Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté
L'Iroquois
1907

L'Autre

 

1907

 

 

 

L'Iroquois aux aguets, courbé, tendu et prêt à bondir, sculpté en 1907 par Suzor-Coté, se présente en quelque sorte comme l'envers du nageur de Louis-Philippe Hébert [voir 1901].

L'Amérindien n'a pour lui que la force de ses muscles, la menace de son tomahawk et le caractère sournois de sa démarche. Il se détache à grand-peine du sol, tout à l'opposé du nageur qui s'expulse avec fracas des eaux, auréolé par la grandeur de l'exploit qu'il vient d'accomplir.

 

Au moment où Suzor-Coté représente cet Amérindien, l'histoire a déjà été écrite : les résistants ont été émasculés. On ne les voit plus que dans leur rôle figé de guerrier, contrepartie de l'héroïsme triomphant du Blanc dont ils sont les faire-valoir.

Ces mises en scène, aussi cruelles puissent-elles nous apparaître aujourd'hui, traduisent bien la position sociale dans laquelle on a fait se replier les vaincus de l'histoire, dans un non-lieu où ils ne seront plus que les témoins de leur propre survivance.

Tout au contraire, c'est comme un motif que Natalia Gontcharova traite sa Noire assise et de profil (1912-1913), qui lui offre tout un jeu sur les oppositions du noir et du blanc et la schématisation des formes.

Il faudra attendre les années 1970 pour que le rapport à l'Autre soit à nouveau dramatisé, marqué désormais par la mauvaise conscience que fait surgir dans la pensée occidentale l'héritage d'un colonialisme devenu aussi honteux qu'il fut, à l'époque, triomphant.

L'œuvre Christmas Card (1986) de Anne Ramsden est éloquente à cet égard, alors qu'elle met en évidence l'importance de l'histoire et surtout de l'espace social dans la formation de l'identité et de la subjectivité.

F.G.