaître.

- Moi j’ai seulement entendu parler de la Mi-Carême quand je suis déménagé à Chéticamp. À New Waterford, où j’étais, on appelait cela l’Hallowe'en.

- C’est pas vraiment la même chose.

Comment pouviez-vous deviner une Mi-Careme?

- Parfois on les reconnaissait par leurs mains et peut-être leurs pieds. Ah oui, on doit être très intélligent pour reconnaitre une Mi-Carême.

-Une fois je ne voulais pas aller la courir et mon père me demande pourquoi et je lui ai répondu,<<Ils vont tous me reconnaître avec mes vêtements !>> Alors, il me suggère de prendre ses vêtements; son imperméable et son "southwesteur". C’était beaucoup plus amusant pour moi, car la majorité des personnes avaient eu de la difficulté à me deviner.

Faisiez-vous souvent cela, échanger vos vêtements?

-Non, pas que je me souviens, mais moi je ne l’ai pas couru beaucoup parce que je suis parti de St Joseph-du-Moine lorsque j’étais encore très jeune. Si je l’ai couru trois fois, c’est tout; quand même, je me rappelle que c’était beaucoup de fun.

Une autre chose, couriez-vous la Mi-Carême dans votre canton seulement?

-On n'allait presque jamais dans un autre canton, car ça nous aurait pris trop longtemps puisqu’on devait marcher de maison à maison. On ne se promenait pas en automobiles comme on le fait aujourd’hui.

Est-ce qu’il y avait des <<maisons de Mi-Carêmes>> et d’autres maisons qui ne la laissaient pas entrer ?

-Non, presque toutes les maisons laissaient entrer les Mi-Carêmes.

-Les maisons étaient plus vieilles et on n'avait rien sur les planchers, alors les personnes n’avaient pas à craindre qu’on allait salir leurs planchers. On appelle ce temps-là <<les good ole days>>.

-Cependant, il y aurait peut-être eu des maisons qui étaient plus populaires que d’autres, comme chez Joe et Bella Delaney (Joe’s Scarecrows).

-Moi je m’en souviens que chez Dédier, c’était du fun. Il avait un haut parleur dehors qui nous permettait d’entendre la belle musique de la Mi-Carême. On aimait aller là aussi pour la raison que son épouse avait toujours un gros pot de fricot sur le poêle. S’ils ne pouvaient pas nous reconnaître, on était promis une assiettée de fricot. Mais elle était très généreuse, alors même si on se faisait connaître, on pouvait encore en manger. Celle-là était sans doute une maison à Mi-Carême.

Quel âge aviez-vous lorsque vous avez couru la Mi-Carême pour la première fois ?

-J’allais encore à l’école, peut-être seize ans; plus jeune, on n'était pas permis de sortir, certainement pas tard le soir.

-Moi, je ne savais pas qu’est-ce qu’était une Mi-Carême avant que je déménage à Chéticamp de *Cap Rouge. J’avais seulement sept ans et c’était beaucoup d’années plus tard que je l’ai couru.

-Peut-être qu’ils ne la couraient pas parce qu’il n’y avait pas assez de maisons proche à proche.

*Cap Rouge - Village acadien qui n’existe pas aujourd’hui parce que toutes les personnes qui demeuraient là ont été forcées de déménager à Chéticamp lorsque le Parc National fut établi.

 

Comment vous prépariez-vous pour la soirée de la Mi-Carême ? Est-ce que c’était comme maintenant, les femmes font du manger pour une semaine de temps pour en offrir aux Mi-Carêmes?

- Ah non, il n’y avait rien d’extra. Peut-être qu’on aurait donner un bonbon aux enfants, c’est tout. La Mi-Carême ne nous excitait pas comme aujourd’hui. Maintenant, c’est plutôt des <<parties>> toute la semaine!

Est-ce qu’on voyait autant de Mi-Carêmes qu'aujourd’hui ?

-Non, parce qu’on passait seulement les maisons dans notre canton. C’était plus facile à deviner parce que tu savais que c’était quelqu’un de ton canton.

-Il n’y avait pas autant de Mi-Carêmes que maintenant mais on doit réaliser que la plupart des Mi-Carêmes d’aujourd’hui, c’est toujours les mêmes personnes qui vont la courir plusieurs fois durant une même journée. Alors, réellement, il n’y en a pas plus que dans notre jeune temps.

Savez-vous d’où vient la Mi-Carême ?

-Non, la Mi-Carême, c’est la Mi-Carême! On ne parlait jamais de son origine et on n'y pensait même pas. Pour nous, c’est une tradition qui a toujours été vivante dans cette région.

Est-ce que vous aimez mieux la Mi-Carême d’aujourd’hui ou celle de vos jours?

-Ah, celle de nos jours, c’est sûr! Aujourd’hui, c’est pas le fun, tu peux les deviner avant qu’ils entrent en regardant à la fenêtre pour voir quelles automobiles ils conduisent. Au même tant, si tu ne veux pas tricher, c’est beaucoup trop difficile de les reconnaître par leurs vêtements, car ils louent leur costume.

-J’aimais mieux le fait que les Mi-Carêmes n’arrivaient pas à la maison une dizaine à la fois. Maintenant, ils arrivent trop à la fois et on n’a pas la chance de toutes les deviner. Ils ont trop chaud sous leur masque pour attendre qu’on essaie de les deviner, alors, ils se démasquent avant de pouvoir se faire reconnaître.

Qu’est-ce que vous pensez de courir la Mi-Carême toute la semaine ?

-Ah, ça n’a pas d’allure de tout ! C’est trop de folie.

