Mots imagés

 

1953

 

« S'il est vrai que la poésie non-figurative est à l'avant-garde en 1970, elle n'aurait jamais pu voir le jour sans le surréalisme, par conséquent sans Giguère qui est du surréalisme. Il n'est pas excessif de soutenir avec fermeté que toute la poésie vivante du Québec découle avec une libéralité sans faille de celle de Roland Giguère. »

Claude Gauvreau, décembre 1972

 

Roland Giguère
L'araignée pliant sa toile en vitesse...
1953

Si les textes surréalistes de Roland Giguère constituent un héritage inestimable pour l'univers de la poésie québécoise, comme le souligne justement Claude Gauvreau, sa poésie a tout autant nourri le monde des arts plastiques.

Aux éditions Erta, qu'il fonde en 1949, Giguère publiera plus de 15 recueils, fruits de la collaboration entre peintres et poètes.

 

 

Cette rencontre du texte et de l'image est elle-même au cœur de son travail d'artiste, particulièrement au cours des années 1950 alors qu'il cherche, à partir des principes surréalistes, à générer une forme plus organisée de poésie. Dans ses œuvres, le trait devient tour à tour mot et dessin, installant les deux modes d'expression dans une dépendance fructueuse.

 

 

 

 

 

« L'araignée pliant sa toile en vitesse fuit devant le danseur sur fil de fer – un peu plus loin sur le fil, le cône de sable qui fera trébucher l'araignée – et tout retombera sur terre – sauf le fil. »

Roland Giguère
Défilé de clairvoyants sur la neige
1954

Cette petite encre réalisée en 1953 présente deux personnages hybrides, une araignée mi-insecte, mi-figure, et un danseur ayant à la fois les traits d'un humain, d'un oiseau et d'un personnage de cirque, sans qu'aucun d'eux ne puisse être clairement identifié.

Le texte en prose semble décrire assez littéralement la scène, mais – et c'est là que se trouve la force de la poésie de Giguère – ce sont les allers et retours entre mots en images qui confèrent à l'œuvre son esprit surréaliste et qui ouvrent la représentation : « tout retombera sur terre – sauf le fil », mais cette terre n'est elle-même, dans l'image, qu'un fil criblé de cônes non identifiables et d'autant plus redoutables qu'ils appellent une mise en abîme sans fin de cette chute de fils en terres toutes aussi filiformes. Mieux vaut plier sa toile et fuir!

L'année suivante, le Défilé de clairvoyants sur la neige présente, dans le même esprit, une galerie de personnages dont les corps deviennent tour à tour visages, plantes et insectes. Ils déambulent sans but sur une surface de neige cyclope, la clairvoyante.

 

A.M.N.