Paul-Émile Borduas
Léda, le cygne et le serpent

1943

 

Imaginer l'invisible

 

1943

 

 

Autant les artistes, depuis la Renaissance, auront cherché à représenter avec précision le monde qui les entoure, autant ceux du 20e siècle s'emploieront à mettre en forme leur univers intérieur, à dépeindre le monde, mais tel qu'ils le pensent, le sentent et l'interprètent.

 

 

La forme convenue pour illustrer cet univers plus abstrait demeure, jusqu'à la fin du 19e siècle, l'allégorie, comme on peut encore le voir dans Les chutes Niagara que Laliberté représente, en 1910, par un flot de jeunes filles, nymphes et sirènes, incarnant la vie de l'eau mais surtout toute sa séduction.

À partir de cette époque, les artistes multiplieront les moyens pour atteindre à d'autres niveaux de réalité, pour incarner ce qui est ressenti mais non palpable, pour ouvrir les voies de l'imaginaire et celles de l'inconscient tout juste découvert par la psychanalyse au tournant du siècle.

Le surréalisme est un des plus importants mouvements à travailler en ce sens, et sûrement un de ceux qui auront les plus grands effets sur l'imaginaire collectif.

 

Léda, le cygne et le serpent (1943) de Paul-Émile Borduas nous fournit un bon exemple de cette recherche d'une sur-réalité. Ici, à l'interprétation de la légende, s'ajoute un serpent, étranger à l'histoire originale, et né davantage de la peinture elle-même qui en suggère la forme, que d'un programme iconographique très strict.

La peinture de Borduas s'articulera essentiellement sur ce que le geste non planifié offre à l'imaginaire, poussant ce lien jusqu'à développer une forme de surréalisme abstrait, l'automatisme, qui vise, à travers le geste de peindre, à faire surgir un niveau de l'être qui précède la conscience.

Alfred Laliberté
Les Chutes Niagara

1910

Souvent associé au mouvement surréaliste européen, Juan Miró s'en distancie rapidement, le jugeant trop intellectuel et dogmatique. Ses œuvres chargées d'agressivité et d'humour témoignent toutefois d'une capacité remarquable à métamorphoser le réel, à faire voir « cette émouvante poésie qui existe dans les choses les plus humbles et cette rayonnante force d'âme qui s'en dégage ».

Joan Miró
Signes de l'air

1976
(c) Joan Miró/SODRAC (Montréal) 2000


Poursuivant cet esprit dans les années 1980, Serge Murphy puise dans son « réservoir imaginaire » pour produire des condensations d'images, de matériaux, de formes et de signes dont l'aspect ludique et fantaisiste travaille à poétiser le quotidien et à faire de l'art une pratique de tous les jours.

 

A.M.N.

Srge Murphy
Sans titre

1986