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Juliette BeauregardJuliette Beaubien naît au Québec en 1877 et y reçoit son éducation primaire. Elle fait la connaissance de Joseph-Pierre Beauregard, jeune commis à la boucherie de son oncle et l'épouse à l'été de 1897. Joseph-Pierre ouvre une boucherie à Windsor, en Estrie, peu de temps après. Le commerce marche bien, mais plusieurs frères et cousins de Mme Beauregard, établis dans la région de Cantal dès 1900, lui vantent les belles possibilités qui s'offrent dans l'Ouest canadien. Quand le frère de Joseph-Pierre s'installe à Gravelbourg et des parents de Juliette essaiment à l'ouest de Willow-Bunch, dans une région encore pratiquement déserte et donc propre à l'élevage, Joseph-Pierre prend la décision de venir lui aussi tenter fortune en Saskatchewan. Il se réserve un homestead et une préemption à la fin d'août 1909 dans le district de Scout Lake et il y fait construire une cabane en tourbe d'une seule pièce par un Métis des environs, Catchou McGillis. Il signe également des baux sur plusieurs autres sections de terre qui serviront de pâturages. Au printemps de 1910, Juliette Beauregard se met en route avec ses six enfants pour rejoindre son mari. Après les longues journées à bord du train, on entreprend le voyage entre Moose Jaw et Willow-Bunch en «démocrate». Il faudra passer trois nuits sous la tente. La famille demeure quelque temps à Willow-Bunch, chez un frère de Juliette, en attendant la livraison des meubles et des malles. On s'installe alors dans la cabane au ranch; la grande famille y est passablement à l'étroit et des rideaux font encore office de cloisons. Joseph-Pierre «casse» quelques acres de terre et s'affaire à assembler un troupeau d'au moins soixante bêtes à cornes en quelques mois. Le ranch est un site enchanteur quoique loin des routes passantes. À l'est et à l'ouest, la descente dans la coulée s'effectue par le flanc de collines boisées. La cabane est construite devant un bouquet de peupliers que l'on appelle «le bocage»; plus loin, des saules forment «le boisjoli» où l'on va souvent en pique-nique et à l'arrière, un monticule couvert de mica reçoit le nom de «pain de sucre». Plusieurs dizaines de cercles de pierres, vestiges du passage des Indiens, sont éparpillés aux alentours. En hiver toutefois, la neige épaisse bloque souvent le chemin, de telle sorte qu'on est prisonnier au ranch pendant plusieurs jours de suite. L'existence au ranch est plutôt monotone, mais ce ne sont pas les tâches qui manquent. La corvée hebdomadaire de la lessive occupe la mère et les grandes filles pendant toute une journée. En été, on va chercher l'eau du puits tandis qu'en hiver on fait fondre de la neige et les glaçons qui pendent du toit afin d'obtenir de l'eau douce. Après la planche à laver et les baquets de rinçage, on étend la lessive sur des cordes qui courent en tous sens d'un mur à l'autre; la cuisine se transforme en course à obstacles. Comme on regrette le confort de la grande maison qu'on a quittée au Québec! À l'automne de 1911, les Beauregard achètent un magasin à Leeville, à environ cinq kilomètres au nord-est du site actuel d'Assiniboia. L'endroit est moins isolé, certes, mais les habitants du district sont presque tous de langue anglaise. Mme Beauregard, qui ne parle ni ne comprend l'anglais, souffre là encore de l'isolement. Mais au moins, les affaires vont bien. Au printemps de 1912, les Beauregard font construire un petit magasin à Saint-Victor et en confient l'exploitation à un gérant. Un incendie rase pourtant l'édifice l'année suivante. Lorsque le chemin de fer du Canadien Pacifique arrive à Assiniboia en 1913, ils y font ériger un grand magasin, avec logement à l'étage; c'est là qu'ils habitent pendant cinq ans. Ce sont des «hommes à gages» qui s'occupent du ranch et de la ferme pendant ce temps-là. Après la vente du magasin d'Assiniboia à l'automne de 1918, on revient s'installer au ranch. La diphtérie vient d'emporter un garçon de cinq ans, mais la famille comprend encore onze enfants. Heureusement, on a agrandi la maison et on y est beaucoup moins à l'étroit. Il n'y a pas d'école aux environs et les plus âgés partent pour le couvent, à Forget ou à Willow-Bunch, ou pour le Collège catholique de Gravelbourg. Souvent aussi, c'est Mme Beauregard qui enseigne l'alphabet et les rudiments de la lecture aux plus jeunes. D'ailleurs, elle a toujours conservé le goût de la lecture. Elle emprunte régulièrement des livres à l'abbé Poirier, curé d'Assiniboia, et le soir après souper, elle fait la lecture à ses enfants. Un de ses oncles, établi à quelque distance de là, vient aussi à tous les soirs, à dos de poney. Il ne manquerait un épisode pour rien au monde; il s'assied en tailleur sur le plancher et écoute, pipe au bec. Mme Beauregard lit ainsi, pendant de longues heures. On revit alors les aventures de Mme Lagimodière, la première femme blanche dans l'Ouest, et celles de Mgr Provencher – c'est un parent lointain de Mme Beauregard – et du père Lacombe. Vers 1923, les Beauregard louent une maison à Saint-Victor, afin que les enfants puissent fréquenter plus régulièrement l'école. Mme Beauregard prend plusieurs pensionnaires, en même temps qu'elle s'occupe de la salle de billards, puis du bureau de poste. Un des pensionnaires demeure alité pendant de longs mois, à cause d'une jambe fracturée qui s'est mal ressoudée; son infirmière lui fait la lecture régulière des colonnes de La Presse, sans omettre la chronique de Baptiste, un «habitant» type auquel il arrive mille mésaventures désopilantes. En 1927, M. Beauregard est nommé maître de poste à Scout Lake, à peu près au même moment où l'on achève la construction d'une grande maison au ranch. Il ouvre alors une boucherie et un petit dépôt pour la vente de l'alcool au village. Lorsque M. Beauregard meurt en 1947, son épouse habite pendant quelque temps au ranch, avant de s'installer chez un de ses enfants. Elle décède à Assiniboia le 11 mai 1961, à l'âge de 84 ans, des suites d'une chute. (renseignements: dossier Rita Beauregard-Préfontaine, aux Archives provinciales; The Rolling Hills of Home, Rockglen 50th Anniversary Committee, Rockglen, 1978, p. 105) |