Manifestations sexualisées

 

Thomas Sherlock Hodgson
10 BX

1961

 

 

1961

 

 

S'il est une dimension de la vie qui a marqué l'émancipation individuelle et sociale en Occident au 20e siècle, c'est bien la sexualité.

Régie par des principes moraux stricts dans la première moitié du siècle, elle devient, dans les années 1960, le principal symbole d'une société libre de ses gestes et affranchie des conventions religieuses et sociales. C'est à la sexualité aussi, à travers les luttes féministes et homosexuelles, qu'on doit l'ouverture du questionnement identitaire fondamental à la fin du siècle.

 

 

 

Ainsi, ce sont autant de pieds de nez que nous font Dennis Burton, avec son empreinte de fond de culotte intitulée Untitled – Wife: Heather (1965), ou Tom Hodgson avec 10BX (1961) qui, faisant référence à un programme d'exercices physiques mis au point par les forces armées canadiennes dans les années 50, est un beau prétexte pour montrer les fesses d'une femme de façon très provocatrice et à une échelle monumentale.

Ces artistes, qui cherchent à repousser les limites de l'acceptable tant du point de vue
iconographique que plastique, n'arrivent cependant pas à lever l'interdit :
leur ironie traduit la persistance du plaisir coupable.

 

Dans les œuvres ici rassemblées, cette transformation de la conception de la sexualité est flagrante. Si la Femme nue de Recchia arbore, déjà en 1914, un caractère sexuel fort par sa position invitante et son expression coquine, elle emprunte encore, par sa facture, à la tradition académique du nu : corps lisse et soyeux, proportions idéales.


Richard H. Reccia
Femme nue

1914

Cette femme n'est plus Vénus mais pas encore une femme accessible. C'est dans le dessin de Pierre Gauvreau, qui présente, en 1942, une image plus assumée de la sexualité, que celle-ci apparaît. Ses Baigneuses vulgaires, pas distinguées y sont représentées avec un réalisme beaucoup plus grand, étendues, non plus comme des odalisques mais carrément comme après l'amour.


Pierre Gauvreau

Baigneuses vulgaires, pas distinguées

1942
(c) Pierre Gauvreau/SODRAC (Montréal) 2000

 

C'est à partir des années 1960 qu'on voit déferler les représentations les plus crues de la sexualité. Il ne s'agit plus, ici, de rendre hommage à la beauté du corps féminin ou de susciter le désir, mais bien de s'emparer d'un sujet encore tabou – à regarder à la dérobée – pour en faire une chose banale, présentée de manière frontale.

Dennis Burton
Untitled – Wife: Heather

1965

Evergon
Boule et nature morte

1987


Diane Arbus

A Young Man in Curlers at Home on West 20th St. N.Y.C.

1966

 

Au cours des trois dernières décennies, ce sont les questions d'identité sexuelle qui occuperont le haut du pavé, depuis les photographies de Diane Arbus présentant des personnages marginaux à l'orientation sexuelle ambiguë, jusqu'à l'homosexualité clairement affichée et réclamée par Robert Mapplethorpe ou Evergon – ce dernier évoquant de façon troublante, par les codes de la vanitas, la mort dorénavant indissociable de la sexualité.

 

A.M.N.