Violences de la figure

 

 

Julian Schnabel
Sans titre

1983

 

 

 

1983

 

 

 

Julian Schnabel fait partie des artistes qui proclament, à la fin de la très conceptuelle décennie 1970, le retour à la peinture figurative et narrative.

Jugée réactionnaire par plusieurs, la Bad Painting à laquelle il est associé est un refus catégorique du bon goût, refus qui passe par une réhabilitation de la sous-culture.

Les œuvres de Schnabel seront donc surchargées de références éclectiques, empruntant autant à l'histoire de l'art qu'aux films, magazines, bandes dessinées et autres signes de l'imagerie populaire, et caractérisées par l'hétérogénéité des matériaux employés.

 

Dans cette estampe, réalisée en 1983 en préparation à une série d'impressions sur velours, la surcharge des œuvres de Schnabel apparaît moins évidente. L'image conserve toutefois le jeu de renversement des signes propre à son travail.

Par un traitement similaire du personnage et de la lampe sur la table — même brutalité du trait, même silhouette, mêmes proportions —, l'artiste complexifie la reconnaissance des éléments représentés, mais surtout il multiplie les associations possibles entre les deux formes, forçant un déplacement du regard de l'une à l'autre qui transforme très rapidement le personnage en objet et la lampe en figure humaine.



Curt Royston
Untitled
1983

 

 

Sans être associé à la Bad Painting, le travail de l'Américain Curt Royston est aussi significatif des préoccupations des artistes des années 1980.

À ses rapprochements subversifs d'images s'ajoute une réflexion approfondie sur la construction de l'image elle-même. Par une mise en abîme élaborée d'objets réels et d'éléments peints et photographiés, l'artiste joue constamment sur la tension entre la réalité et l'illusion, de telle sorte que le spectateur a peine à comprendre dans quel ordre se sont succédé les différentes étapes de la fabrication de la photographie.

Royston complexifie ainsi la lecture de l'œuvre et annule toute forme de projection de la part du spectateur qui se trouve complètement entraîné dans l'univers de l'image. Un univers plastique qui agit comme un retentissement de la violence du monde.

 

A.M.N.