Antoine Pevsner
Linear Creation
1918-1925
(c) Antoine Pevsner/SODRAC (Montréal) 2000

 

Abstraire le monde

 

1918

 

 

C'est une partie essentielle de l'art du 20e siècle qu'ouvre Linear Creation (1918) d'Antoine Pevsner : l'abstraction.

Produite l'année suivant la Révolution et au cœur de l'avant-garde russe, cette œuvre témoigne bien des préoccupations de Pevsner et des constructivistes qui cherchent à abolir toute figuration, jusqu'aux formes abstraites porteuses de références à des objets identifiables, afin de traduire leur perception du monde sous l'angle de l'espace, du mouvement et du temps.

 

Son travail sur les propriétés intrinsèques de la ligne et de la couleur, sa recherche d'un art « pur », libéré des conventions sociales, est toutefois loin de s'éloigner de la « vraie vie » : il se veut une mise en forme du monde réel qui dépasse les contingences historiques, comme en témoigne cet extrait du Manifeste réaliste rédigé par l'artiste et son frère, Naum Gabo, lors de leur première exposition constructiviste en 1920 :

Nous disons :

L'Espace et le Temps sont nés pour nous aujourd'hui. L'Espace et le Temps sont les seules formes dans lesquelles se construit la vie et dans lesquelles par conséquent il faudrait construire l'art.

L'État, les systèmes politiques et économiques périssent sous la poussée des siècles. Les idées s'émiettent mais la vie est forte et elle avance et les corps ne peuvent être arrachés à l'espace et le temps est continu dans sa durée réelle.

Qui nous montrera des formes plus réelles que celles-ci.

Quel grand homme nous donnera des fondations plus solides que celles-ci.

Quel génie composera une légende plus grisante que cette histoire prosaïque appelée vie.

La concrétisation de notre perception du monde en formes d'espace et de temps, voilà qui apparaît comme le seul but de notre création plastique.

 

Le manifeste, placardé à Moscou comme les avis gouvernementaux, souhaite que l'art soit mis au service du peuple.

 

A.M.N.