-La Mi-Carême a commencé avec une journée seulement, et après, deux, et plus tard, c’était trois jours. Cependant, depuis l’année du Bicentenaire en 1985 un comité fut mis sur pied pour organiser differentes activités pour toute l’année et c’est là qu’on vient avec l’idée d’une soirée appelée <<Laissons entrer les Mi-Carêmes>> La soirée fut planifiée pour le dimanche de la semaine de la Mi-Carême pour promouvoir la Mi-Carême parce qu'ils trouvaient que les jeunes n'étaient pas intéressés de continuer cette tradition. Le Centre Acadien fut rempli et ils ont eu <<Laissons entrer la Mi-Carême>> depuis cette année-là. Et la Mi-Carême reprit vie, assez que maintenant on commence à la courir le dimanche au Centre Acadien jusqu’au vendredi de la même semaine.

-Aujourd'hui, il y a souvent des danses à différents endroits les soirées de la Mi-Carême et beaucoup de gens n'aiment pas cela, car les Mi-Carêmes finissent par passer les maisons trop tard et à cause de cela, beaucoup de maisons ont decidé de ne pas les laisser entrer. Ils doivent attendre si longtemps pour voir les Mi-Carêmes qu'ils se découragent et vont se coucher.

Lorsque vous couriez la Mi-Carême, est-ce que vous la couriez jusqu'à deux ou trois heures du matin ?

-Non, non, peut-être jusqu'à 10h00 - 10h30, pas plus tard que cela.

-Moi je ne pense pas que c'est mal de la courir très tard parce que c'est du <<clean fun>> et peut-être la seule façon de garder notre tradition. Peut-être qu'ils ont été trop loin mais pour plusieurs années il n'y avait presque pas de Mi-Carêmes, alors les gens de cette communauté ont dû faire quelque chose.

Est-ce que vous connaissez d'autres endroits où on court la Mi-Carême ?

- Non

- Il y a peut-être à Richmond, mais eux ils fêtent avant Noël, comme le font les gens de Terre-Neuve. Ils font la même chose mais ce n'est pas pour la même raison. Les "Mummerers" de Terre-Neuve viennent à la télévision presqu'à chaque année, c'est plutôt là qu'on en entend parler.

Comment de maisons auriez-vous visitées dans une soirée ?

- Peut-être de 8 à 10 maisons. Tu sais, on ne la courait pas si tard, alors on n'avait pas le temps de passer plus de maisons et on n'avait pas d’auto, qui veut dire qu’on était limité sur le nombre de maisons. On perdait beaucoup de temps à marcher d’une maison à une autre.

Toutes les maisons les laissaient-elles entrer ?

- Je crois que oui, c’était pas du tout comme aujourd’hui. On passait toutes les maisons de nos voisins et après on retournait chez nous.

Vous rappelez-vous de certaines choses qui se sont passées pendant la Mi-Carême, des vraies histoires que vous pouvez nous raconter qui expliquent l’atmosphère de la Mi-Carême quand vous la couriez ainsi que depuis que vous êtes au Foyer ?

- Oui, il y avait une fois, j’avais été la courir chez Alex à Joseph et cette journée en particulier, c’était glissant et lorsque j’arrive au coin de la maison, près de la porte, les deux pieds m'enlèvent sur la glace et je tombe sur mes fesses. C’est juste ça que je ne me suis pas estropié!

- Une année, ici au Foyer, une des résidentes s’était habillée en Mi-Carême et elle était entrée parmi les autres qui viennent nous visiter en Mi-Carême. Si elle avait pensé de prendre une paire de gants pour se cacher les mains, personnes ne l’auraient reconnue.

-Trois ou quatre ans passés, une des résidentes du Foyer, Elizabeth Cormier, courut la Mi-Carême en fauteuil roulant et personne ne la reconnut, les autres la prenait pour une de nos infirmières. Au commencement, elle ne voulait pas se déguiser, parce qu’elle pensait qu’elle se ferait reconnaître avec son fauteuil roulant, mais finalement on finit par la convaincre de s’habiller en Mi-Carême. Elle avait toujours vécu pour la Mi-Carême et pour elle, cette fois en particulier, ce fut un experience très spéciale, remplie de plaisirs et de folies. On lui avait mis un costume et un masque et on avait habillé une de nos travaillantes, qui avait, elle aussi, été la courir en fauteuil roulant, alors ils pensaient tous que c’était deux travaillantes plutôt qu’une résidente. Elizabeth avait une robe de chambre jusqu’aux pieds pour cacher sa jambe avec son pied croche, alors personne n’a pu la reconnaître. Ils reconnurent l’autre qui était avec elle et ils avaient dans l’idée que c’était une autre travaillante du Foyer.

-Une autre année qu’on les laissait entrer au Foyer, par une journée de tempête où on savait qu’on ne verrait pas de Mi-Carêmes, je pus convaincre le concierge du Foyer de s’habiller pour faire rire les résidents pour un petit bout de temps. Il n’a pas agréé avec moi le matin mais quand vient l’après-midi, lui et une autre de nos travaillantes s’habillèrent avec du linge qu’on avait au sous-sol. L’homme, il faisait semblant qu’ils étaient venus au Foyer pour tuer les fourmis et il frappait sur les plinthes (baseboards) avec son marteau en disant <<Après que j’aurai fini, vous n’aurez jamais d’autres fourmis ici.>> Cet homme appelé Paul Antoine, fut très surpris lorsqu’une des femmes, le voyant frapper son marteau, dit aux autres résidents <<Ah, si Paul Antoine était ici, il le tuerait pour sûr!>> Et lorsqu’il enleva son masque, toutes les personnes éclatent de rire.

Merci beaucoup aux gens du Foyer Père Fiset pour leur participation.